Abstracts
Résumé
Cet article se penche sur les causes des différentes trajectoires des régimes politiques dans les pays postcommunistes. J’avance la thèse que les groupes d’explication principaux – l’héritage, le choix institutionnel, la direction politique et l’influence externe – ne sont pas capables seuls d’expliquer toutes les trajectoires possibles pour toutes les sous-périodes de transition politique. Sur ce point, je propose un modèle explicatif multivariable souple à deux niveaux. Ainsi, les trajectoires démocratique et autoritaire s’expliquent principalement à l’aide du système proportionnel aux élections parlementaires. L’explication de la présence des régimes intermédiaires se trouve dans le manque d’identité nationale commune qui unit le gouvernement au reste de la population.
Abstract
This paper examines the causes for the different trajectories in the postcommunist political regime development. I state that the four main explanatory groups – the legacies, the institutional choice, the political leadership, and the foreign influence – cannot alone account for all trajectories and all transition periods. On this issue I propose an alternative flexible two-level multivariable model. This model explains the democratic and authoritarian trends with the use of proportional system in parliament election. It explains the intermediary political regime with the lack of sense of national identity that would unite the government and the rest of the population.
Article body
Malgré une uniformité institutionnelle et politique sous le régime communiste, depuis les vingt dernières années les pays postcommunistes affichent plutôt une remarquable différence au niveau de leur régime politique. En effet, on trouve au sein de ces pays des régimes démocratiques, d’autres autoritaires, et enfin certains régimes intermédiaires. Plusieurs modèles théoriques essaient d’expliquer cette diversité, qui s’observe notamment à travers des trajectoires aussi distinctes que celle de la Hongrie et celle du Turkménistan. Comprendre cette diversité est l’objet central de cet article, qui offre réponse en quatre parties : premièrement, il identifie les écoles principales qui expliquent le développement des régimes politiques postcommunistes ; deuxièmement, il présente des modèles théoriques génériques pour chacun des groupes analytiques ; troisièmement, il évalue ces modèles par rapport à un échantillon de pays postcommunistes qui représentent des trajectoires différentes en termes de régimes politiques ; enfin, il suggère un nouveau modèle explicatif qui élimine les faiblesses et réunit les points forts des modèles précédents.
Dans cet article, j’avance la thèse que les variables explicatives utilisées dans la littérature ne sont pas assez puissantes pour prédire toutes les trajectoires de régimes politiques possibles dans le monde postcommuniste. Cependant, certaines variables liées à l’approche des choix institutionnels, soit la séparation des pouvoirs et le système électoral, démontrent de bonnes corrélations en ce qui concerne les trajectoires extrêmes (la démocratie et l’autoritarisme), mais pas pour les cas intermédiaires. D’autres variables, telles la présence d’une identité nationale et la présence d’un État souverain, jettent davantage de lumière sur le fait que certains pays postcommunistes demeurent toujours sous un régime intermédiaire.
Sur le plan de l’organisation, je propose premièrement de faire une revue de la littérature plus vaste et approfondie que celle traditionnellement offerte sur le sujet. En plus de cet examen des écrits, cette section permet de rassembler les éléments conceptuels qui aideront à créer les modèles génériques représentant les quatre approches principales[1] : l’héritage, les choix institutionnels, la direction politique et l’influence externe. Ensuite, je définis la variable dépendante et justifie le choix de l’échantillon. Finalement, j’évalue les modèles pour en concevoir un nouveau qui explique la diversité politique.
À l’instar de Jeffrey Kopstein et Mark Lichbach (2005 : 4), je définis le régime politique comme l’ensemble des institutions politiques formelles et informelles utilisées par l’État pour exercer son pouvoir sur la communauté politique. Il est mesuré comme variable dépendante en utilisant les critères de l’organisation Freedom House (2009) : les pays démocratiques sont ceux identifiés comme pays « libres » ; les pays autoritaires représentent le groupe des « non libres » et les régimes intermédiaires sont ceux considérés comme « partiellement libres ».
En ce qui concerne l’échantillon, les pays les plus intéressants sont ceux qui au début des années 1990 sont identifiés par Freedom House comme « partiellement libres », pour lesquels toutes les possibilités de développement politique sont encore ouvertes. Parmi eux, deux cas particuliers, celui de la Croatie et celui de la Roumanie, représentent des exemples d’une démocratisation graduelle. Le cas le plus représentatif est celui de la Roumanie. La Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, pour leur part, représentent trois cas de la tendance opposée, l’autoritarisme graduel. La Biélorussie illustre le mieux cette tendance, pour des raisons diamétralement opposées à celles qui justifient le cas de la Roumanie et qui seront détaillées subséquemment. Le groupe des pays « partiellement libres », quant à lui, est le mieux représenté par la Macédoine qui voit son régime politique se maintenir au cours de la toute période postcommuniste.
Revue de la littérature
Quatre approches théoriques, chacune réunissant plusieurs hypothèses, se disputent le champ de compréhension de la diversité des régimes politiques dans le monde postcommuniste : l’héritage, le choix institutionnel, la direction politique et l’influence externe. L’approche selon l’héritage tente d’expliquer cette diversité par le passé unique de chaque pays. Suivant l’effet d’une dépendance au sentier, des phénomènes politiques, économiques ou religieux produisent des variantes dans la trajectoire actuelle empruntée. Selon les deux courants principaux de cette approche, l’héritage représente soit un fardeau (Jowitt, 1992) à supporter, soit un appui en vue d’une possibilité de démocratisation (Brzezinski, 2002).
Selon Ken Jowitt (1992 : 287-289), les héritages de l’époque communiste, la dichotomie renforcée entre les domaines publics et privés, le faible niveau de participation politique, l’absence d’une identité civique, l’atomisation sociale et la présence des institutions semi-autarciques agissent toujours contre le processus de démocratisation[2]. À cela s’ajoutent les fragmentations ethniques et territoriales dans certains pays de la région. Avec raison, Jowitt (1992 : 300) est pessimiste quant à la possibilité d’une démocratisation pour tous les pays postcommunistes. Selon lui, ce sont les démagogues, les prêtres et les colonels qui détermineront la vie politique après le communisme, beaucoup plus que les démocrates. La démocratie étant impossible, cet auteur suggère comme la meilleure alternative l’autoritarisme libéral européen du dix-neuvième siècle (id. : 303). Son modèle est puissant quant à son explication du phénomène de non-démocratisation, mais demeure cependant faible quant à la compréhension de la démocratisation, même selon les critères minimalistes et procéduraux.
Tout en partageant le pessimisme généralisé de Jowitt, Zbigniew Brzezinski (2002 : 196-197) cherche parmi les héritages précommunistes certains contrepoids aux héritages communistes. Il les trouve principalement au niveau de la culture, au niveau des relations entre l’État et la société civile et dans l’institutionnalisation d’une économie de marché. Brzezinski propose un modèle de démocratisation régionale à deux idéaux-types : l’Europe orientale, où la démocratisation est possible sous certaines conditions, et la Russie, où elle est complètement impossible (id. : 194).
