Abstracts
Résumé
Cet article évalue différentes approches théoriques de l’apprentissage politique en situations d’exclusion sociale, de conflits et d’organisation populaire, par l’étude d’un groupe de favelas situées en bordure du centre-ville de Florianópolis, dans l’État de Santa Catarina, au Brésil. Une de ces situations d’exclusion est présentée dans la première partie du texte. La deuxième partie décrit l’approche qui étudie l’apprentissage politique parmi les élites. La troisième partie examine quant à elle les approches de la recherche sur la culture politique de la population, tandis que la quatrième partie présente une approche alternative de l’apprentissage politique, dérivée de la théorie de l’action communionnelle de Jürgen Habermas. Cet article soulève donc des questions théoriques qui touchent l’apprentissage politique et cherchent des solutions concrètes aux problèmes liés à l’organisation populaire. L’objectif est de mieux comprendre comment ce processus d’apprentissage a évolué jusqu’à maintenant et ce qui doit être fait pour améliorer et accélérer son développement. Cette analyse pourrait servir d’étude de cas de l’apprentissage politique dans des zones d’exclusion sociale et d’organisation populaire et avoir des implications générales pour le Brésil.
Abstract
This work discusses some theoretical approaches to political learning, in situations of social exclusion, conflict, and popular organization. The paper relates these approaches to the study of a group of favelas adjacent to downtown Florianópolis, Santa Catarina, Brazil. One such situation is described in the first part. The second part discusses the approach to the study of political learning among this case’s elites ; the third part examines approaches to the research on political culture among the population ; and the fourth part outlines an alternative approach to political learning derived from Jürgen Habermas’s theory of communicative action. Therefore, these notes raise theoretical questions about political learning looking for solutions to the practical problems of popular organization. The aim of this project is to understand how this process has evolved until now and what should be done to improve and accelerate its development. It may serve as a case study of political learning with general implications for Brazil in zones of social exclusion and popular organization.
Article body
Traduit par : Dalie Giroux, Marie-Josée Massicotte et Éric Mallette
Une situation d’exclusion sociale
Les politologues reconnaissent de plus en plus que l’apprentissage par les acteurs politiques et sociaux est une source importante de changement démocratique et de stabilité. Cette reconnaissance découle du fait que « nous sommes particulièrement intéressés par la survie des démocraties ré-émergentes – comment prévenir les crises récurrentes et éviter l’échec de ces démocraties[1] ». Jennifer McCoy définit l’apprentissage politique comme étant :
[U]n processus de réflexion sur l’expérience et les nouvelles informations qui affectent les attitudes et les comportements. Il conduit à un changement cognitif qui implique des modifications sur le plan des croyances et des perceptions à savoir comment le monde fonctionne. Ces croyances transformées peuvent inciter un acteur à changer ses buts et priorités dans un processus d’apprentissage complexe, ou simplement à changer ses tactiques afin d’améliorer ses chances d’atteindre ses buts dans un processus d’apprentissage simple[2].
Il existe diverses façons dans la littérature d’analyser la manière dont l’apprentissage politique réoriente les comportements et les attitudes afin de soutenir la démocratie politique. Par exemple, la théorie des élites considère les réformes institutionnelles comme étant la voie principale du changement culturel, tandis que les études sur la société de masse examinent les influences interculturelles globales sur l’avancement de la démocratie. De son côté, Habermas considère ces changements en mettant l’accent sur les actions communicationnelles entre individus au sein de chaque société. Le présent article offre un aperçu général de ces approches sur l’apprentissage politique et leurs contributions à l’analyse historique.
Certaines questions se sont présentées par rapport à ce projet de recherche lorsque nous observions la situation d’exclusion sociale et de violence au sein d’un groupe de 18 favelas (bidonvilles) se situant dans les collines avoisinantes du centre-ville de Florianópolis, où vivent quelque 30 000 personnes. Certaines de ces communautés se sont mobilisées depuis environ 25 ans afin de réagir à leur situation d’exclusion sociopolitique et économique. Malgré certaines améliorations et un succès relatif au cours des années, ces communautés font toujours face à d’importants conflits et à des négociations difficiles face aux politiques et aux pratiques oligarchiques et clientélistes de la part des gouvernements municipal et étatique. De nombreux désaccords surgissent entre les dirigeants communautaires et les favelas d’un côté, et les autorités politiques de l’autre, surtout autour de la distribution inégale des biens et services publics. La criminalité est également à la hausse sur leur territoire en raison de la présence de gangs de trafiquants de drogue.
Florianópolis, capitale de Santa Catarina, un État du sud du Brésil, a une population de près de 350 000 habitants. Là-bas, l’ancien régime militaire a réussi à mettre en oeuvre, à partir du milieu des années 1970, une stratégie de « modernisation conservatrice » des quartiers à faibles revenus, en mettant sur pied des conseils communautaires sélectionnés principalement par des relations de clientélisme lors des élections. Les conseils ont obtenu des améliorations pour leurs quartiers : des centres communautaires locaux ont été construits avec des fonds gouvernementaux, pourvoyant des services de garderie, des clubs de jeunes et des services sociaux publics. Certains de ces gains ont été rendus possibles grâce au travail bénévole des résidents durant les fins de semaine, sous la supervision technique du gouvernement, qui a aussi fourni les matériaux de construction.
L’un de ces quartiers (bairros) est une favela située près du centre-ville. Étant sous la juridiction paroissiale de la cathédrale, les prêtres et les soeurs y ont organisé des services sociaux et éducationnels et ont appuyé le travail bénévole des résidents durant le régime militaire. Toutefois, lors de la première élection libre du gouvernement de l’État de Santa Catarina en 1982, les relations de clientélisme électoral du programme de modernisation conservatrice ont été dévoilées. L’un des prêtres s’est alors installé dans la favela et a organisé une communauté ecclésiastique locale (comunidade eclesial de base). Simultanément, le fils d’un des dirigeants communautaires est devenu le leader du club local de jeunes. Les membres de ces deux organismes locaux ont commencé à réaliser des évaluations internes du travail bénévole du conseil communautaire. Ils en ont conclu que le gouvernement collecte des taxes de tous les citoyens pour offrir des services de base et de l’équipement. Or, les résidents de la favela ayant dû faire du travail bénévole pour avoir accès à ces services, ils « ont payé deux fois pour le même droit ». De plus, le gouvernement a présenté ces améliorations comme étant une « faveur en échange des votes », en violation directe de la liberté de choix des résidents[3].
Depuis ce temps, durant plus de deux décennies, les occupations de terre et la construction de maisons précaires ont dramatiquement augmenté dans les bidonvilles de la colline. Les infrastructures urbaines de base ont été mises en place dans la plupart des 18 favelas, malgré leur distribution inégale parmi la population. La diversité socioculturelle des favelas a également augmenté de façon continuelle avec la présence de plusieurs églises, la création de clubs sociaux, d’écoles primaires et d’écoles de samba pour le Carnaval, ainsi que l’arrivée de migrants en provenance de diverses régions rurales. Plusieurs de ces groupes se disputent entre eux l’allégeance et l’appui des résidents. De plus, les conflits liés à la diversité socioculturelle sont amplifiés par deux problèmes politiques : 1) le contrôle persistant des communautés par des politiciens et des electoral brokers[4], dans un échange clientéliste de « biens pour des votes » ; 2) la violence des trafiquants de drogue entre eux et envers les résidents. Cette situation complexe d’exclusion sociale et de violence soulève un sentiment fort répandu de méfiance, de peur et d’insécurité.
Néanmoins, au cours des dernières années, certaines des communautés les plus actives et les mieux établies ont réussi à créer le Fórum do Maciço do Morro da Cruz (Forum des communautés du Morro da Cruz – ci-après nommé le Forum des communautés), nouvelle stratégie pour unir leurs efforts de négociation auprès des agences gouvernementales et des politiciens. En décembre 2005, le Forum a réussi à obtenir un décret municipal comme « zone d’intérêt social spécial[5] », afin de reconnaître le statut légal des occupations de terres sur les collines entourant Florianópolis. Les répercussions sur le plan de l’accès spécial à des services municipaux restent à être démontrées. Ces services sont reconnus par la population comme le point de départ qui leur permettra d’accéder ultimement à l’ensemble des droits liés à la citoyenneté.
L’objectif est donc de comprendre comment ce processus a évolué jusqu’à présent et de trouver des solutions pour améliorer et accélérer son développement. Ce processus d’organisation populaire dans une zone d’exclusion pourrait par ailleurs jeter la lumière sur d’autres exemples similaires dans le reste du Brésil. En résumé, il s’agit ici de connaître le rôle de l’apprentissage politique pour les résidents et les dirigeants de ces communautés[6].
La deuxième section de notre article traite de l’analyse de l’apprentissage politique au sein de ces communautés et des élites, alors que la troisième examine la recherche sur la culture politique de la population. La dernière partie présente une approche alternative de l’apprentissage politique, dérivée de la théorie de l’action communicationnelle de Jürgen Habermas.
L’apprentissage politique au sein des communautés et des élites
Il faut comprendre comment l’apprentissage des élites affecte les institutions démocratiques. Ce processus est plus complexe que ce que suggère un modèle d’apprentissage basé sur une définition stricte de l’intérêt personnel immédiat. Jennifer McCoy[7] affirme que les élites politiques en Amérique latine ont commencé à appuyer la démocratie en raison d’expériences traumatisantes sous les régimes autoritaires et lors des transitions vers le libéralisme (hyper-inflation, destitutions, etc.). Ses quatre études de cas (Venezuela, Chili, Uruguay et Argentine) démontrent que les élites ont graduellement réalisé qu’un régime démocratique serait moins coûteux et plus bénéfique à leurs propres intérêts que l’ancien régime autoritaire. J. McCoy soutient que le traumatisme politique (en raison des violations des droits humains fondamentaux, ou de crises économiques sévères) a donné lieu à un apprentissage « instrumental » ou « complexe » dans le choix de la démocratie. Quand un processus d’apprentissage est surtout instrumental, l’acteur se concentre sur les causes principales du traumatisme et il s’efforce de les éviter à l’avenir. Toutefois, cela peut aussi empêcher de faire face à de nouveaux défis et à d’autres problèmes non résolus du passé, par exemple l’absence de réponses judiciaires à la violation des droits des citoyens durant le régime militaire antérieur. En conclusion, cette auteure souligne l’importance d’axer les recherches futures sur l’apprentissage complexe de nouveaux objectifs, normes et valeurs la démocratie :
Les acteurs et les groupes politiques apprennent les comportements démocratiques, soit parce qu’ils valorisent les normes et les règles démocratiques en elles-mêmes (appréciation normative de la démocratie), soit parce qu’ils les considèrent comme les meilleurs moyens disponibles en ce moment pour aider leurs propres intérêts privés (appréciation instrumentale). Bien entendu, cette distinction aura des conséquences sur le maintien et la nature de la démocratie[8].
Jennifer McCoy souligne également le besoin de recherches portant sur les changements de culture politique et de la socialisation politique, ce qui devrait révéler de nouvelles « leçons comparatives » sur les transitions politiques et l’apprentissage politique :
Comment l’apprentissage politique des élites se transforme-t-il en un apprentissage de masse ? […] les théories sur l’hégémonie des élites, le changement culturel et la socialisation seront utiles pour cette prochaine étape. Également, sous quelles conditions l’apprentissage de masse donne-t-il lieu à un apprentissage de la part des élites ? […] La compréhension des conditions qui produisent ces divers types d’apprentissage exigera davantage d’analyses de cas comparatives dans divers contextes, dont les nouvelles démocraties, les démocraties ré-émergentes et les démocraties de longue date qui vivent des périodes de crise[9].
L’une des contributions majeures de la théorie des élites concerne l’apprentissage organisationnel[10], compris par Jennifer McCoy[11] et Klaus Eder[12] comme l’une des principales sources « d’apprentissage complexe ». L’influence présumée des « communautés épistémiques » dans le développement institutionnel, dans les cas où les élites politiques échouent à résoudre les problèmes sociaux et politiques, a été centrale dans le développement de cet aspect de la théorie. P.M. Haas explique :
Une communauté épistémique est un réseau de professionnels dont les compétences sont reconnues dans un domaine spécifique et qui bénéficient d’une certaine autorité scientifique dans la formulation de politiques dans ce domaine […] [et] une politique d’action commune, c’est-à-dire un ensemble de pratiques associées à un ensemble de problèmes qui mettent à profit leur compétence, probablement parce qu’ils sont convaincus que cela résultera en un plus grand bien-être des humains[13].
Cette approche est surtout utilisée pour aborder des problématiques politiques globales, par exemple l’influence des communautés scientifiques dans la formulation de politiques internationales de protection de l’environnement. Cela dit, elle pourrait tout aussi bien être utilisée pour l’étude de la création de nouveaux savoirs et de politiques touchant l’apprentissage organisationnel dans la résolution de problèmes domestiques ou locaux.
La question centrale est alors de savoir si l’influence des communautés épistémiques contribue à l’institutionnalisation de nouvelles conceptions du monde (worldviews) à travers un processus d’apprentissage « complexe » entre les élites et les communautés, qui « judiciarise les relations sociales » entre citoyens de manière adéquate[14]. De tels processus d’institutionnalisation sont ambigus, en ce qu’ils constituent une forme de « colonisation » du vécu quotidien par le biais de pratiques économiques et administratives. Toutefois, les communautés épistémiques participent à la dynamique de la création de nouveaux savoirs permettant de faire face à certains problèmes sociaux et politiques au sein de la société civile, favorisant ainsi la participation démocratique dans les processus de prise de décision.
Par exemple, nous étudions présentement une zone d’organisation populaire dans un groupe de favelas autour de Florianópolis : il s’agit de voir à quel point se sont formées, au cours de cette expérience d’organisation populaire, des communautés épistémiques capables d’imaginer de nouvelles solutions à leurs problèmes. Il s’agit également de saisir le mouvement conséquent de « judiciarisation » des relations sociales entre citoyens, ainsi que la construction institutionnelle qui est responsable du développement de l’apprentissage organisationnel dans la zone en question. Ces transformations participent-elles à un « apprentissage complexe » des valeurs et des pratiques démocratiques ? La recherche en cours tente de répondre à ces questions à l’aide de groupes de discussion qui se forment dans les communautés. Ces groupes sont organisés par l’intermédiaire des écoles publiques de la région, qui souhaitent améliorer leurs relations avec les parents et les étudiants.
Nous préparons présentement le travail de terrain pour les groupes de discussions, au cours desquelles nous souhaitons promouvoir l’évaluation interne par les communautés et leur leadership dans le contexte des expériences organisationnelles. Notre hypothèse est que le présent « Forum » des 18 communautés a fonctionné comme une communauté épistémique capable de surmonter l’isolement et la compétition entre les communautés. Cependant, les expériences passées de division, de fragmentation et de dépendance au contrôle politique externe constituent un lourd héritage qui limite la participation dans chaque communauté. Il nous faut donc porter le regard au-delà des initiatives des élites pour apprécier les fondements de la socialisation politique dans les communautés.
Les approches sur la culture politique de la population
L’apprentissage politique est souvent associé à la littérature sur la socialisation politique, sans pour autant que leur lien soit spécifié. Nous avons déjà suggéré[15] qu’il y a un déterminisme propre aux théories de la modernisation qui contamine la plupart des études sur la culture politique. Nous pensons en particulier à cette forme de déterminisme qui comprend la modernisation comme le résultat de forces extérieures s’imposant aux individus, sans qu’aucun processus d’apprentissage particulier ne soit en jeu. Par exemple, plusieurs théories considèrent que l’appui à la démocratie est le résultat d’un « équilibre multicausal » (multicausal equilibrium) entre le système socioculturel et le développement politico-économique[16]. Cette présupposition se retrouve également dans de nombreuses interprétations sociologiques de la démocratisation[17].
En d’autres termes, certaines « grandes théories » sociopolitiques ont tendance à reposer sur la présupposition implicite que les processus d’apprentissage sociopolitique qui sous-tendent le changement sociopolitique trouvent leur origine à l’extérieur des communautés. Ainsi, les études sur la culture politique indiquent différentes instances de socialisation politique (religions, écoles, famille, médias, groupes d’âge, etc.) qui sont susceptibles d’être la cause de la diversité des cultures politiques et des cultures politiques subalternes. Par exemple, la vogue du « postmatérialisme » chez les jeunes[18] a été mise en relation avec l’influence grandissante des médias (et d’autres facteurs économiques et technologiques de « postmodernisation »). Inversement, on dira que la religion, la famille et les écoles deviennent des instances de socialisation politique moins significatives qu’auparavant. Bien que ces changements soient sans doute importants, ces théories ne parviennent pas à expliquer comment et pourquoi ils se produisent. En d’autres mots, comment le deus ex machina de la modernisation affecte-t-il la socialisation politique et l’apprentissage politique ?
Une piste de réponse se trouve dans la composante réflexive des sociétés mondialisées, telle qu’elle a été identifiée par certains auteurs[19]. Ulrich Beck, par exemple, relève ce qu’il appelle un « deuxième âge de la modernité » dans lequel la « société du risque » engendre une « modernisation réflexive » (une vision globale sur le monde à l’intérieur et au-delà des frontières de la communauté) :
Je propose une distinction entre « mondialisation simple » et « cosmopolitisation réflexive ». Dans le paradigme du premier âge de la modernité, la mondialisation simple est interprétée à l’aune de la territorialité de l’État et de la politique, de la société et de la culture […] Dans le paradigme du second âge de la modernité, la mondialisation change non seulement les relations entre et au-delà des États nationaux et des sociétés, mais aussi la nature même du social et du politique, qui se manifeste dans plus ou moins de cosmopolitisation réflexive comme processus d’apprentissage institutionnalisé [20].
On peut demander si ce geste théorique constitue véritablement un « tournant linguistique » ou s’il s’agit plutôt d’une nouvelle version des théories de la modernisation créant encore des généralisations déterministes abusives, comme le soutiennent certains critiques[21]. Cela dit, il est possible de reconnaître l’intérêt de l’idée de la réflexivité de la socialisation politique sans pour autant endosser la perspective du « deuxième âge de la modernité ». L’apprentissage politique, de ce point de vue, peut être compris comme une capacité nouvelle (ou un désir) des individus à devenir des « citoyens du monde », que cela soit possible ou non.
Dans tous les cas, la « modernisation réflexive » a été interprétée comme un « construit développemental ouvert sur l’avenir[22] ». Cette réflexivité permet à l’étude de la socialisation politique de dépasser la « naturalisation » déterministe des concepts et des processus sociaux qui caractérisait les théories de la modernisation de la culture politique[23].
L’objectif de la « modernisation réflexive » est également d’implanter le processus d’institutionnalisation résultant de la socialisation dans différents territoires locaux et nationaux[24]. Cela implique-t-il la construction d’une « politique à double tranchant » (double-edge politics)[25], entre « globalisation mondiale » et légitimité locale, donnant lieu à une double citoyenneté, à la fois nationale et globale ? De surcroît, l’importance de la « mobilisation cognitive [26] » consiste en l’identification des caractéristiques des groupes et des cultures subalternes en fonction de leur engagement envers différentes possibilités de participation collective qui attribuent des contenus historiques spécifiques à la socialisation politique[27].
Klaus Eder[28] souligne néanmoins les limites de l’apprentissage politique dans les théories de la socialisation, demandant pourquoi il est si difficile de changer le monde. La réponse serait que
[…] les sociétés n’aiment pas apprendre. Elles préfèrent s’en tenir à ce qu’elles connaissent et aux règles qui stabilisent ce qu’elles connaissent. En conséquence, seules les sociétés qui produisent du risque sont des sociétés dans lesquelles les acteurs ont une possibilité réelle de changer le monde. Plus l’environnement d’une société est porteur de risque, plus l’apprentissage se développe et plus les acteurs souhaitent changer le monde. La société du risque dans laquelle nous vivons aujourd’hui est un environnement favorable au changement et à l’apprentissage. Contrairement au portrait sombre que l’on brosse de la société du risque, elle est parmi celles qui stimulent les processus d’apprentissage[29].
Ces énoncés forts sur la société du risque peuvent être testés dans des contextes historiques spécifiques. Dans notre étude de cas locale de participation populaire dans une zone d’exclusion et de conflits, on trouve une expérience remarquable de socialisation politique. Celle-ci offre l’occasion de tester les résultats de la « modernisation réflexive » parmi les participants, leur degré de sophistication cognitive (mobilisation de concepts et définitions de la vie politique, des idéologies et des institutions) et, avant tout, la manière dont ils mettent en oeuvre cette mobilisation cognitive, attribuant un contenu (valeurs et procédures) aux modes de participation politique qu’ils ont adoptés.
La mobilisation politique radicale contre le contrôle conservateur initiée par quelques communautés populaire à Florianópolis il y a environ 25 ans a donné lieu à des divisions idéologiques et à des confrontations qui ne se sont aplanies que très récemment, sous le leadership du Forum des favelas, qui est désormais reconnu par le gouvernement. Il est important de savoir comment les communautés évaluent ce changement de stratégie – c’est-à-dire la création du Forum unifié des 18 communautés – à la lumière des résultats obtenus par le passé et en relation avec « l’apprentissage complexe » des valeurs, des buts et des procédures démocratiques. La planification minutieuse et la réalisation des entrevues avec le leadership et des groupes de discussion au sein de la population permettront d’interpréter ces changements. Il faut ajouter que de tels discours et débats ne sont jamais neutres. Il faudra donc prêter une attention particulière à leur justification normative.
Approche alternative de l’apprentissage politique
Les recherches de Jürgen Habermas sur l’action communicationnelle peuvent être interprétées comme la proposition d’une approche alternative de l’apprentissage politique[30]. Il est important de comprendre la notion d’apprentissage politique en lien avec le contexte dans lequel est définie la démocratie. Le « tournant linguistique » ainsi que les concepts portant sur les sciences sociales reconstructives et la « démocratie comme institutionnalisation du discours » peuvent servir à évaluer l’apprentissage politique. Cette approche permet d’appréhender cet apprentissage de manière comparative comme un « développement moral / cognitif[31] ». Un tel développement résulte d’une interaction mutuelle, historiquement et intersubjectivement située entre individus, acteurs / processus sociaux, ainsi qu’acteurs / institutions politiques[32].
Cette proposition repose sur un fondement théorique cohérent. Les théories de J. Habermas sur « l’action communicationnelle » et le « développement moral / cognitif » sont multidimensionnelles et comprennent une dimension cognitive (le développement de conceptions du monde, worldviews), une dimension normative (le développement légal et moral), ainsi qu’une dimension subjective (le développement d’identités complexes et de structures de personnalités). Nos recherches préalables[33] laissent croire que l’apprentissage politique survient dans les trois dimensions mentionnées ci-dessus et ce, dans un processus historique et intersubjectif qui évolue différemment et inégalement entre les diverses dimensions.
De plus, la définition habermassienne de la « démocratie comme institutionnalisation du discours[34] » implique que les discours sont institutionnalisés dans la mesure où l’environnement social permet l’entente collective post-conventionnelle, qui, en retour, crée diverses structures partagées que peuvent se donner les acteurs sociaux[35]. Cette conceptualisation fait glisser le fardeau de la preuve de l’apprentissage politique vers une validation historique intersubjective – par les acteurs individuels, politiques et sociaux – du processus politique et des institutions politiques que ces derniers sont censés construire et soutenir.
Le principal problème que pose cette approche habermassienne est l’importance quelque peu idéaliste qu’elle accorde au développement de la rationalité et de la convivialité humaines. Plusieurs critiques et commentaires sur les contributions de Jürgen Habermas[36] s’attardent au débat sur l’éthique discursive dans la polarisation entre communautaristes et universalistes[37]. Les communautaristes insistent sur l’importance des traditions culturelles[38], par opposition à l’approche individualiste des universalistes, qui priorisent les ententes (ou contrats) entre citoyens[39] sur un plan considéré abstrait et rationaliste. Les communautaristes affirment que seules les communautés peuvent demander et reconnaître le droit à la différence, ainsi que la correction des inégalités.
Les contributions de Jürgen Habermas tentent de concilier l’approche universaliste avec la réforme des traditions et des institutions en recourant à une éthique discursive enracinée dans les « sciences sociales reconstructives », c’est-à-dire au moyen de justifications normatives grâce à la validation empirique des « actes discursifs » entre participants. Plusieurs auteurs se sont opposés à cette proposition[40]. Certains critiques se sont particulièrement attardés au parallélisme présumé d’Habermas entre le « développement moral / cognitif » phylogénétique et ontogénétique[41]. Klaus Eder[42] a dénoncé le fait que ce principe soit tributaire des tendances naturalistes des sciences sociales occidentales, qui définissent l’apprentissage politique comme un processus d’évolution des « Lumières ».
Habermas lui-même reconnaît les risques liés à ses propositions, mais insiste du même souffle sur la nécessité d’une base normative pour la science reconstructive :
En présence […] d’une relation complémentaire entre reconstruction rationnelle et analyse empirique, il y a un risque de faux raisonnement naturaliste […] Chaque tentative d’atteindre ces résultats de haut niveau, lesquels doivent être mesurés en fonction de leur utilité au moment de résoudre des problèmes, met en péril, sur le plan strictement fonctionnel, l’accomplissement du développement cognitif. Si ce qui est vrai ou moralement souhaitable pouvait être adéquatement analysé dans l’optique de ce qui est nécessaire pour le maintien des limites systémiques, nous n’aurions alors aucun besoin de reconstruction rationnelle[43].
Simultanément, certains penseurs communautaristes féministes[44] ont réussi à se réapproprier l’approche universaliste en insistant sur le caractère historique et transitoire des traditions et des communautés. Nancy Fraser et Axel Honneth[45] ont particulièrement situé une telle réforme sur le plan des changements institutionnels et interpersonnels, au moyen de l’étude et de la mise en oeuvre de politiques de reconnaissance du droit à la différence et à la correction des injustices commises, dans le cadre de normes paritaires de participation citoyenne. Ainsi, l’appel universaliste de Habermas à une « science sociale reconstructive » peut aussi être enraciné historiquement dans l’autonomie et l’auto-développement communautaristes.
Klaus Eder confirme ces liens entre la « communauté discursive » et les pratiques de reconnaissance sous-jacentes aux postulats de justice et de rationalité qui entourent l’apprentissage politique :
Y a-t-il une base précognitive pour comprendre et interpréter les processus sociaux de construction du sens ? Les théorisations récentes sur les bases de l’ordre social sont orientées vers des questions de reconnaissance réciproque des acteurs dans des situations sociales. (Honneth, Taylor) […] Par souci de simplicité, nous pouvons qualifier cet ordre de narratif […] [puisque] nous devons résoudre ce qui se cache derrière la rationalité. […] [Cette stratégie] a été nommée « théorie dramaturgique » parce qu’elle met l’accent sur les processus par lesquels les significations sont rendues signifiantes […] et reliées à une base trans-subjective de l’action et de l’interaction sociales[46].
Il est possible d’observer, dans les communautés que nous étudions à Florianópolis, que l’apprentissage politique s’effectue par le biais des discours, qui sont à la fois communautaristes et universalistes. L’Église catholique romaine ainsi que la théologie de la libération sont très influentes pour ce qui est de la réorganisation de certaines communautés. Cette présence est souvent en concurrence – mais plus récemment agit en complémentarité – avec d’autres traditions culturelles et religieuses. Il est possible que les relations conflictuelles et les difficiles négociations avec les politiciens et les autres acteurs publics soient les meilleurs exemples d’une éthique discursive ayant pris de l’ampleur au fil des ans, comme dans le cas du Forum des communautés de la région, récemment mis sur pied, qui vise à inclure toutes les favelas. En partant d’une polarisation contre les administrations conservatrices, ces premières communautés ont cheminé au point de favoriser la mise en place de politiques participatives et d’alliances au niveau de la politique municipale.
Néanmoins, ce processus positif a aussi attiré de nouvelles formes d’opposition à l’intérieur comme à l’extérieur de la région. Les conflits engendrés par le trafic des stupéfiants a entraîné peur et suspicion parmi les communautés locales ainsi que dans les médias et dans l’opinion publique en général. C’est pourquoi il importe d’analyser les points de contact entre le discours et les pratiques des organisations populaires et ceux des autres traditions culturelles et religieuses, de manière à vérifier si ces contacts renforcent ou réforment ces traditions au sens communautariste et/ou universaliste. De plus, la capacité discursive des organisations populaires doit être mise à l’épreuve pour que l’on puisse interpréter les liens et les négociations entre les organisations populaires, les politiques publiques et les politiciens. Finalement, nous devons aussi évaluer jusqu’à quel point ces pratiques et ces discours locaux requièrent l’adoption de politiques de reconnaissance du droit à la différence et de tolérance envers d’autres individus et groupes populaires de la région, ainsi qu’envers les institutions municipales et la population en général.
Il y a certainement eu d’importantes améliorations aux infrastructures urbaines dans ce quartier au fil des ans, de sorte que les résidents ont obtenu un accès considérable à certains droits de citoyenneté de base. Il importe maintenant d’évaluer l’apprentissage politique engendré par ce processus pour que d’autres problèmes urgents puissent être réglés adéquatement.
L’utilisation de groupes de discussion dans notre étude pourrait servir de « théorie dramaturgique[47] » pour révéler les dispositions motivationelles précognitives des communautés pour ce qui est d’endosser (ou de rejeter) la démocratisation culturelle. Cela pourrait aussi être une application d’une science reconstructive, de manière à démontrer les liens entre l’apprentissage cognitif / normatif et le comportement social au sein des communautés.
L’évaluation de l’impact local de cette participation politique sur le changement de culture politique, la constitution virtuelle de communautés épistémiques pour soutenir les buts et les valeurs des dirigeants et les choix entre des solutions communautaristes et/ou universalistes aux problèmes des communautés permettront de comprendre les progrès et les défis de l’apprentissage politique de ces dernières. Les communautés et les groupes populaires du Forum de communautés sont invités à participer à ce processus d’évaluation par le biais de l’initiative d’un « comité d’éducation » composé des écoles publiques qui desservent la région.
Théoriquement, les courants d’étude ayant fait l’objet d’un examen dans ce texte présenteront divers éclaircissements qui sont soit des contributions complémentaires, soit des contributions de rechange pour étudier les enjeux communs dans le domaine de l’apprentissage politique. Ces contributions seront mises en valeur et analysées de manière comparative pour démontrer leur pertinence potentielle en ce qui a trait au développement théorique dans ce domaine de recherche. Mais l’objectif premier de cette étude sera d’offrir un soutien aux communautés afin d’évaluer leurs propres expériences dans leur quête de solutions à leurs problèmes. Si cet exercice s’avérait un succès, notre démarche pourrait servir d’exemple pour d’autres travaux dans un contexte semblable, au Brésil comme ailleurs.
Appendices
Remerciements
Une première version de cet article a été présentée par l’auteur, conférencier invité au Colloque de la Société québécoise de science politique (SQSP) qui s’est tenu à l’Université d’Ottawa en mai 2005. L’auteur remercie les évaluateurs de la revue ainsi que Marie-Josée Massicotte, Jean Daudelin, Monica Gattinger et Stephen Chilton de leurs commentaires.
Note sur l'auteur
Paulo J. Krischke a complété un doctorat en science politique à l’Université York, Canada (1983). Il enseigne la théorie politique et les études comparatives dans le programme interdisciplinaire d’études supérieures en sciences humaines de la Universidade Federal de Santa Catarina, Brésil. Il a été professeur invité à l’Universidad Nacional Autónoma de México, à l’Université de Notre Dame aux États-Unis et à l’Université Oxford, Royaume-Uni. Chercheur senior dans les domaines des sciences politiques, de la sociologie et de l’anthropologie au Conselho Nacional de Desenvolvimento Científico e Tecnológico (CNPQ), plusieurs de ses écrits traitent des mouvements sociaux, du rôle de l’Église en Amérique latine, de la culture politique, de la démocratisation sociale et politique, ainsi que des théories et des processus qui y sont associés.
Notes
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[1]
Jennifer McCoy (dir.), 2000, Political Learning and Democratization in Latin America : Do Politicians Learn from Crisis ?, Coral Gables, North-South Center, p. 1-14.
-
[2]
Ibidem. Nous nous sommes aussi inspiré des travaux de Klaus Eder qui soutient que l’apprentissage est une réaction de l’homme aux incertitudes qui résultent de ses expériences d’éducation formelle. La connaissance n’apporte plus de réponse suffisante pour différencier le bien du mal, le vrai du faux. La communication et le partage de connaissances doivent être déclenchés à un niveau interpersonnel, organisationnel et même institutionnel de la vie sociale. L’apprentissage est la création tout autant de relations que d’univers discursifs. L’assomption théorique corollaire est que les structures intersubjectives ou les règles sont constitutives des structures subjectives de la connaissance. Voir Klaus Eder, 1999, « Societies Learn and yet the World Is Hard to Change », European Journal of Social Theory, vol. 2, no 2, p. 208-209.
