Leur démarche de recherche vise à comprendre la structure et l’organisation de la pauvreté et à saisir pourquoi elle prend une forme différente dans les quatre communautés. Leur analyse s’appuie sur quatre piliers, touchant des aspects tant économiques que sociaux : le marché du travail et ses régulations ; les compromis sociaux entre les acteurs syndicaux, économiques et étatiques ; le traitement politique réservé aux personnes pauvres ; et les représentations sociales de la pauvreté (p. 9). Ils ont choisi les quatre cas en raison de leur conception différente du rôle de l’État. Le Danemark, un pays social-démocrate, et la Grande-Bretagne, un pays libéral, correspondent aux « archétypes » des États sociaux selon la typologie influente de Gøsta Esping-Anderson (The Three Worlds of Welfare Capitalism, Cambridge, Polity Press, 1990), alors que la France et le Québec offrent des cas « hybrides ». Lefèvre, Boismenu et Dufour soutiennent qu’il est difficile de mesurer la pauvreté avec exactitude, car il est compliqué de la définir de manière précise. Dans le premier chapitre du livre, ils démontrent cette complexité en discutant la différence entre la pauvreté absolue et la pauvreté relative, ainsi qu’en déconstruisant différents seuils de pauvreté des différents pays. Par exemple, « [a]u Canada, ce seuil est établi à 50 % de la médiane des revenus disponibles. En Europe, le seuil de 60 % de la médiane du revenu disponible a été adopté » (p. 23). Dans un autre chapitre, ils continuent la critique des statistiques : « [p]rivilégier tel ou tel instrument conduit à dessiner un portrait différent de la réalité socioéconomique, en prenant en compte d’autres dimensions » (p. 153). Les auteurs se penchent ensuite sur les quatre cas à l’aide des quatre piliers, analyse qui leur permet d’identifier ce qu’ils appellent l’architecture sociale de chaque pays. Ils présentent leurs analyses dans quatre chapitres empiriques, un pour chaque cas. Les auteurs étudient également la tendance dans le temps et se demandent si les politiques sociales deviennent plus ou moins similaires dans les différents pays. Ils constatent une certaine convergence dans la « représentation de la justification de l’intervention de l’État », mais ajoutent que cela « ne signifie pas pour autant une convergence équivalente dans le contenu même des politiques » (p. 175). Le livre se termine avec ce que les auteurs appellent « quatre conclusions partielles » (p. 196). La première conclusion met l’accent sur l’importance de la mobilité des travailleurs ; « pour tourner, le marché (et les employeurs) a besoin d’une main-d’oeuvre mobile » (p. 196). La deuxième souligne l’importance de la négociation collective, avec le Danemark en exemple, un pays où le taux de pauvreté et d’inégalités est le plus bas dans l’Union européenne et où les acteurs collectifs ainsi que les patronats sont impliqués dans le marché du travail et sa gestion. Dans leurs propres mots, « le compromis social apparaît comme une clef pour atteindre des objectifs de développement social » (p. 197). En troisième conclusion, les auteurs insistent sur le rôle primordial des actions publiques : « la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités constituent des choix collectifs, des choix de société, qui peuvent se traduire par des actions politiques concrètes » (p. 197). Finalement, ils remarquent que l’un des défis importants dans toutes les sociétés est celui de la place des nouveaux arrivants ; même si la forme de la pauvreté est différente dans les quatre cas, les nouveaux arrivants sont toujours les plus défavorisés. Le livre se démarque des autres analyses de la pauvreté. Les auteurs ne font pas qu’analyser le contexte économique et la …
La pauvreté : quatre modèles sociaux en perspective, de Sylvain Lefèvre, Gérard Boismenu et Pascale Dufour, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2011, 209 p.[Record]
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Alison Smith
Département de science politique, Université de Montréal
alison.smith@umontreal.ca