Recensions

The System Made Me Do It. Corruption in Post-communist Societies, de Rasma Karklins, New York, M.E. Sharpe, 2005, 219 p.[Record]

  • Adriana Dudas

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  • Adriana Dudas
    Université Laval

Après la chute du communisme et les « révolutions » en chaîne qui ont ébranlé le monde à la fin des années 1980, les pays de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est étaient prêts pour la démocratie. Quinze ans plus tard, la majorité de ces pays sont encore dans une période de transition. Le livre de Rasma Karklins retrace le portrait de l’un des éléments fondamentaux qui ont ralenti et ralentissent encore l’évolution de ces sociétés. La corruption, phénomène dont on mesure à peine l’ampleur, représente en effet un obstacle de taille à l’évolution des pays postcommunistes vers la démocratie. Le livre The System Made Me Do It ne s’inscrit pas dans la lignée des ouvrages pessimistes et fatalistes sur le sujet. Au-delà d’un constat pas très réjouissant sur la réalité de la corruption, l’auteure aborde, dans une perspective néo-institutionnaliste, les causes du phénomène ainsi que les solutions pour le combattre. L’étude s’intéresse surtout à l’abus du pouvoir officiel dans les institutions publiques et parmi les politiciens, et insiste sur la différence majeure entre la corruption de l’individu et celle des structures du système (qui est plus grave). Le point de départ de l’étude se construit autour de trois présupposés : la corruption politique est un sérieux problème dans la région postcommuniste ; les actes de corruption ne sont pas tous pareils ; la corruption peut être contenue même si elle ne peut pas être enrayée complètement. Les bases pour la compréhension du phénomène sont ainsi données. La structure du livre confronte, d’une manière symétrique, le phénomène à ses opposés. En fait, si, dans une première partie, les définitions des termes importants pour l’analyse, les typologies de la corruption, ainsi que les perceptions ou les attitudes face à la corruption sont décrites et analysées, dans la deuxième partie une réflexion théorique sur les opposés de la corruption nous plonge dans des discours et des stratégies (pratiques) concernant la lutte contre la corruption. À l’intérieur même de ces parties, une certaine symétrie de traitement s’observe : en commençant par des constats théoriques dans les deux parties, R. Karklins fait ensuite appel à des témoignages et à des rapports nationaux et internationaux pour soutenir des observations pratiques sur le phénomène et ses opposés. Un chapitre sur les origines communistes de la corruption dans la région sort du schéma par son caractère inédit. Un véritable vocabulaire est développé dès le début et tout au long du livre autour du concept de corruption. Définie comme « the misuse of public power for private gain » (p. 4), la corruption est nommée souvent par ses synonymes, par exemple bribe / bribery, kickback (pot-de-vin), blat (échange informel des biens, services et faveurs – p. 77) ou par des expressions explicatives. En fait, en partant de la conviction que la corruption doit être comprise comme un phénomène négatif, l’auteure attire l’attention sur la compréhension contradictoire que la corruption peut avoir dans le contexte des pays postcommunistes. On parle ainsi de corruption fonctionnelle – parce qu’elle peut être un substitut à la reforme ou à la révolution –, de corruption utile – parce qu’elle permet de régler plus vite des problèmes dans la société, et même de la « bonne » corruption. Toutefois, quoiqu’elle donne des résultats à très court terme, la corruption affaiblit à long terme la confiance du citoyen dans le système et dans les institutions publiques, décourage les officiels, honnêtes, qui démissionnent, et déteint sur l’image du pays à l’extérieur. La corruption se retrouve à différents niveaux d’interaction, entre l’État – par ses institutions – et l’individu ou entre différents paliers du pouvoir. …