Abstracts
Résumé
Peut-on qualifier de « politique du risque » un dispositif d’action publique qui s’inspire de cette notion, mais ne s’en réclame jamais explicitement ? Le présent article soutient que la rhétorique du risque, issue des domaines environnementaux et bioéthiques, imprègne de façon croissante l’attitude des pouvoirs publics à l’égard des questions familiales. Tel est le cas de la procédure française d’agrément en vue d’adoption qui aborde l’homosexualité des candidats comme un danger potentiel pour l’enfant et pour la société. Nous formulons l’hypothèse que les travailleurs sociaux en charge de l’adoption dramatisent les enjeux de leur intervention pour mieux asseoir l’autorité de leurs décisions et, en conséquence, leur position institutionnelle. Mais le risque doit toujours rester inavoué : sa force performative réside dans la production de figures imaginaires à l’aune desquelles les candidats sont implicitement enjoints à s’identifier. Le risque constitue ainsi un instrument de la production biographique du « public » des politiques adoptives.
Abstract
In France a huge majority of social workers refuse to accredit gays and lesbians seeking to adopt children. They only welcome candidates for adoption they consider able to perform social roles directly inherited from nature. The notion of “social risk” is one of the key tools by which such a performance is regulated, as it connects individual practices (explicitly formulated in the best interest of the child) and collective norms (implicitly promoting a traditional family-based model of social reproduction). Candidates are supposed to display a harmless model of parental couple : thus “giving an account of oneself” seems characteristic of a precautionary mode of governance that enables a blameless control over the “public” of adoption policies.