Herbert Kitschelt et ses collaborateurs (1999 : 21-22) représentent le courant optimiste au sein de la même approche. Ce qui détermine le développement des régimes politiques est la combinaison des facteurs tels que la présence d’une bureaucratie formelle versus un chef patrimonial et le principe de l’oppression versus la cooptation de l’opposition. Dans le contexte postcommuniste, ces deux divisions permettent de construire trois trajectoires politiques différentes : la trajectoire « patrimoniale-répressive » qui mène vers le régime autoritaire, la trajectoire « bureaucratique-cooptative » qui mène vers la démocratisation et la trajectoire bureaucratique-répressive qui bloque le pays dans un état intermédiaire. La force du modèle de ces auteurs, contrairement à celui de Jowitt, est d’identifier les pays qui connaissent de réelles chances de démocratisation. Sa faiblesse cependant réside dans son inaptitude à voir la possibilité de démocratisation dans des cas appartenant au groupe « patrimonial-répressif », comme la Bulgarie et la Roumanie.
Suivant l’approche selon l’héritage, Anna Grzymala-Busse (2002a) s’intéresse principalement au rôle du Parti communiste. Ce facteur, force est d’admettre, représente un objet difficile à conceptualiser ; il peut agir à différents niveaux : l’héritage, le choix institutionnel et la direction politique. Quant à l’héritage, Grzymala-Busse réalise des observations intéressantes en liant la structure interne et le comportement des partis communistes avant et après 1989 au type de régime politique après 1989. Il y a des conséquences favorables pour la démocratisation si la strate la plus élevée du Parti communiste a un pouvoir accru, juste avant le début de la transition (id. : 165) pour éliminer l’opposition au sein du parti face aux réformes de démocratisation.
Ivan Volgyes (1995) affirme que certains éléments fondamentaux du système communiste deviennent des préalables nécessaires pour la démocratisation. On trouve parmi ceux-ci l’industrialisation, l’urbanisation, le système de santé, l’éducation, les droits des femmes et le sens d’égalité civique et politique. C’est pour cela que les pays d’Europe centrale et d’Europe orientale, grâce à leur niveau relativement plus élevé de développement économique, ont davantage de chances de démocratisation.
Une autre école de pensée cherche plutôt à expliquer la diversité des régimes politiques postcommunistes par les principaux choix institutionnels faits au cours de la période de transition. En partie, cette école est une réaction intellectuelle contre la perception de l’héritage comme un fardeau pour la démocratisation (Ackerman, 1992). L’école du choix institutionnel partage largement la présupposition que l’héritage communiste affecte négativement la démocratisation postcommuniste. Néanmoins, elle présente des contre-arguments qui peuvent réduire à zéro cette corrélation négative.
Bruce Ackerman (id. : 3) voit dans les événements de 1989-1991 une chance d’éclosion d’une révolution libérale. Selon lui, il existe une mince fenêtre d’opportunité qu’il appelle un « moment constitutionnel ». Celui-ci est l’occasion d’établir de nouvelles institutions politiques qui élimineraient l’effet de l’héritage communiste. Une fois cette mission accomplie, ces institutions mettraient en marche un processus politique indépendant de l’héritage et des préférences des principaux acteurs politiques. Par contre, le modèle d’Ackerman est beaucoup trop optimiste quant aux chances de démocratisation. C’est un modèle égalitaire aussi ; la Russie, tout comme la Pologne, a son moment constitutionnel (id. : 57). De la même manière, Philip G. Roeder (2001 : 23) explique la démocratisation grâce à la séparation des pouvoirs au cours de la période de transition. Le modèle de Jon Elster, Claus Offer et Ulrich K. Preuss (1998), lui, est encore plus optimiste que celui d’Ackerman. Cette dose d’optimisme supplémentaire vient du fait que les institutions principales bâties sous le communisme disparaissent l’une après l’autre. En quelque sorte, la transition commence avec une tabula rasa institutionnelle (id. : 18-19). C’est le choix des institutions qui facilite la démocratisation. Parmi ces institutions, on trouve la constitution libérale, l’exécutif responsable devant le Parlement et les partis politiques qui sont mis au centre de l’action politique (id. : 109-111). Grzymala-Busse (2006) trouve dans la place qu’occupe le Parti communiste un élément essentiel qui augmente le niveau de compétitivité à l’intérieur du système politique pendant la transition. L’élimination forcée des partis communistes de la scène politique, selon elle, diminue la compétitivité et nuit à la démocratisation. Pour compléter le tableau des institutions qui favorisent la démocratisation, Juan J. Linz et Alfred Stepan (1996) ajoutent la présence d’un État souverain et Vakert Bunce (2004 : 229), qui bâtit sur le modèle de ces derniers, lie la démocratisation à la capacité de l’État d’exécuter des choix institutionnels différents, relativement indépendants des intérêts économiques et sociaux.
Au sein de l’école du choix institutionnel, un groupe d’auteurs voit certaines institutions d’un point de vue négatif en ce qui concerne leur contribution à la démocratisation. Ces auteurs se basent largement sur l’argumentation de Linz (1990) autour de la menace du présidentialisme. Parmi ceux qui composent le groupe, M. Steven Fish (2001 : 73-75) partage le point de vue central de Linz, y ajoutant aussi, toutefois, comme facteur concomitant, l’appui d’un patron autoritaire externe. Timothy Frye (2002 : 100-102), en contrepartie, émet un bémol quant à la menace présentée par le présidentialisme ; cette dernière existe bel et bien, mais seulement dans les pays qui ne comptent sur un système fort de partis politiques. Par contre, il introduit une nouvelle explication socioéconomique concernant la présence d’un président fort : l’existence d’une élite économique de type rentier qui voit dans le présidentialisme une garantie de sa propre survie (id. : 82). Pour compléter le tableau, John T. Ishiyama et Matthew Velten (1998 : 225-228) mettent l’accent sur le rôle du type de système électoral pour élire le Parlement : le système proportionnel menant vers la démocratie et le système majoritaire menant vers l’autoritarisme.
Une troisième approche insiste sur les intérêts des principaux acteurs politiques. Elle soutient que, malgré l’héritage et les nouvelles institutions, ces acteurs ont la liberté d’agir sur la scène politique en suivant leurs préférences et leurs idéologies. Selon Michael McFaul (2002), c’est l’idéologie de ceux qui détiennent le pouvoir qui explique la diversité des régimes politiques. Mais, de l’avis d’Archie Brown (2002), celle-là compte seulement si les forces politiques occupent aussi une place dans la balance. En fonction de cette approche, l’idéologie politique est une variable suffisante pour comprendre pourquoi les pays comme la République tchèque et la Hongrie deviennent démocratiques après le communisme, pourquoi la Biélorussie et le Kazakhstan passent à l’autoritarisme et pourquoi l’Albanie et la Moldavie demeurent dans un état intermédiaire tout au long de la période « de transition » (McFaul, 2002 : 227).
Finalement, l’approche de l’influence externe complète les quatre principales approches idéaltypiques pertinentes pour l’étude des transitions démocratiques. Tout comme les approches précédentes, celle de l’influence externe renferme deux courants majeurs : l’un voit les organisations occidentales, principalement l’Union européenne (UE), comme des protagonistes du développement démocratique, tandis que l’autre discerne dans cette influence un danger pour la démocratisation. Dans le premier courant, Milada Anna Vachudova (2005) présente un modèle où l’UE agit comme un levier passif (avant 1994) et actif (après 1994) quant à la démocratisation. Cette influence est toujours positive. Le levier passif, selon l’auteure, signifie que l’élite politique nationale modifie ses calculs rationnels afin que ceux-ci s’approchent de ceux de l’UE en vue d’accepter les normes de cette dernière, y compris les normes libérales et démocratiques. L’Union comme levier actif, en plus, change les structures politiques et augmente le degré de compétitivité politique (id. : 161). Steven Levitsky et Lucan A. Way (2005) mettent en relief non pas une organisation occidentale seule, mais l’Occident en général, et son pouvoir d’attraction sur les plans politique, militaire et économique, qui est sans pareil après la fin de la guerre froide. L’effet de l’influence occidentale, selon ces auteurs, est cumulatif et il s’appuie sur deux groupes de facteurs : la capacité et le désir de l’Occident d’influencer les pays en transition et la densité des connexions qui lient les pays en transition à l’Occident. La combinaison aux niveaux élevés des leviers et des liens contribue à la démocratisation. De bons exemples de cette trajectoire sont les pays d’Europe centrale.
