La question de la fragilisation de la diversité des cultures à l’échelle planétaire s’est récemment imposée comme l’un des enjeux les plus préoccupants de notre époque. La ratification, l’automne dernier, d’une convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles par tous les pays membres de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), à l’exception des États-Unis et d’Israël, témoigne de l’intérêt dont jouit actuellement cette question. Or, qu’un consensus aussi large ait pu être atteint, sur un enjeu d’une importance aussi fondamentale pour tous les peuples, n’est pas sans susciter un certain étonnement. Si bien qu’on est en droit de se demander sur quoi les 185 signataires de cette convention se sont-ils précisément entendus ? Que faut-il entendre par diversité culturelle ? Le présent essai se veut une réflexion sur la question de la diversité culturelle sur la scène internationale. La thèse qui y est développée est que le concept de diversité culturelle, dans sa forme actuelle, c’est-à-dire suivant son acception la plus courante, n’est pas à la hauteur de la plus grave menace qui pèse aujourd’hui sur cette diversité et qu’il est maintenant essentiel de redéfinir le sens et la portée de ce concept. Ainsi, d’une manière générale, il s’agit ici de prolonger la réflexion amorcée par François de Bernard dans un article paru l’an dernier qui ambitionne de « refaire de la diversité culturelle un concept » afin qu’il recouvre « une dignité propre et exceptionnelle, résolument ancrée dans son horizon contemporain ». Si les bases de la présente réflexion se distinguent de celles sur lesquelles repose le texte de de Bernard, l’objectif qu’elle poursuit partage néanmoins l’esprit qui s’en dégage. Dans un premier temps, notre travail visera à identifier la double origine du concept de diversité culturelle et, dans un second temps, les deux principales menaces qui pèsent sur cette diversité à notre époque. Au terme de ce travail préparatoire, nous tenterons de redéfinir le sens et la portée de ce concept par le biais d’une critique de la notion de « culture » sur lequel il repose. Tout effort en vue de redéfinir le sens et la portée du concept de la diversité culturelle exige de remonter à ses origines, lesquelles reposent sur deux sources conceptuelles. Premièrement, le principe de la diversité culturelle dérive du concept de « l’exception culturelle ». C’est en 1993, lors des négociations du GATT avec les États-Unis, que le concept de l’exception culturelle a été forgé par les négociateurs européens. Ce principe visait alors à réserver pour le secteur de la culture « un traitement spécial vis-à-vis des règles du libre-échange ». Précisément, il s’agissait par là d’exclure le domaine de la culture de la libéralisation généralisée des échanges commerciaux transatlantiques, sur la base que la culture n’étant pas une « marchandise », celle-ci ne saurait être traitée sur le même pied que des domaines tels que les services publics, les matières premières ou la production industrielle. En pratique, ce concept avait pour objectif, dans la bataille commerciale qui oppose l’Europe aux États-Unis depuis la fin du dernier grand conflit mondial, de limiter le déversement de produits culturels états-uniens sur le marché européen. Ainsi, dans ce premier usage, le principe de l’exception culturelle se veut essentiellement un principe protectionniste dans le domaine du commerce international. Au tournant de la décennie 1990, le concept de l’exception culturelle sera de plus en plus délaissé par les acteurs européens et de nombreux penseurs, au profit de celui de « diversité culturelle », lequel présente l’avantage d’une connotation moins négative. Avec l’adoption de cette nouvelle …
Diversité culturelle et mondialisation [Record]
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Danic Parenteau
École d’études politiques
Université d’Ottawa
danic@parenteau.info