La première « vraie » exposition de Louise Robert à la Galerie Curzi, à l’automne 1975, s’appelait écritures, et la configuration dans la salle de ce corpus de dessins austères évoquait effectivement les pages d’un gros livre d’artiste. Non pas un livre relié ni linéaire, mais plutôt hétérogène et spatialisé ; mimétique surtout. Par la suite, l’artiste ne cessera jamais d’écrire sur ses dessins et sur ses toiles, qui auront cessé d’être austères. De « drôles » de mots (dans tous les sens du terme) qui seront la marque de son écriture graphique et picturale, son mode d’appropriation bien à elle de l’«ut pictura poesis ». En somme, c’est toute sa production de presque trente ans qui constituerait un livre gigantesque... Un jour, la philosophe Anne Cauquelin a écrit joliment : « au Japon au xie siècle les samouraïs étaient lettrés il y a bien du samouraï chez louise robert ». Il y aurait aussi, peut-être, du Sarraute, notamment celui de Ouvrez : « Des mots, des êtres vivants parfaitement autonomes sont les protagonistes de chacun de ces drames ». Mutatis mutandis, telle est aussi la situation des « écritures » de Louise Robert dans ses dessins et dans ses toiles. Elles en sont la matière première, au même titre que les autres signes qu’elles gauchissent diversement, mais toujours avec finesse. Elles sont donc à voir tout autant qu’à lire ou, comme le dit le Non-Lecteur d’Italo Calvino, qui devait être un merveilleux lecteur de peinture : « Le secret est de ne pas éviter de regarder les mots écrits, au contraire : il faut les regarder fixement, jusqu’à ce qu’ils disparaissent ».