-
[3]
Paulo J. Krischke, 2001, The Learning of Democracy in Latin America : Social Actors and Cultural Change, Huntington, Nova Science Publishers, p. 70 ss.
-
[4]
En Amérique latine, on parle d’agents qui tentent d’orienter et d’obtenir l’appui des électeurs souvent par des liens clientélistes avec certains groupes, surtout chez les populations démunies (note de traduction).
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[5]
En portugais : Zonas de Especial Interesse Social (ZEIS).
-
[6]
Il existe une vaste littérature sur l’organisation sociale et la pauvreté au sein des favelas brésiliennes. Lucio Kowarick (2004, « Housing and Living Conditions in the Periphery of São Paulo : An Etnographic and Sociological Study », Centre for Brazilian Studies, Oxford, UK, Working paper 58-04, 50 p.) fait d’ailleurs une revue de ces écrits. Dans son ouvrage précédent sur le sujet (Lucio Kowarick, 1995, Estudos Urbanos, São Paulo, Editora Trinta e Quatro, p. 13-14), celui-ci soulignait qu’il ne suffira pas d’étudier nos problèmes aigus de pauvreté et les iniquités socioculturelles et politiques de nos villes et de nos sociétés. Le changement social ne découle pas de l’ampleur de la pauvreté, mais plutôt de la production complexe des expériences historiques qui réagissent à cette pauvreté. Sur les difficultés qui entravent la démocratisation politique des favelas de Rio de Janeiro, voir aussi l’analyse de Camille Goirand, 2000, La Politique des Favelas, Paris, Éditions Karthala.
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[7]
McCoy, Political Learning and Democratization, op. cit.
-
[8]
Idem, p. 131-148.
-
[9]
Ibidem.
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[10]
Peter M. Haas, 1992, « Epistemic Communities and International Policy Coordination », International Organization, vol. 46, no 1.
-
[11]
Ibidem.
-
[12]
Eder, « Societies Learn and yet the World Is Hard to Change », p. 195-215.
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[13]
Haas, « Epistemic Communities and International Policy Coordination », p. 3. Celui-ci ajoute : « Bien qu’une communauté épistémique soit généralement constituée de professionnels provenant de différentes disciplines et horizons, ceux-ci ont en commun 1) un ensemble de normes et de croyances qui forment une axiologie propre à l’action sociale des membres de la communauté ; 2) un système de “croyances causales” (causal beliefs) qui découlent de l’analyse des pratiques qui mènent ou contribuent à un ensemble de problèmes dans leur domaine, et qui servent ensuite à l’analyse des liens multiples entre des politiques envisageables et les résultats souhaités ; 3) une notion de validité, c’est-à-dire un critère intersubjectif et défini de manière interne qui permet de mesurer et de valider la connaissance […] [et] une politique d’action commune. »
-
[14]
Jürgen Habermas, 1997, Between Facts and Norms : Contributions to a Discourse Theory of Law and Democracy, Cambridge, MIT Press.
-
[15]
Paulo J. Krischke, 2004, « Cultura política : convergências e diferenças em Porto Alegre e Curitiba », Revista de Ciências Humanas, no 35, p. 141-176.
-
[16]
Ronald Inglehart, 1997, Modernization and Postmodernization : Cultural, Economic and Political Change in 43 Societies, Princeton, Princeton University Press.
-
[17]
Voir Seymour Martin Lipset, 1993, « A Comparative Analysis of the Social Requisites of Democracy », International Social Science Journal, vol. 136, no 2, p. 155-175.
-
[18]
Inglehart, Modernization and Postmodernization, op. cit.
-
[19]
Anthony Giddens, 2000, Runaway World : How Globalization is Reshaping Our Lives, New York, Routledge ; Ulrich Beck, 2000, « The Cosmopolitan Perspective : Sociology of the Second Age of Modernity », British Journal of Sociology, vol. 51, no 1, p. 79-105.
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[20]
La contribution d’Ulrich Beck met en corrélation deux thèses : la modernisation réflexive et la société du risque. La théorie de la modernisation réflexive trouve ses origines dans la sociologie et la critique de la connaissance scientifique. Elle s’applique à l’ensemble de la société et implique un changement de la relation entre les structures sociales et les agents qui mène à une individualisation de décisions auparavant imposées par la société. La notion de société du risque sous-tend cette analyse. La nature changeante de la relation de la société à la production et à la distribution est liée à l’impact environnemental, dans le mouvement d’une économie globale basée sur le savoir scientifique et technique devenant centrale dans l’organisation sociale et dans les conflits. À partir de ce cadre théorique, U. Beck développe une lecture d’un certain nombre d’éléments clés du changement social actuel : la centralité de l’économie politique du savoir, le rôle changeant des classes et du genre dans les nouveaux environnements de travail ; et la politique (privée et publique) de la société du risque.
-
[21]
Sérgio Costa, 2004, « The Sociology of Reflexive Modernization and its Limits », Tempo Social, vol. 16, no 2, p. 73-100.
-
[22]
John S. Dryzek, 1999, « Transnational Democracy », The Journal of Political Philosophy, vol. 7, no 1, p. 30-51.
-
[23]
Klaus Eder, 1996, TheSocial Construction of Nature : A Sociology of Ecological Enlightenment, Londres, Sage ; Margaret R. Somers, 1995, « Narrating and Naturalizing Civil Society and Citizenship Theory : The Place of Political Culture and the Public Sphere », Sociological Theory, vol. 13, no 3, p. 229-274 ; Michael Woolcock, 1997, « Social Capital and Economic Development : Toward a Theoretical Synthesis and Policy Framework », Theory and Society, vol. 27, no 2, p. 151-208.