Un autre courant est beaucoup moins optimiste quant au rôle que l’UE joue dans la démocratisation. Certains auteurs perçoivent même l’adhésion à l’UE comme représentant un danger pour la démocratisation. Lena Kolarska-Bobinska (2003 : 91) prédit que l’intégration européenne aura des conséquences ambivalentes sur la démocratisation ; initialement, elle mènera à moins de démocratie et davantage de populisme, mais avec le temps elle peut finir par renforcer le régime démocratique. Pour sa part, Kristi Raik est encore moins optimiste (2004 : 591). Selon elle, la corrélation entre les deux variables, l’intégration et la démocratisation, est toujours négative. La logique de l’inévitabilité de l’adhésion est incohérente par rapport aux principes politiques démocratiques. La vitesse accélérée de l’adhésion contredit la logique des négociations démocratiques à l’échelle nationale. L’adhésion comme négociation entre experts élimine le rôle des parlements nationaux. Dans le même sens, Robert Bideleux (2001 : 27) voit l’UE non pas comme un projet démocratique, mais plutôt comme un projet libéral capitaliste. L’Union européenne impose une ouverture toujours plus grande aux marchés nationaux au détriment des intérêts nationaux. Les pays postcommunistes, une fois admis à l’UE, sont gouvernés par des décisions prises à Bruxelles. Enfin, Tom Gallagher (2005a) apporte une touche finale au présent tableau conceptuel et accuse l’UE d’être responsable du maintien de certaines « vieilles » pratiques politiques en accordant une légitimité « européenne » aux forces politiques qui ne méritent pas une telle légitimité.
Quatre modèles génériques
L’objectif principal de cette section est de présenter quatre modèles théoriques génériques, associés aux approches vues dans la section précédente, soit l’héritage, le choix institutionnel, la direction politique et l’influence externe. Ces modèles regroupent les variables indépendantes de chacune des approches, dans le but de créer des modèles comparables et ainsi produire des hypothèses vérifiables.
Le modèle générique ou le modèle simplifié idéaltypique de l’héritage repose sur de multiples attentes. Divers facteurs viennent prédire la voie qu’emprunte la transition et la destination qu’elle atteint. On peut s’attendre à ce que les pays postcommunistes cheminent vers la démocratie s’ils possèdent les caractéristiques suivantes : une dichotomie médiévale entre les pouvoirs séculaires et religieux, une fragmentation médiévale du pouvoir politique, une autonomisation des sphères commerciales et urbaines, une institutionnalisation de la propriété privée, une bureaucratie formelle et une stratégie d’élite de cooptation de l’opposition, un faible degré de monopolisation politique du Parti communiste dans la société, une autonomie élevée de prise de décisions de l’élite du Parti communiste au sein du parti vers la fin du régime communiste, une libéralisation économique sous le communisme, une absence d’entités économiques semi-autarciques, un niveau élevé de pragmatisme idéologique pendant le communisme, un faible niveau de croyance au marxisme-léninisme vers la fin du régime communiste, un niveau élevé d’industrialisation et d’urbanisation et, finalement, la présence d’une identité nationale qui unit les dirigeants et le peuple. Au contraire, l’absence ou le revers de chacune de ces caractéristiques ont tendance à pousser les pays postcommunistes vers le régime opposé, soit l’autoritarisme. Ainsi, si un pays détient l’héritage d’une suprématie séculaire sur la religion, s’il connaît l’absence de fragmentation politique médiévale et d’autonomie commerciale et urbaine, s’il possède une tradition d’élite supprimant l’opposition, un fort niveau de monopole politique du Parti communiste au sein de la société, une faible autonomie de prise de décisions de l’élite du Parti communiste, un niveau élevé de croyance au marxisme-léninisme, un faible niveau de pragmatisme idéologique, une présence élevée d’entités économiques semi-autarciques, un faible niveau d’industrialisation et d’urbanisation et une absence d’identité nationale, il se dirige vraisemblablement vers l’autoritarisme.
Quant au modèle générique du choix institutionnel, il repose avant tout sur l’attente selon laquelle les pays qui deviennent démocratiques après le communisme possèdent : un État souverain, une capacité étatique forte pour réaliser des choix politiques parmi plusieurs différentes options institutionnelles, une séparation constitutionnelle (relative) des pouvoirs, un exécutif qui dépend de l’appui parlementaire, un système proportionnel aux élections législatives et une évolution du Parti communiste qui suit la trajectoire de régénération politique comme parti démocratique. Encore une fois, l’absence de ces mêmes traits ou la présence de leur contraire place le pays postcommuniste à l’autre pôle des régimes politiques. L’absence d’un État souverain reconnu sur un territoire précis, d’une forte capacité étatique, d’une séparation constitutionnelle des pouvoirs, et la présence d’un exécutif indépendant de l’appui parlementaire, d’un système électoral législatif majoritaire, d’un Parti communiste qui cherche à se maintenir au pouvoir à tout prix après la chute du système plutôt que de se régénérer comme parti démocratique, favorisent le régime autoritaire.
Dans le modèle de la direction politique, les pays qui arrivent au port démocratique sont ceux qui sont gouvernés soit par des démocrates soit par des politiciens qui considèrent la démocratie comme le régime le mieux adapté aux normes politiques modernes. En revanche, les pays postcommunistes qui deviennent autoritaires sont ceux qui sont gouvernés soit par des politiciens autoritaires soit par des politiciens qui profitent directement d’un système qui n’est pas démocratique. Les pays où des fractions des politiciens démocrates et autoritaires sont sur la balance se retrouvent dans une position intermédiaire.
Dans le dernier modèle, soit celui des facteurs externes, les pays démocratiques sont ceux qui sont dans l’attente ou qui détiennent l’ambition de devenir membres de l’UE à court terme et ceux qui sont appuyés fortement par leur population dans cette démarche et qui sont donc influençables face aux puissants leviers de l’UE pour imposer des changements sur le plan institutionnel. Également, les futurs pays démocratiques maintiennent un contrôle parlementaire sur le gouvernement malgré les négociations d’adhésion qui renforcent l’exécutif politique au détriment du Parlement et, simultanément, ne sont pas influencés par des pays autoritaires forts. À l’inverse, les pays autoritaires sont ceux qui ont de faibles attentes par rapport à l’adhésion à l’UE, dont la population n’appuie pas majoritairement cette adhésion, et par rapport à qui l’UE n’a donc pas de leviers véritables afin d’imposer des changements institutionnels, les pays en question étant susceptibles d’être influencés plutôt par les pays autoritaires forts. Enfin, les pays où l’UE et les pays voisins autoritaires et forts ont une influence à peu près égale ou dont la population est profondément divisée sur la question de l’adhésion à l’UE demeurent des régimes intermédiaires.
L’évaluation des modèles sur des cas dissimilaires
Cette section propose trois études de cas qui représentent différentes trajectoires des régimes politiques après la chute du communisme ; les cas de la Roumanie, de la Biélorussie et de la Macédoine illustrent respectivement la voie vers la démocratie, l’autoritarisme, puis le régime intermédiaire. Après avoir dressé un bref portrait de chaque pays, je passe directement à l’évaluation de la pertinence des variables indépendantes qui font partie des quatre approches génériques exposées précédemment.
Pour situer les cas sur l’échelle qui lie les pôles démocratiques et autoritaires, j’utilise les indices de l’organisation Freedom House qui paraissent dans les documents d’analyse Freedom in the World depuis 1972 et Nations in Transit depuis 1995. Chaque pays y est évalué sur la base d’indicateurs liés à différents aspects de la liberté. Ces aspects, par exemple la liberté de religion, d’expression et de réunion, tout comme le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, représentent des éléments faisant partie de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies de 1948. Selon Freedom House, le but des études est de donner au public, aux journalistes et aux décideurs politiques une vue comparative de l’état global de la liberté, où les pays sont mesurés à travers les régions et le temps.
Depuis leur origine, les données de Freedom House ont été utilisées abondamment dans la littérature scientifique, surtout par des auteurs qui privilégient les méthodes d’analyses quantitatives. Les bons rapports qu’entretiennent les politologues avec les indices de Freedom House perdurent durant la période de transition postcommuniste au sujet des pays concernés[3]. Cela étant dit, l’utilisation de ces données présente des limites sur les plans théorique, épistémologique et méthodologique. Sur le plan théorique, ces études vont de pair avec une définition de la démocratie minimaliste et procédurale, une vision qui, selon Samuel Huntington (1991), a graduellement exercé une dominance dans la littérature nord-américaine. De plus, les données de Freedom House privilégient une approche de la politique basée sur les relations entre les citoyens et l’État, négligeant les relations au sein de la société civile. Sur le plan épistémologique, ces études favorisent une approche positiviste au détriment de l’approche interprétativiste et de son accent sur la richesse des significations. En ce qui concerne la méthodologie, les données de l’organisation renvoient soit à une démonstration quantitative, soit à une démonstration qualitative positiviste. En bref, l’utilisation de la classification de Freedom House dans cette étude s’inscrit dans la définition minimaliste des régimes politiques ; cette recherche emploie une vision épistémologique positiviste et non interprétative.
La Roumanie se situe géographiquement entre la Serbie, la Hongrie, l’Ukraine, la Moldavie et la Bulgarie. Les Romains constituent le groupe ethnique principal, tandis que les Hongrois représentent la première minorité ethnique. La religion dominante est le christianisme orthodoxe, suivie par des dénominations protestantes et par le catholicisme. La langue officielle est le roumain[4]. Le pays, sous son nom actuel, existe depuis 1859, alors que deux principautés, la Valachie et la Moldavie, ont formé une union. Il devient formellement indépendant en 1878. Quelques décennies plus tard, il entre dans la Première Guerre mondiale aux côtés des forces de l’Entente, avant d’acquérir, après la victoire, de nouveaux territoires en Transylvanie peuplés de Hongrois. En 1947, le pays devient une république. Jusqu’à la fin des années 1980, la Roumanie est gouvernée par un régime à parti unique. Une partie de cette gouvernance est réalisée par Nicolae Ceausescu qui dirige personnellement le pays de 1965 à 1989. Son pouvoir est maintenu par la police secrète Securitate, alors que le rôle du Parti communiste y est secondaire. À la fin de 1989, Ceausescu tombe. Il est arrêté, jugé, déclaré coupable, puis exécuté (Chiriac, 2001 : 124). Par la suite, du début de la période postcommuniste jusqu’à 1996, le gouvernement est dominé par les anciens fonctionnaires du Parti communiste, Ion Iliescu à sa tête. La première transition politique pacifique arrive en 1996, lorsqu’une large coalition menée par Émile Constantinescu gagne l’élection parlementaire et présidentielle. D’autres transitions politiques pacifiques suivent en 2000 (Popescu, 2003) et en 2004 (Downs et Miller, 2006). La Roumanie, membre du Conseil de l’Europe depuis 1993, devient membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 2004 et de l’Union européenne en 2007. L’organisation Freedom House analyse le chemin parcouru par la Roumanie et la place au sein du groupe des pays autoritaires et intermédiaires jusqu’en 1996, pour considérer le pays comme libre, depuis 1996 jusqu’à nos jours.
Le deuxième cas est celui de la Biélorussie, ancienne république soviétique. Géographiquement, cette dernière se situe entre la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Ukraine et la Russie. Le groupe ethnique prépondérant est représenté par les Biélorusses, alors que les Russes forment le groupe minoritaire principal. La religion dominante est le christianisme orthodoxe, suivie par le catholicisme et par différentes dénominations protestantes. La langue officielle est le biélorusse depuis 1991, alors que le russe devient aussi langue officielle après 1995. Une république sous ce nom est créée pour la première fois en 1918 sous l’occupation allemande. Entre les deux guerres mondiales, la Biélorussie est divisée entre l’Union soviétique et la Pologne. Par la suite, de 1941 à 1944, elle est occupée par l’Allemagne nazie. Puis, après la guerre et jusqu’à la fin des années 1980, la Biélorussie fait partie de l’Union soviétique, alors que la république déclare son indépendance en 1990. La période postcommuniste se divise en deux en ce qui concerne le type de régime politique biélorusse : l’avant et l’après Alexander Loukachenko, qui devient président en 1994 et qui change la constitution en 1996. Avant l’arrivée de Loukachenko, le pays se démocratise lentement. Puis, après 1996, le régime devient de plus en plus autoritaire. Sur le plan international, le partenariat entre la Biélorussie et l’Union européenne, négocié en 1995, n’entre jamais en vigueur. La coopération entre la république et l’OTAN est minime, malgré le fait que le pays est membre du Partenariat pour la paix. Finalement, l’organisation Freedom House place la Biélorussie dans le groupe des régimes intermédiaires jusqu’en 1996, après quoi le pays est considéré comme étant sous un régime autoritaire.
La Macédoine (ou l’ancienne république yougoslave de la Macédoine) se situe entre la Grèce, l’Albanie, la Serbie et la Bulgarie. Les Macédoniens composent le groupe ethnique dominant alors que les Albanais représentent le groupe minoritaire principal. La religion prédominante est le christianisme orthodoxe, l’islam venant au deuxième rang. Les langues officielles sont le macédonien et l’albanais. Les langues turque, serbe et roma sont également officielles dans les municipalités où ces groupes représentent au moins 20 pour-cent de la population locale. À travers l’histoire, le territoire de la Macédoine fait partie de divers empires multinationaux : l’Empire romain, l’Empire byzantin et l’Empire ottoman. Après les deux guerres balkaniques (1912-1913), toute la région est divisée entre la Grèce, la Bulgarie et la Serbie. Plus tard, après la Deuxième Guerre mondiale, la Macédoine devient une des républiques constituantes de la Yougoslavie. Le pays se sépare ensuite pacifiquement de la Yougoslavie en 1991, après un référendum qui ouvre la voie vers la création d’une nouvelle entité fédérale. Au cours de la période postcommuniste jusqu’à la fin des années 1990, la vie politique est dominée par les anciens fonctionnaires communistes qui gravitent autour du président Kiro Gligorov. La première transition politique a lieu en 1998-1999, quand une coalition des partis d’opposition menée par Ljubco Georgievski gagne les élections parlementaires et présidentielles. Des transitions politiques ont aussi lieu après les élections parlementaires de 2002 et de 2006 et après les élections présidentielles, en 2004 et en 2009. Dans le domaine des relations internationales, la Macédoine devient membre du Conseil de l’Europe en 1995. Elle est aussi membre du Partenariat Euro-Atlantique et du Partenariat pour la paix avec l’OTAN. Le pays a d’ailleurs présenté une demande officielle d’admission à l’OTAN et à l’Union européenne. Ainsi, l’UE a octroyé au pays le statut de candidat en 2005. Quant à son « classement démocratique », la Macédoine se situe, selon l’organisation Freedom House, au sein du groupe des pays à régime politique intermédiaire.
À l’aide de ces notions, on peut maintenant se pencher sur les diverses caractéristiques explicatives liées à chacun des quatre différents modèles théoriques et les appliquer aux trois cas ci-dessus. D’abord, au sein de l’approche selon l’héritage, la dichotomie médiévale entre les légitimations séculaire et religieuse représente un premier facteur d’intérêt. La Roumanie est assise des deux côtés de la principale division géographique d’Europe, entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe. L’Église catholique y établit une légitimation séparée des pouvoirs politiques à partir du onzième siècle. Une telle séparation n’existe pas dans le monde orthodoxe (Linz et Stephan, 1996 : 451), alors que la majorité de la population s’y concentre. Une tradition médiévale de dichotomie existe seulement dans les régions occidentales du pays, dans la Transylvanie. La Biélorussie, aussi, se situe aux deux côtés de la division catholicisme-orthodoxie. Par contre, contrairement à la Roumanie, le pays a une tradition de domination catholique malgré la supériorité numérique contemporaine de la population orthodoxe. Enfin, la Macédoine n’a pas de tradition de dichotomie entre les pouvoirs séculaires et religieux.
Les considérations de divers arrangements antérieurs s’étendent certes à la tradition de fragmentation médiévale du pouvoir politique. En Roumanie, les principautés de Valachie et de Moldavie jouissent traditionnellement d’un grand degré d’autonomie. La décentralisation interne est éliminée après la formation de l’État roumain au cours de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle (Mot, 2002 : 230). La décentralisation traditionnelle de la Transylvanie est aussi éliminée à la suite de son rattachement à la Roumanie après la Première Guerre mondiale. La Biélorussie, elle, jusqu’au dix-huitième siècle, fait partie des entités politiques décentralisées, comme la Russie de Kiev et la Pologne-Lituanie (Pankovski et Markou, 2005 : 14). Toutefois, cette tradition disparaît graduellement après l’annexion de ces territoires à l’Empire russe (Chouchkevitch, 2005). Comme la Roumanie, la Biélorussie a une longue histoire de fragmentation politique. En revanche, la Macédoine fait presque toujours partie des empires à centralisation administrative.
En ce qui a trait à l’autonomie historique commerciale et urbaine, la Roumanie est particulièrement développée et compétente dès le douzième siècle. Dans différentes régions, mais surtout en Transylvanie, plusieurs villes disposent d’un statut privilégié dans le domaine commercial : Brasov, Cluj-Napoca et Sibiu. La situation en Biélorussie est similaire ; un statut privilégié est accordé en matière de commerce aux villes de Grodno, de Minsk, de Mogilev et de Vitebsk. Par contre, la Macédoine ne dispose pas d’une telle histoire d’autonomie commerciale et urbaine.
La nature du régime communiste et sa stratégie principale face à l’opposition distinguent également les trois cas. La Roumanie communiste est gouvernée par un chef patrimonial qui utilise la répression envers ses opposants (Gilberg, 1990 : 431) et maintient un fort monopole du parti sur la société jusqu’à la fin du régime (Nelson, 1990 : 355). La Biélorussie est aussi gouvernée par des chefs patrimoniaux. Le régime commence cependant à se libéraliser sous la direction de Mikhaïl Gorbachev (Pankovski et Markou, 2005 : 16). La Macédoine se trouve elle aussi gouvernée par un chef patrimonial, mais, après la mort de Tito, la nature du régime se transforme en bureaucratie formelle sans libéralisation politique, comme en Biélorussie. En ce qui concerne l’autonomie des prises de décisions, la Roumanie communiste, même au cours des années subséquentes à son effondrement, représente l’illustration d’une concentration du pouvoir de type patrimonial (Linz et Stephan, 1996 : 462). Par contre, l’autonomie des prises de décisions en Biélorussie est très basse. Après la mort du chef patrimonial Pyotr Masherau (Masherov) en 1980 (Marples, 1999), jusqu’alors en conflit avec le chef soviétique Léonid Brezhnev, les décisions se prennent à Moscou jusqu’au démantèlement de l’Union soviétique (Way, 2005 : 247). En Macédoine, l’autonomie décisionnelle est forte jusqu’à la mort de Tito, en 1980. Par la suite, l’autonomie s’affaiblit avec l’établissement du principe de prise de décisions collective aux niveaux fédéral et républicain.
En ce qui concerne la libéralisation économique sous le communisme, la Roumanie est un exemple d’économie planifiée (Nelson, 1990 : 359). La Biélorussie, par contre, commence à libéraliser son économie sous le régime de Gorbatchev, dans la seconde moitié des années 1980. En Macédoine, encore plus qu’en Biélorussie, les réformes économiques qui visent une plus grande autonomie des entreprises par rapport à l’État commencent à partir des années 1960. Quant au degré de pragmatisme idéologique, malgré la distance que prend la Roumanie par rapport à l’Union soviétique, il demeure très bas ; le pays sous Ceausescu voue toujours un culte au marxisme-léninisme, instrument principal de légitimation du pouvoir politique (Nelson, 1995 : 213). En Biélorussie, la distance ou la différenciation idéologique par rapport à Moscou est inexistante ; l’approche pragmatique y est là aussi très faible. Par contre, la Macédoine fait preuve de beaucoup plus de pragmatisme, en intégrant dans l’idéologie marxiste des éléments d’économie du marché.
Aux volets de l’industrialisation et de l’urbanisation, les trois pays exhibent les marques d’un progrès significatif sous le régime communiste. Tous deviennent des pays industrialisés comportant une population plutôt urbaine, en à peine quelques décennies de communisme. Les niveaux de développement atteints sont similaires dans les trois cas.
Enfin, le dernier facteur à observer dans le modèle générique de l’héritage est le degré de partage d’une identité nationale. La Roumanie, même avec une minorité hongroise significative, est un État national indépendant qui remonte au dix-neuvième siècle. La Biélorussie et la Macédoine, au contraire, ne sont que des républiques constituantes à l’intérieur de fédérations multinationales, sous l’emprise d’idéologies nationales fédérales (soviétique ou yougoslave). Dans ces deux cas, l’élite politique locale peut répartir sa loyauté symbolique entre la nation locale et la nation fédérale (Pankovski et Markou, 2005 : 25). De plus, en Macédoine, une minorité assez significative, celle des Albanais, qui comptent plus de 25 pour-cent de la population selon les données officielles, ne se reconnaît pas dans la nouvelle identité nationale (Barany, 2005 : 89-95).
