Recensions

Nations en quête de reconnaissance : regards croisés Québec-Catalogne, sous la dir. d’Alain-G. Gagnon et Ferran Requejo, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang Diversitas, 2011, 241 p.[Record]

  • Eric Guntermann

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Dans Nations en quête de reconnaissance : regards croisés Québec-Catalogne, Alain-G. Gagnon et Ferran Requejo présentent une excellente collection de débats sur les principaux enjeux liés à la reconnaissance de ces deux nations minoritaires. Ces débats se concentrent sur trois champs : la théorie politique, la politique comparée et le droit constitutionnel. Sur le plan de la théorie politique, les auteurs discutent d’abord des problèmes posés par le libéralisme classique. La principale lacune est identifiée dans l’introduction : le libéralisme ignore le pluralisme national et culturel et notamment le fait que l’État ne peut pas être neutre sur des sujets nationaux et culturels. Dans un premier chapitre écrit par Requejo, celui-ci affirme qu’il y a un consensus croissant autour du fait qu’il faut reconnaître la diversité nationale pour éviter de favoriser implicitement les nations majoritaires. Il trouve la justification théorique de cette approche dans l’oeuvre d’Hegel. Alors que les écrits de Kant ne parviennent pas à s’affranchir de l’individualisme du libéralisme classique, Hegel établit un « besoin humain de reconnaissance » (p. 46). Les nations peuvent donc revendiquer des droits. Dans sa contribution, Michel Seymour affirme que les « peuples » ont des droits collectifs. Selon lui, chaque peuple a un droit « primaire », indépendant de toute injustice, à l’autodétermination interne, c’est-à-dire la capacité de « maintenir existantes les institutions qui le caractérisent et de se développer économiquement, socialement et culturellement à l’intérieur d’un État englobant » ainsi que de « déterminer son statut politique au sein de l’État englobant » (p. 56). Ce principe contraste avec l’autodétermination externe, le droit de faire la sécession et ainsi de posséder son propre État souverain, qui est réservé aux peuples ayant subi une injustice, y compris la non-reconnaissance du droit à l’autodétermination interne. Cette distinction est importante parce que la reconnaissance d’un droit universel à l’autodétermination externe mettrait en conflit celui des nations majoritaires et celui des nations minoritaires : les premiers pourraient s’opposer à la sécession des seconds en invoquant leur droit à posséder un État souverain. Au contraire, tous les peuples ont le droit à l’autodétermination interne étant donné que Seymour adopte une définition institutionnelle des peuples et sa reconnaissance de ceux-ci comme détenteurs légitimes de revendications morales. Le coeur du livre se situe au niveau de la politique comparée. Dans un chapitre sur le Canada, Gagnon présente les deux stratégies du gouvernement fédéral dans ses relations avec le Québec. Premièrement, l’endiguement du nationalisme minoritaire par le nationalisme majoritaire est illustré, par exemple, par le recours au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral pour imposer des normes canadiennes. Deuxièmement, Ottawa s’est servi de la stratégie de contentement, c’est-à-dire répondre favorablement aux demandes de la province, par exemple par le biais du fédéralisme d’ouverture de Stephen Harper. Selon l’auteur, la première approche a prédominé depuis les années 1960, avec l’arrivée au pouvoir de Pierre Elliott Trudeau. Gagnon propose plutôt l’habilitation des nations, leur permettant de se développer pleinement au sein de fédérations. Dans sa contribution, Montserrat Guibernau présente trois cas, la Catalogne, l’Écosse et le Québec, où des mouvements nationalistes revendiquent généralement le respect de leur culture et de leur langue ainsi que l’autonomie politique. La réponse principale des États centraux à ces mouvements a été la décentralisation et la fédéralisation. Selon l’auteure, ces stratégies ne satisfont pas totalement les revendications des sécessionnistes, qui demandent de plus en plus d’autonomie et de reconnaissance, mais elles n’encouragent pas non plus la sécession. Dans le seul autre chapitre comparant plusieurs cas, André Lecours adopte une approche déductive, identifiant la présence de différents facteurs associés aux mouvements nationalistes dans les cas catalans …

Appendices