-
[24]
Adrian Favell, 1998, « A Politics that Is Shared, Bounded and Rooted ? Rediscovering Civic Political Culture in Western Europe », Theory and Society, vol. 27, no 2, p. 209-236.
-
[25]
Robert D. Putnam, 1988, « Diplomacy and Domestic Politics : The Logic of the Two-level Games », International Organizations, vol. 3, no 42, p. 427-460.
-
[26]
Russell J. Dalton, 1984, « Cognitive Mobilization and Partisan Dealignment in Advanced Industrial Societies », Journal of Politics, vol. 46, no 1, p. 264-284.
-
[27]
Pippa Norris, 2003, « Young People and Political Activism : From the Politics of Loyalties to the Politics of Choice ? », Report for the Council of Europe Symposium, www.pippanorris.com ; José Álvaro Moisés, 1995, Os brasileiros e a democracia : bases sociais da legitimidade democrática no Brasil. São Paulo, Ática ; C. Moreira, 2000, « Cultura política no Uruguai ao final do século : a democracia dos inconformados », dans Ecologia, juventude e cultura política, sous la dir. de Paulo J. Krischke, Florianópolis, Editora da Universidade Federal de Santa Catarina.
-
[28]
Eder, « Societies Learn and yet the World Is Hard to Change », p. 209.
-
[29]
Beck, « The Cosmopolitan Perspective », op. cit.
-
[30]
Paulo J. Krischke, 2001, « Aprender a democracia na América Latina : Notas sobre o aprendizado político e as teorias da democratização », dans Modernidade crítica e modernidade acrítica, sous la dir. de Héctor Ricardo Leis, Florianópolis, Cidade Futura.
-
[31]
Jürgen Habermas, 1990, Moral Consciousness and Communicative Action, Cambridge, MIT Press.
-
[32]
Krischke, « Aprender a democracia na América Latina », op. cit.
-
[33]
Krischke, The Learning of Democracy in Latin America, op. cit.
-
[34]
Jürgen Habermas, 1979, Communication and the Evolution of Society, Boston, Beacon Press.
-
[35]
James F. Bohman, 1990, « Communication, Ideology and Democratic Theory », American Political Science Review, vol. 84, no 1, p. 93-109.
-
[36]
Seyla Benhabib et Fred R. Dallmayr (dir.), 1990, The Communicative Ethics Controversy, Cambridge, MIT.
-
[37]
Shlomo Avineri et Avner de-Shalit (dir.), 1992, Communitarianism and Individualism, Londres, Oxford University Press.
-
[38]
Charles Taylor, Multiculturalismo (Examinando a política do reconhecimento), Lisbonne, Institut Piaget.
-
[39]
John Rawls, 1993, Political Liberalism, New York, Columbia University Press.
-
[40]
Par exemple Richard Bernstein (dir.), 1998, Habermas and Modernity, Boston, Basil Blackwell.
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[41]
Hiro Aragaki, 1993, « Communicative Ethics and the Morality of Discourse », Praxis International, vol. 13, no 2, p. 154-171 ; Piet Strydom, 1993, « Sociocultural Evolution or the Social Evolution of Practical Reason? Eder’s Critique of Habermas », Praxis International, vol. 13, no 3, p. 305-322 ; John Wetterstein, 1998, « The Analytical Study of Social Ontology : Breakthrough or Cul-de-sac? », Philosophy of the Social Sciences, vol. 28, no 1, p. 132-151.
-
[42]
Eder, « Societies Learn and yet the World Is Hard to Change », op. cit.
-
[43]
Habermas, Moral Consciousness and Communicative Action, p. 34-35. Comme l’indique Stephen Chilton (1997, Social Development Research Is a “Reconstructive Science”, Duluth, University of Minnesota, [www.d.umn.edu/~schilton/Articles]), les sciences comportent deux éléments : une définition-conceptualisation théorique-philosophique du domaine ainsi que la recherche empirique qui en découle. Le premier guide la recherche ; il dégage les éléments significatifs, indique comment les étudier et comment interpréter les données obtenues. Le second utilise le premier comme base du savoir. La relation entre les deux éléments est le plus souvent vue comme « monolectique » [non dialectique] : dans la « science normale », la conceptualisation du domaine est privilégiée et intouchable. Cependant, même si on ne les considère pas incontestables, selon une perception de la science, les conceptualisations demeurent perçues comme privilégiées en ce qu’elles sont assujetties uniquement à l’analyse philosophique, et non à la réfutation ou à la reformulation empiriques. Dans certains cas (même si cette position n’est que très peu défendue aujourd’hui), on privilégie la collecte de données et on perçoit la conceptualisation du domaine comme découlant des résultats obtenus. Une « science reconstructive » vise une relation explicitement dialectique entre les deux aspects. On l’appelle « reconstructive » parce qu’elle tente de reconstruire le processus par lequel une chose en est venue à évoluer.
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[44]
Benhabib et Dallmayr, The Communicative Ethics Controversy, op. cit ; Amy Gutman, 1992, « Communitarian Critics of Liberalism », dans Communitarianism and Individualism, sous la dir. de Shlomo Avineri et Avner de-Shalit, Londres, Oxford University Press.
-
[45]
Nancy Fraser et Axel Honneth, 2003, Redistribution or Recognition? A Politico-philosophical Debate, Londres, Verso Books.
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[46]
Eder, « Societies Learn and yet the World Is Hard to Change », p. 202-203.
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[47]
Ibidem.