En parcourant l'histoire

Se doper pour travailler sous la direction de Crespin, Lhuilier et Lutz[Record]

  • Christine Gauthier

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  • Christine Gauthier
    Chargée de cours au Département des fondements et pratiques en éducation, Université Laval, Québec, Canada

Paru aux Éditions Érès dans la Collection Clinique du travail, cet important ouvrage collectif dirigé par Renaud Crespin, Dominique Lhuilier et Gladys Lutz pose un regard élargi sur les liens entre travail et consommation de substances psychoactives (« SPA », telles que les drogues, alcool, médicaments) et permet une meilleure compréhension d’un enjeu complexe encore trop souvent ignoré, celui de devoir parfois (souvent) « se doper pour travailler ». Quel rapport pouvons-nous établir entre la consommation et le travail ? De quelle manière l’activité de travail, le collectif ou le milieu organisationnel favorisent-ils la consommation ? Que font et que doivent faire les entreprises et les syndicats lorsque des problèmes de consommation sont observés ? Qu’en est-il de l’action publique et de la prévention de consommation de SPA en milieu de travail ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles s’attarde cet ouvrage. Pour nourrir cette réflexion, les directeurs de l’ouvrage ont réuni des auteurs qui proviennent d’horizons multidisciplinaires et variés, qu’ils soient chercheurs en sociologie, en psychologie, en psychiatrie, en ergonomie et en droit du travail, ou encore médecins du travail ou syndicalistes. Dans la première partie, en présentant un panorama des diverses représentations sociales permettant de problématiser les liens entre travail et consommation, la contribution de Marie-France Maranda pose d’entrée de jeu l’éventail des « points de vue » sur la situation. