FR:
Ce texte propose une analyse de certaines dimensions de la pensée de deux auteurs libéraux, Friedrich A. Hayek et Judith N. Shklar, qui ont été rarement analysés ensemble et, parfois même, ont été oubliés, notamment dans le cas de la seconde. Il s’agit de montrer, à partir de la notion de l’inquiétude, que ces deux libéraux illustrent un aspect de la diversité de la pensée libérale, et ce, à partir d’une même appréhension critique à l’égard des capacités de la raison. Or, si Hayek et Shklar s’entendaient sur les profondes limitations de la raison humaine à maîtriser les flux sociaux, nous montrons que ces deux auteurs divergent quant à l’orientation générale qu’ils donnent au libéralisme. Alors que le libéralisme de la peur de Shklar l’amenait à vouloir réconcilier le libéralisme avec un État palliant les injustices subies par les opprimés, celui d’Hayek l’entraînait plutôt à dénoncer les mirages de la justice sociale.
EN:
This paper examines some aspects of the beliefs of two thinkers of liberalism, Friedrich A. Hayek and Judith N. Shklar, who have rarely been considered together, and who are sometimes forgotten, especially the latter. Starting from the notion of inquiétude, or anxiety, both authors share a sceptical bent, springing from a critical mistrust of the capacity of reason. And yet, while Hayek and Shklar both recognized the deep limitations of human reason with regard to the control of societal development, we show that this observation leads each of them to develop markedly divergent versions of liberalism. While Shklar’s liberalism of fear seeks to reconcile liberalism with a socially active State that has an obligation to alleviate the worst injustices, Hayek’s version, on the contrary, is especially averse to the promises of State-engineered social justice.