Comprendre comment la politique indienne a changé et évolué au fil du temps nécessite une étude approfondie de l’interaction entre l’État et la société. Concrètement, cela signifie qu’il faut se pencher sur la manière dont la démocratie a pris racine en Inde et la façon dont les acteurs du pouvoir ont répondu aux défis auxquels ils faisaient face (p. 2). Politics and State-Society Relations in India répond à cette nécessité d’analyser la complexité des interactions entre les représentants de l’État indien et ses institutions avec la société indienne. L’auteur, James Manor, est professeur émérite à l’Institute of Commonwealth Studies de la School of Advanced Study (Université de Londres). Ayant étudié l’Inde pendant plus de cinquante ans, il est reconnu aujourd’hui comme un des grands spécialistes du pays. Notamment, ses travaux offrent d’importantes contributions à l’égard d’une meilleure compréhension de l’impact du système de castes sur la politique indienne, de la place à accorder au leadership politique dans le pays, et au développement des institutions politiques. Politics and State-Society Relations in India, son plus récent ouvrage, couvre bien l’ensemble de ses connaissances et apporte une contribution impressionnante à la littérature s’intéressant à la politique indienne. Réveil, désintégration et régénération (awakening, decay and regeneration) sont les mots clés du livre. En portant un regard sur la société indienne et les acteurs politiques, il identifie deux tendances parallèles qui se dessinent après l’indépendance du pays. La première réfère à la population locale qui devient plus soucieuse des enjeux politiques et du pouvoir qu’elle peut obtenir par l’entremise des institutions et, conséquemment, à la difficulté, voire à l’incapacité des institutions et des leaders politiques à répondre aux demandes de plus en plus exigeantes et issues directement de la population locale (p. 69). D’ailleurs, dans une société hiérarchique où la culture encadre bien davantage que le et la politique, ce réveil mérite toute l’attention (p. 21). La deuxième se rapporte quant à elle à la tendance vers la régénération politique, c’est-à-dire l’inverse de la désintégration (p. 69). Pour Manor, la démocratie indienne s’est activée graduellement avant l’indépendance du pays. Par l’étude de l’interaction entre le Raj britannique et le mouvement nationaliste indien de la première moitié du XXe siècle, il explique comment les Indiens ont acquis une participation accrue au sein de la vie politique (p. 31). Comme quoi, contrairement au reste de l’empire, les Britanniques ont dû se montrer davantage accommodants en Inde et plus soucieux des sensibilités locales considérant la densité et la résilience impressionnante de la population indienne. À force d’obtenir de plus en plus de pouvoir par l’entremise des institutions, les Indiens y ont développé goût. De là, Manor remarque que ce réveil s’est accéléré après l’indépendance du pays en 1947. Alors que la politique du compromis était la clé de voûte du règne britannique, celle-ci devient d’autant plus importante quand la population locale prend conscience du pouvoir qu’elle peut avoir par l’entremise de la démocratie représentative (p. 45). S’en est suivie, pour l’auteur, une désintégration de la politique indienne qui se comprend notamment par l’incapacité des institutions politiques à répondre à cette population de plus en plus active politiquement. De là, Manor aborde la détérioration de l’institution informelle qu’est le parti politique et surtout du Parti du Congrès qui a été au pouvoir – pratiquement – de l’indépendance du pays jusqu’en 1989. Alors qu’au moment de l’indépendance le parti avait pour mérite d’aider à une meilleure intégration des différents ordres de gouvernement et de la diversité sociale au sein de l’union politique indienne tout en assurant une certaine gestion des conflits d’intérêts entre les groupes …
Politics and State-Society Relations in India, de James Manor, Londres, RU, C. Hurst & Co., 2017, 366 p.[Record]
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Catherine Viens
Étudiante au doctorat, Département de science politique, Université du Québec à Montréal
catherine.viens2@gmail.com