Oui, l’appui à la souveraineté du Québec est en déclin depuis 1995 auprès d’une certaine partie de la population. Non, cet appui n’est pas en net recul, puisqu’il poursuit sa croissance auprès d’autres groupements de citoyens. Voilà la principale proposition défendue par ces deux sociologues de l’Université Laval à partir de données recueillies par sondage depuis 1995. Il s’agit d’une thèse audacieuse, car elle remet en question un lieu commun selon lequel un nombre considérable de Québécois auraient renoncé au projet souverainiste. En fait, pendant qu’une partie de l’électorat modifie son intention d’appuyer ou non la souveraineté en fonction de facteurs conjoncturels, il y a une croissance structurelle du sentiment souverainiste dans d’autres groupements de citoyens. L’ouvrage débute par une introduction dans laquelle les auteurs insistent sur l’hétérogénéité de la société québécoise en décrivant les clivages linguistique, ethnoculturel et générationnel qu’elle présente. Ils énoncent aussi les questions auxquelles ils tenteront de répondre. Quels sont les groupements sociaux qui appuient l’idée de la souveraineté du Québec et quels sont ceux qui y sont opposés ? Quels sont les groupements qui passent de l’une à l’autre des deux options ? Comment évolue dans le temps l’appui à la souveraineté du Québec dans les groupements qui se mobilisent pour ce projet ? Le coeur du livre comprend neuf chapitres regroupés en trois parties. La première est consacrée à la « mobilisation souverainiste ». Le chapitre 1 présente la structure théorique, conceptuelle et méthodologique de l’ouvrage. Les auteurs créent une typologie des électeurs à partir de quatre variables : la langue maternelle, l’âge, le revenu et l’activité professionnelle. En groupant ainsi les électeurs, ils appréhendent une partie de l’espace social dans lequel les citoyens élaborent leurs opinions politiques. Gilles Gagné et Simon Langlois croient qu’il est plus approprié de saisir de cette façon leur objet de recherche que par l’analyse de variables distinctes comme c’est régulièrement le cas dans les études électorales. Ils emploient le concept de « groupement » en le distinguant de celui de groupe. Ce dernier implique la possibilité d’interactions directes entre les membres ou la conscience d’appartenir à une communauté. Le groupement, lui, désigne l’appartenance à un ensemble social plus grand dont tous les membres ne sont pas en interactions directes mais partagent une expérience historique et des traits communs. La typologie distingue six groupements principaux : les francophones de 18 à 54 ans, actifs, gagnant 20 000 $ et plus ou étudiants (type 1) ; les francophones de 18 à 54 ans, actifs, gagnant moins de 20 000 $ ou inactifs (type 2) ; les francophones actifs de 55 ans et plus (type 3) ; les francophones inactifs de 55 ans et plus (type 4) ; les anglophones et allophones de 18 à 54 ans (type 5) ; et les anglophones et allophones de 55 ans et plus (type 6). G. Gagné et S. Langlois avancent l’hypothèse que « le groupement qui sera le principal porteur du projet souverainiste sera composé des personnes âgées de 18 à 55 ans, francophones, actives sur le marché du travail » (p. 28), car celles-ci bénéficient de conditions leur permettant de s’élever au-dessus de l’univers des besoins et de se projeter dans l’avenir. Pour analyser l’évolution de l’appui à la souveraineté, les auteurs ont travaillé à partir de bases de données fournies par la firme de sondages Léger Marketing. Ils ont examiné les informations recueillies dans le cadre de quatre sondages réalisés au cours des quatre semaines ayant précédé le référendum de 1995 et de 23 sondages produits entre avril 1999 et avril 2001. Une fois la structure de la recherche présentée, le …
Les raisons fortes : nature et signification de l’appui à la souveraineté du Québec, de Gilles Gagné et Simon Langlois, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2002, 189 p. [Record]
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Frédérick C. Bastien
Université de Montréal