FR:
La construction de l’État-nation reste un défi majeur pour la Mélanésie. Dès la décolonisation des années 1970 et 1980, les nouvelles nations mélanésiennes ont éprouvé beaucoup de difficulté à se créer une identité nationale solide et une communauté politique unie, tout en maintenant leurs langues vernaculaires et leurs cultures traditionnelles. Le Vanuatu pour sa part a eu pour tâche de se construire une identité nationale en dépit d’un double héritage colonial franco-anglais. Cet article présente un sondage que nous avons organisé dans plusieurs centres d’enseignement supérieur à Port-Vila en 2010, dont l’Université du Pacifique Sud et l’Agence universitaire pour la francophonie, sur les attitudes des étudiants de ces institutions à l’égard de l’identité nationale. Notre enquête révèle, entre autres, qu’il existe des points communs et des similitudes sur le développement du sentiment national entre les étudiants francophones et anglophones de l’enseignement supérieur au Vanuatu. La convergence porte notamment sur des points clés tels les indicateurs de la fierté nationale, le maintien des traditions et de la kastom (coutume), la conception de la citoyenneté et le respect des institutions et de l’État de droit. Nos données indiquent aussi que, malgré un relâchement des liens postcoloniaux associant les deux langues d’enseignement à des affiliations religieuses et politiques divergentes, la langue d’enseignement reste un vecteur important pour les étudiants quant à leur attitude envers l’identité nationale et ses éléments prioritaires. Nos conclusions offrent un nouvel éclairage sur la vision qui pourrait animer les élites politiques et professionnelles futures du Vanuatu dans leur dépassement des fractures régionales, ethniques, intergénérationnelles et linguistiques qui ont jadis touché le pays.
EN:
Nation-building remains a key challenge across Melanesian societies, including Vanuatu. From the origins of the new nations of Melanesia following decolonisation in the 1970s and 1980s, it was clear that creating a unifying sense of national identity and political community from multiple languages and diverse traditional cultures would be difficult. Despite an apparent greater success than neighbouring Melanesian states, the legacies of dual Anglo-French colonialism presented additional challenges to the post-independence political elites of Vanuatu. This paper presents new survey and focus group data on attitudes to national identity among tertiary students in Vanuatu, based on research conducted at the University of the South Pacific and other tertiary institutions in Port-Vila in 2010. Among other things, the survey identifies many key areas of common attitudes toward nationalism and national identity, shared by both Anglophone and Francophone Ni-Vanuatu. These include most indicators of national pride, and attitudes to the importance of respecting tradition and kastom, of citizenship, and respecting political institutions and laws. However, despite the weakening ties between language of education and political affiliation over recent years, the findings also suggest there remain some key areas of strong association between language of education, attitudes to the nation, and national identity. These findings cast new light on the attitudes of likely future elites toward regional, ethnic, intergenerational and linguistic fault lines in Vanuatu, and the challenges of building a cohesive sense of political community and national identity.