Recensions

Être fédéraliste au Québec. Comprendre les raisons de l’attachement des Québécois au Canada, de Jean-François Caron, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016, 100 p.[Record]

  • Nicolas Gauvin

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En s’appuyant sur les réflexions de plusieurs penseurs politiques (Cicéron, Machiavel, Rousseau), Caron élabore dans le premier chapitre un cadre théorique qui permet de penser ce qu’est un patriotisme fédéral (p. 25-27). À la lumière de ce cadre, pour qu’un tel sentiment d’appartenance puisse advenir, deux conditions doivent se retrouver au sein d’une entité politique fédérée ; le respect de l’autonomie communautaire des minorités nationales et une flexibilité à l’égard des demandes de celles-ci. En somme, aux yeux de l’auteur, la pérennité des minorités nationales repose sur leur capacité à modifier les pratiques de gouvernance d’une fédération (p. 32). Pour tout dire, lorsque les minorités nationales sont en mesure d’influer sur le cadre institutionnel d’une fédération, un sentiment d’appartenance à une association politique se développe et complémente l’affiliation ethnoculturelle. Par conséquent, ces deux conditions réunies sont préalables à l’établissement d’une association politique harmonieuse au sein d’une société multinationale. Dans le deuxième chapitre, Caron soutient son propos en procédant à une analyse comparative de différents fédéralismes : suisse, belge et espagnol. Il voit dans le cas suisse un exemple de fédéralisme réussi. L’État helvétique a toujours été historiquement composé de multiples groupes ethnolinguistiques variés. Au niveau politique, la prise de décisions s’effectue par le biais de mécanismes complexes, mais qui ont le mérite de ne jamais favoriser les intérêts du groupe ethnique majoritaire (p. 44). En effet, ses mécanismes institutionnels sont pensés dans l’optique d’un compromis intercommunautaire qui n’affecte pas négativement « l’autonomie politique et les intérêts des communautés ethnolinguistiques » (p. 45). On ne peut pas en dire autant des deux autres cas. En Belgique, l’histoire trouble des relations entre Flamands et Wallons a contribué en partie à un blocage des institutions fédérales. La « fermeture à l’égard des demandes politiques des Flamands » reste, selon Caron, un facteur décisif qui dans l’histoire récente de ce pays semble avoir eu une influence considérable sur le développement de l’indépendantisme flamand (p. 55). Cette même fermeture serait à l’origine des velléités sécessionnistes des Catalans. Le tribunal constitutionnel espagnol a invalidé en 2010 le statut de relative autonomie dont disposait alors la Catalogne. Selon l’auteur, l’« image d’une Espagne fermée » a transformé de manière fulgurante l’option « historiquement dominante » du nationalisme autonomiste catalan en l’orientant vers un indépendantisme pur et dur (p. 59). À la lumière de ces différents cas, Caron conclut que l’effritement du patriotisme fédéral en Espagne et en Belgique découle du blocage des institutions fédérales, plus particulièrement de leur incapacité à assurer la pérennité de l’autonomie communautaire de la Flandre et de la Catalogne. Au sein des deux États, l’effritement du patriotisme fédéral favorise l’attrait d’une option indépendantiste. Pour Caron, ces deux cas démontrent bien la solidité de son cadre théorique. Dans le chapitre suivant, il entend l’appliquer au cas canadien. Dans le troisième chapitre, Caron met en exergue la présence d’un patriotisme fédéral au Québec en rappelant que le gouvernement fédéral n’a jamais véritablement constitué un frein au développement de l’autonomie étatique de la société québécoise. Le cadre fédéral a pu être modifié en fonction de la volonté d’autodétermination du gouvernement du Québec. Ainsi, écrit-il, le fédéralisme canadien n’a nullement empêché la mise en place de différentes institutions importantes qui ont durablement défini l’État québécois durant les années 1960 sous le gouvernement de Jean Lesage (Caisse de dépôt et placement du Québec, Régie des rentes, etc.) (p. 72). Caron croit que si le gouvernement du Québec a pu légiférer dans une telle quantité de domaines, c’est parce que le cadre fédéral tel que défini dans l’Acte de l’Amérique du Nord de 1867 est très décentralisé. Ce cadre …