Finalement, donc, la présente évaluation du modèle de l’héritage en fait ressortir certaines limites. Appliqué à la Roumanie, ce modèle est trop imprécis. Ce pays peut à la fois devenir démocratique, autoritaire et intermédiaire. En ce qui concerne la Biélorussie, l’héritage peut aussi la pousser dans des directions opposées, soit vers la démocratie, soit vers l’autoritarisme. Quant à la Macédoine, l’héritage y pèse lourdement et ne laisse aucune chance à la démocratisation.
Après le poids de l’héritage, le choix des institutions représente un critère d’intérêt, central au deuxième modèle à l’étude. En ce sens, la présence d’un État souverain sur le territoire du pays, internationalement reconnu, est un premier facteur important pour le modèle du choix institutionnel. La Roumanie est un exemple de pays qui remplit cette condition. Elle est en effet un État reconnu internationalement dès 1878. Malgré la présence de partis ethniques minoritaires (Stroschein, 2001), il n’y a pas de pouvoirs alternatifs sur son territoire, ou sur une partie de celui-ci, qui vienne défier l’autorité de l’État central. La Biélorussie, elle, n’existe en tant qu’État indépendant que depuis 1990-1991, à la suite de sa déclaration unilatérale d’indépendance (1990) et de l’effondrement de l’Union soviétique (1991). Sa souveraineté n’est cependant pas absolue étant donné l’absence d’une démarcation incontestée des frontières avec la Lituanie, la Lettonie et l’Ukraine. De plus, des groupes de réfugiés politiques clament toujours représenter le peuple et défient la légitimité du régime actuel (Pankovski et Markou, 2005 : 29). La Macédoine devient un État indépendant également au début des années 1990, plus précisément en 1991. L’objection de la Grèce à propos du nom constitutionnel du pays est l’entrave principale à l’invitation de ce dernier au sein de diverses organisations internationales (Perry, 1996 : 114). Aussi, la Bulgarie voisine ne reconnaît pas la langue macédonienne comme langue indépendante du bulgare (Perry, 2000 : 134). Puis, en 2001, des groupes armés albanais défient la souveraineté du pays sur des parties de son territoire à forte concentration albanaise. Au volet de la capacité opérationnelle étatique, la Roumanie se situe en position de force. Elle est ainsi l’illustration d’un cas en présence d’une capacité de fonctionnement et d’imposition réelle et crédible de l’État. Celui-ci est donc capable de changer assez facilement les arrangements constitutionnels après la chute du communisme (Siani-Davies, 1996 : 464) et encore une fois en 2003, afin de séparer les investitures du Parlement et du président. On peut observer la même flexibilité en ce qui concerne les réformes constitutionnelles en Macédoine après l’indépendance et après la révolte albanaise, en 2001 (Hislope, 2004). Par contre, la Biélorussie met quelques années après son indépendance pour remplacer les institutions politiques datant de l’époque soviétique. La présidence sans contrebalance parlementaire démontre la faiblesse de choisir parmi des institutions politiques différentes. En termes de séparation des pouvoirs, la Roumanie dispose d’un exécutif divisé, responsable politiquement à la fois devant le président et le Parlement (Popescu, 2003 : 325). Ce dernier est élu en suivant un système proportionnel. L’exécutif dépend ensuite de l’appui parlementaire. En Biélorussie, par contre, il n’y a pas de séparation des pouvoirs. Jusqu’en 1994, le pays maintient le système politique soviétique (Silitski, 2005 : 38-40). Par la suite, le président devient le seul centre des prises de décisions. La Macédoine, comme la Roumanie, a un exécutif divisé. Le président a très peu de pouvoirs réels, tandis que le gouvernement est responsable politiquement devant le Parlement. En ce qui touche le système électoral, tel que mentionné précédemment, la Roumanie emploie un système proportionnel, et ce, même avant la première passation des pouvoirs en 1996 (Carothers, 1996 : 118). En revanche, ce mode de représentation n’a toujours pas été adopté en Biélorussie (Shvetsova, 1999). Les Parlements y sont élus en 1990 et en 1995 selon le système indirect soviétique ou selon un système mixte qui permet à plus de la moitié des députés d’être indépendants (Marples, 1999). La Macédoine, pour sa part, remplace son système mixte proportionnel-majoritaire des années 1990 (ICG, 1998) par un système proportionnel à partir de 2002. Quant au comportement du Parti communiste ou de son successeur, en Roumanie, le Front du Salut national perd le pouvoir en 1996 (Mungiu-Pippidi, 2004 : 386-388), mais continue à jouer un rôle important dans le système de partis. En Biélorussie, le Parti communiste, après un bannissement temporaire en 1991 (Pankovski et Markou, 2005 : 18), perd le pouvoir en 1996 au profit d’Alexandre Loukachenko qui place le pays sous son emprise (Chouchkevitch, 2005). En Macédoine, c’est l’Union sociale-démocrate qui gouverne jusqu’en 1998 (ICG, 1998).
L’évaluation du modèle du choix institutionnel montre ainsi qu’en Roumanie il faut s’attendre à une démocratisation rapide, ce qui est bien le cas selon les indices de Freedom House après 1996. Le problème avec le modèle vient alors de la vitesse réelle – plutôt lente – de la démocratisation. Du côté de la Biélorussie, alors que pratiquement toutes les variables mènent à l’autoritarisme, le problème vient plutôt de la présence dans la réalité d’une période initiale intermédiaire. Quant à la Macédoine, les facteurs sont divisés à peu près également entre les deux tendances opposées, la démocratisation et l’autoritarisme. En suivant toutes les attentes, le pays demeure effectivement dans une position intermédiaire.
Le troisième modèle générique évalue les pays postcommunistes sur la base de facteurs liés à la direction politique, en commençant par l’identité idéologique de la faction politique dominante au début de la transition. En Roumanie, cette faction qui gravite autour du Front du Salut national brasse des idées politiques antidémocratiques (Gilberg, 1990 : 410) ; à preuve les appels populistes quasi constants du gouvernement afin de supprimer ses adversaires politiques avec l’aide de citoyens armés (Nelson, 1995 : 357). Ce comportement se poursuit tout au long de la période postcommuniste (Chiriac, 2001 : 126), même quand le Front se trouve dans l’opposition. En Biélorussie, tout au long de la période postcommuniste, l’exécutif politique se trouve formé de politiciens qui militent contre la démocratie politique (Pankovski et Markou, 2005 : 17), et cela même avant l’arrivée au pouvoir de Loukachenko. En Macédoine, le parti le plus fort au début de la transition, l’Union sociale-démocrate, supprime les droits et les libertés des groupes minoritaires (Perry, 2000). En ce qui concerne la cohérence entre les idées politiques et le choix rationnel, l’élite politique roumaine permet une plus grande compétition politique à partir de 1993, mais surtout à partir de 1995 (Chiriac, 2001 : 127), quand le changement du parti au pouvoir après des élections devient possible pour la première fois. Après l’obtention du statut de membre associé au sein de l’UE en raison de la présence militaire occidentale dans la région après les accords de paix de Dayton (1995), le calcul coûts-avantages change brusquement et le régime populiste et semi-autoritaire devient graduellement plus ouvert sur le plan politique (Tomescu-Hatto, 2008). Cela est visible notamment dans l’accord sur la protection des minorités conclu avec la Hongrie (id.). En Biélorussie, autant avant qu’après l’arrivée au pouvoir de Loukachenko, il existe une forte cohérence entre les idées antidémocratiques et le calcul coûts-avantages qui maintient le statu quo, dans l’absence d’un facteur externe fort qui puisse militer pour un changement démocratique. En Macédoine, le régime devient plus ouvert politiquement à partir de la deuxième moitié des années 1990. Avec l’exode de milliers d’Albanais de la Serbie vers la Macédoine en 1999 et la présence des forces de l’OTAN pour garantir la souveraineté de la Macédoine, les leviers occidentaux deviennent très forts, ce qui permet à la république de s’éloigner de l’option populiste ou semi-autoritaire.
