FR:
Ce texte vise à souligner la pertinence de la notion de complétude institutionnelle en tant qu’outil conceptuel et théorique en l’appliquant à un contexte peu étudié : celui de la sécurité culturelle des minorités linguistiques han dans la grande région sinophone. En se penchant sur la minorité hakka à Hong Kong et à Taïwan, il vise notamment à exemplifier comment des paysages institutionnels propres à ces deux endroits ont contribué à créer ou à remodeler certaines catégories identitaires, à politiser ou à dépolitiser celles-ci, ainsi qu’à déplacer des perceptions de sécurité et d’insécurité culturelles vers différentes catégories identitaires et institutionnelles. À Hong Kong, les mouvements nativistes ont de plus en plus tendance à conceptualiser les Hongkongais comme une minorité nationale en quête d’autonomie et mettent l’accent sur le renforcement de leur langue – le cantonais – aux dépens du hakka. Pour leur part, à Taïwan, les militants de la langue ont intériorisé l’indépendance de l’État taïwanais, dont le territoire est toujours revendiqué par la Chine, et font la promotion de son caractère multiethnique et multilingue. Ces militants reconnaissent même la complétude institutionnelle des minorités, sans la nommer pour autant, comme une solution au problème du transfert linguistique vers le mandarin, notamment chez les Hakka et les peuples autochtones. Ce texte expose ces processus en analysant les diverses conceptualisations, pratiques et politiques de la complétude institutionnelle dans la grande région sinophone, et tente d’en tirer des leçons généralisables à des contextes linguistiques et institutionnels différents.
EN:
This paper aims to highlight the relevance of institutional completeness as a conceptual and theoretical tool by applying it to an under-studied context: the cultural security of Han linguistic minorities in the greater Chinese-speaking region. By focusing on the Hakka minority in Hong Kong and Taiwan, it aims notably to exemplify how different institutional landscapes have contributed to create or reshape some identity categories, to politicize or depoliticize them, and to shift perceptions of security and insecurity toward different identity and institutional categories. In Hong Kong, nativist movements are increasingly inclined to conceptualize Hong Kong as a national minority of China in search of autonomy, and have focused on the strengthening of its majority language—Cantonese—at the expense of Hakka. Whereas in Taiwan, language revivalists have internalized the independence of their state, whose territory is still claimed by China, and have recognized its multilingual and multicultural makeup. They even recognize, albeit implicitly, institutional completeness as a solution to the language shift from minority languages, in particular Hakka and aboriginal languages, to Mandarin. This paper relates those processes by analyzing the diverse conceptualizations, practices, and politics of institutional completeness in the greater Chinese-speaking region, and tries to draw lessons that can be generalized to other linguistic and institutional settings.