Les didactiques disciplinaires et professionnelles participent, au côté de l’ergonomie, de la sociologie et de la psychologie du travail, au développement des connaissances concernant l’analyse de l’activité réelle en situation à l’école et au travail. Les chercheurs du domaine, peut-être parce que la constitution de leur champ d’investigation est récent, précisent assez rarement l’origine de leurs sources. Dans cet article, nous nous efforçons de resituer ce qu’ils doivent à un chercheur dont les travaux précurseurs sont ignorés ou peu connus : Hans Aebli (1923-1990). Hans Aebli publie en 1951 l’ouvrage Didactique psychologique. Application à la didactique de la psychologie de Jean Piaget, l’année même de passation de sa thèse avec Piaget. Il s’agit de son premier livre, et du seul disponible en français.. La caractéristique originale de cette publication est non seulement de déduire une didactique de la théorie psychologique de Piaget, mais aussi de montrer expérimentalement l’efficacité de cette approche, sur un objet d’enseignement mathématique. Pourtant, comme le soulignent Régis Ouvrier-Bonnaz et Marianne Lacomblez (2014), Le terme « relayer » nous semble ici important, car cette contribution apparaîtra bien en référence dans des travaux français, que ce soit en pédagogie ou en didactique des mathématiques, mais essentiellement au titre de son existence et non de son contenu didactique – sauf exception.. Nous chercherons à comprendre pourquoi cette proposition d’étayer chaque didactique par l’apport de la théorie piagétienne n’a pas joué de rôle direct. La question se pose particulièrement en didactique des mathématiques ; pour le moins, un débat critique aurait pu être amorcé à partir de là. Pour traiter cette question, nous situerons d’abord rapidement Didactique psychologique dans la vie professionnelle de Aebli. Nous reviendrons, d’une part, sur ce qu’est pour lui la « didactique » et comment il la situe par rapport aux sciences de l’éducation et, d’autre part, en regard de sa signification ultérieure en didactique des mathématiques. Après un tour d’horizon de sa critique des présupposés psychologiques de la « didactique traditionnelle » et de celle de « l’école active », nous présenterons ensuite la démarche d’élaboration par Aebli d’une méthode didactique à partir du cadre théorique de Piaget et les lignes de l’expérimentation qu’il présente pour étayer ses propositions. Nous conclurons par un essai d’explication du fait que le bilan qu’a voulu élaborer Aebli n’ait pas joué le rôle de précurseur qui aurait pu être le sien. Le contenu de ce premier ouvrage d’Aebli est d’abord étayé par les expériences conduites dans le contexte piagétien. Il s’appuie également sur les connaissances expérientielles de Aebli, maître du primaire. Piaget souligne dans sa préface l’importance de cette double qualification de psychologue et d’éducateur pour déduire une utilisation didactique des travaux psychologiques. De plus, au cours de sa période d’étude à Minneapolis à la fin des années 40, Aebli « a été confronté à l’approche du pragmatisme américain par l’intermédiaire du philosophe de l’éducation John Dewey » (document web de la fondation Näf Aebli : http://www.ans.ch/fr/). Les travaux ultérieurs de Aebli seront marqués de plusieurs caractéristiques. D’une part, il s’écartera du strict cadre constructiviste piagétien (Aebli, 1978) dans l’analyse du développement de la pensée de l’enfant, en introduisant en particulier la dimension d’intériorisation des connaissances déjà connues du maître. Ainsi, il ouvrira largement ses travaux vers l’analyse de l’enseignement et la formation des enseignants. D’autre part, il publiera essentiellement en allemand (du fait de ses inscriptions institutionnelles), et – malheureusement – aucun de ses ouvrages ne sera traduit en français. Son ouvrage initial deviendra ainsi en France un « point isolé » de la didactique développée par Aebli, alors qu’elle aura une postérité bien établie en …
Appendices
Bibliographie
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