Pour résumer, donc, le modèle de la direction politique s’attend à ce que la Roumanie passe de l’autoritarisme à la démocratie autour de 1995-1996 et revienne à une position intermédiaire au début des années 2000. Quant à la Biélorussie, les prédictions pointent vers un régime autoritaire, avec une nette intensification de son degré d’autoritarisme après 1996 ; ce modèle émet donc une prédiction correcte au sujet de ce pays. Du côté de la Macédoine, les prédictions prétendent à la présence d’un régime autoritaire au début des années 1990, puis à une brusque démocratisation et à une normalisation autour du statut intermédiaire après 2002. Selon Freedom House, la république demeure cependant au stade intermédiaire sans trop de nuances au cours de toute la période postcommuniste.
Le quatrième modèle théorique, celui de l’influence externe, permet un grand espoir autour du cas de la Roumanie, dès le début de sa transition (Gallagher, 2005a : 158-164). En effet, le pays stimule de fortes attentes d’adhésion à l’UE et à l’OTAN, ce qui constitue un facteur décisif du modèle. L’évolution des relations avec l’UE s’intensifie toujours plus au fil du temps : le pays signe d’abord un accord d’association en 1995 ; il entame ensuite des négociations d’adhésion en 2000 et devient membre en 2007. La Roumanie intègre entre-temps les rangs de l’OTAN, en 2004. En Biélorussie, les attentes générales sont plutôt pessimistes dès le début de la transition (Lahviniec, 2005 : 125). Les relations du pays avec les deux grandes organisations internationales sont à un très bas niveau. En réalité, jamais le pays n’a été considéré comme candidat potentiel à se joindre à l’organisation européenne ou à l’OTAN. En Macédoine, pendant les guerres de sécession de Yougoslavie, les attentes de rapprochement avec l’UE et l’OTAN sont peu élevées. La situation commence à changer après la chute du régime de Slobodan Milosevic en Serbie, en 2000, mais elle est à nouveau bloquée par la violence ethnique en 2001. L’ex-république yougoslave est officiellement considérée comme candidate à l’adhésion à l’UE en 2005. Quant à l’appui populaire à l’adhésion des divers pays à l’UE et à l’OTAN, il est significatif et soutenu dans le cas de la Roumanie, où la population appuie massivement ces options durant toute la période postcommuniste (Popescu, 2003 : 328), à l’exception d’une période en 1999, au cours de la guerre du Kosovo, lorsque l’OTAN reçoit sa part de critiques (Gallagher, 2005a : 213-225). Les Biélorusses, par contre, n’appuient pas l’intégration à l’UE. Cette option jouit seulement de l’appui d’une minorité (IISEPS, 2006). L’appui à l’incorporation du pays au sein de l’OTAN est encore plus faible. Par contre, l’appui à l’intégration avec la Russie est toujours très populaire. En Macédoine, le soutien envers l’intégration à l’UE et à l’OTAN gagne graduellement du terrain, et devient une option majoritaire après la chute du régime de Milosevic en 2000 (USAID, 2006). En ce qui concerne les leviers occidentaux par rapport aux pays postcommunistes, la Roumanie est très vulnérable par son engagement à respecter toutes les conditionnalités imposées par l’UE et par l’OTAN (Levitsky et Lucan, 2005 : 28). Ces leviers comptent certes parmi les causes de l’ouverture du régime sous Iliescu. Par contre, les leviers occidentaux envers la Biélorussie sont quasi inexistants ; l’influence de la Russie y est toujours, et de loin, supérieure. Pour sa part, la Macédoine devient plus dépendante de l’Occident pour assurer sa sécurité, surtout après la chute de Milosevic et la demande formelle d’adhérer à l’UE et à l’OTAN. En ce qui concerne la présence d’un État voisin autoritaire et fort, la Roumanie n’a pas subi une telle influence au cours de sa transition postcommuniste. Par contre, la Biélorussie subit de genre d’influence une fois que la Russie redevient autoritaire, au début des années 2000. Tout de même, la Russie pourrait influencer son voisin biélorusse grâce à l’effet de démonstration pendant la crise qui oppose le président et le Parlement à Moscou en 1993 (Duhamel, 2005 : 91). La Macédoine, de son côté, est fortement influencée par le régime autoritaire serbe de Milosevic jusqu’à sa chute en 2000.
Bref, selon les divers facteurs liés à l’influence externe, la Roumanie serait clairement poussée vers l’option démocratique. Par contre, la Biélorussie tendrait vers l’autoritarisme et la Macédoine devrait cheminer, au cours des années 1990, vers l’autoritarisme et, à partir de 2000, vers la démocratie. À regarder de plus près, on s’aperçoit qu’aucun modèle ne sait parfaitement construire des attentes confirmées par la réalité. Un nouveau modèle devient donc nécessaire.
Un nouveau modèle de compréhension flexible et multivariable
Après avoir évalué tous les modèles explicatifs face aux différentes trajectoires postcommunistes, la conclusion qui s’impose est que chaque modèle dispose de faiblesses pour expliquer tous les développements possibles. Deux variables du groupe du choix institutionnel, la séparation constitutionnelle des pouvoirs et le système électoral pour élire le Parlement, sont toutefois assez robustes pour expliquer les deux trajectoires extrêmes, la démocratisation (en Roumanie) et l’autoritarisme (en Biélorussie). En ce qui concerne la troisième option, le régime intermédiaire, la meilleure variable explicative complémentaire se trouve dans la présence (ou l’absence) d’identité nationale et d’un État souverain. Le tableau 2 montre qu’il existe des variables qui prédisent correctement l’évolution politique dans un ou plusieurs pays. Il y a six variables qui ont des corrélations positives avec tous les cas : l’autonomie du Parti communiste, le pragmatisme de l’élite communiste, l’identité nationale, la souveraineté de l’État, les leviers de l’OTAN et de l’UE et la forte influence externe venant d’un État autoritaire. Les trois premières variables prévoient correctement les développements politiques après 1996 pour tous les cas, mais seulement pour un de ceux-ci avant cette date. La présence d’un État souverain s’applique de manière concluante à tous les cas après 1996, seulement. Les leviers occidentaux ne présentent pas de corrélation significative pour quelque période que ce soit à travers les différents cas. Puis, le rôle de l’influence externe autoritaire ne s’applique qu’au cours des années 1990. Malgré la présence de variables corrélées positivement dans tous les cas, une analyse approfondie fait voir que derrière ces corrélations se trouvent certains problèmes théoriques. La plupart des corrélations positives ne s’appliquent pas pour toute la période de transition, sans compter que la logique et l’applicabilité de certaines variables sont inconstantes, comme c’est le cas de l’influence de l’héritage qui est absente au cours de la transition initiale et qui surgit seulement au fil du temps.
Une conclusion préliminaire s’impose : il est impossible de construire un modèle univariable et rigide dans lequel une variable explique toutes les trajectoires possibles pour toutes les sous-périodes postcommunistes. L’option plus « permissive » serait de chercher à construire un modèle plus flexible à deux niveaux. Ce modèle présenterait initialement des explications pertinentes pour les deux trajectoires extrêmes, la démocratie et l’autoritarisme. Ensuite, on ajouterait un deuxième niveau de variables qui s’appliqueraient à la trajectoire intermédiaire sans nécessairement être applicables aux trajectoires extrêmes.
Une autre manière de proposer un modèle explicatif plus réaliste, convaincant et souple serait de faire un compromis au niveau d’une des trajectoires et de choisir un autre pays ou tout simplement d’éliminer une des trajectoires postcommunistes. Une telle approche, cependant, aurait des conséquences quant à la possibilité de généraliser ses conclusions. Pour cette raison, sur le plan méthodologique, je préfère construire un modèle souple à deux niveaux. Premièrement, les trajectoires extrêmes évalueront la pertinence de toutes les variables indépendantes. Deuxièmement, la trajectoire intermédiaire sera introduite pour compléter le modèle avec des variables qui ne sont pas toujours applicables aux trajectoires extrêmes.
Ainsi, deux variables du groupe du choix institutionnel, la séparation constitutionnelle des pouvoirs et le système électoral pour élire le Parlement, deviennent des facteurs cruciaux pour comprendre les cas extrêmes des régimes politiques postcommunistes, c’est-à-dire la démocratie et l’autoritarisme. La Macédoine est ensuite introduite au deuxième niveau de construction du modèle explicatif. Étant donné que les facteurs précédents, essentiels à la démocratisation, devraient mener le pays à la démocratie, la conclusion qui s’impose n’est pas que la Macédoine est un régime autoritaire déficient, mais plutôt qu’elle est un régime démocratique déficient. Cette particularité est importante afin de trouver des variables qui causent cette déficience démocratique, surtout des variables dissimilaires pour la Macédoine et la Roumanie où la démocratisation a réussi. Parmi ces variables, le groupe de facteurs liés à l’approche selon l’héritage est particulièrement pertinent. Au sein de ce groupe, l’absence d’une identité nationale et l’absence d’un État souverain qui contrôle un territoire de manière incontestée sont des facteurs capables de retenir le pays dans sa position intermédiaire, malgré la présence de fortes variables pro-démocratiques.
Ce modèle explicatif devient assez puissant pour permettre une généralisation allant au-delà de l’échantillon initial. Tous les pays postcommunistes qui commencent leur transition en tant que régimes intermédiaires suivent des trajectoires discutées dans cette recherche. Un pays comme le Kazakhstan avec un président fort et un Parlement faible dès les débuts de la transition devrait, selon ce modèle à deux niveaux, évoluer vers l’autoritarisme. Cette tendance est effectivement confirmée par les événements. À l’autre extrémité, un pays comme la Croatie devrait devenir démocratique parce que les ingrédients institutionnels, une séparation des pouvoirs et un système d’élection proportionnel, sont bien présents dès le commencement de la transition. En ce qui concerne d’autres cas de régimes intermédiaires, l’Albanie, la Moldavie, l’Arménie et la Géorgie, nous voyons que les mêmes facteurs qui empêchent la Macédoine de devenir pleinement démocratique, soit l’absence d’un État entièrement souverain et l’absence d’une identité nationale unissant la population et le gouvernement, sont aussi bien présents dans ces pays.
Conclusion
Ce projet est né d’une insatisfaction face à l’impossibilité de comprendre la diversité des régimes politiques dans le monde postcommuniste. Après avoir divisé la littérature de manière idéaltypique en quatre approches génériques et après avoir évalué chacune de ces approches par rapport à un échantillon représentatif, voici les conclusions principales. Premièrement, il n’y a pas de groupes de facteurs qui soient assez puissants pour prédire toutes les tendances possibles, soit la démocratie, l’autoritarisme et le régime intermédiaire. Contrairement à leurs prémisses optimistes, leur pouvoir de prédiction est soit non concluant, soit non confirmé par les données empiriques. Deuxièmement, seules quelques variables permettent de bonnes corrélations avec certaines sous-périodes de la transition postcommuniste. Dans ce cas, cependant, ces variables n’expliquent pas toutes les trajectoires possibles. Quelques-unes parmi elles, comme la séparation des pouvoirs et la nature du système électoral, ont de bonnes corrélations et de bonnes explications quant aux deux régimes extrêmes, la démocratie et l’autoritarisme. En ajoutant d’autres variables, telle la présence d’une identité nationale, un nouveau modèle plus souple à deux niveaux permet de suivre la logique qui explique pourquoi certains pays, malgré plusieurs préalables pro-démocratiques comblés, demeurent toujours au niveau des régimes intermédiaires.
L’intérêt porté par les sciences sociales envers la compréhension des transitions politiques ne se limite pas au groupe actuel de pays postcommunistes. Il existe encore certains pays dont le système politique se réclame du communisme et certains autres pays où des régimes autoritaires ou intermédiaires, regardons le monde arabe, dictent le pouvoir. Sans pouvoir prédire la vitesse, la direction et le point de départ des futures transformations post-autoritaires, nous pouvons utiliser les leçons apprises de l’expérience politique en Europe centrale, en Europe orientale et en ex-Union soviétique après 1989-1991. Ces leçons nous permettront d’être mieux préparés pour tout l’éventail d’événements possibles en transitologie et pour suggérer un menu de mesures politiques, parmi lesquelles un renforcement de l’identité nationale dans une société multiethnique, afin de faciliter ces transitions post-autoritaires. Les questions soulevées par cet article au sujet de la diversité des régimes politiques postcommunistes démontrent sans aucun doute que ce domaine d’études comparées sur la démocratisation est incontournable. J’espère également que les réponses proposées démontrent que ce dernier est maintenant prometteur.
Appendices
Note biographique
Siméon Mitropolitski est candidat au doctorat à l’Université de Montréal. Il a publié plusieurs documents de travail à la suite de ses recherches touchant les études de transition démocratique, le postcommunisme, l’intégration européenne, la culture politique et les méthodes qualitatives de recherche. Les deux plus récents sont : Weber’s Definition of the State as an Ethnographic Tool for Understanding the Contemporary Political Science State of the Discipline, 2011 (http://www.cpsa-acsp.ca/papers-2011/Mitropolitski-Weber.pdf), disponible aussi sur SSRN : (http://ssrn.com/abstract=1823401) ; et Different Political Trajectories in Southeastern Europe under Asymmetrical Relations with EU : The Cases of Bulgaria and of Macedonia, 2011 (http://www.cpsa-acsp.ca/papers-2011/Mitropolitski.pdf), disponible aussi sur SSRN : (http://ssrn.com/).
Notes
-
[1]
En suivant la classification d’Herbert Kitschelt (2003 : 57-58).
-
[2]
À ces héritages néfastes s’en ajoutent d’autres, par exemple les relations entre l’État et la société civile, l’indépendance relative de l’Église et le niveau de décentralisation étatique (voir Schopflin, 1993).
-
[3]
Parmi les études sur les transitions postcommunistes qui utilisent les données de Freedom House, on peut mentionner Anderson et al. (2001) ; Badescu et Uslaner (2003) ; Linz et Stepan (1996) ; Gill (2002).
-
[4]
Toutes les données statistiques quant à la population, à l’ethnicité, à la religion et à la langue officielle viennent de l’annuaire de la Central Intelligence Agency (CIA, 2010).
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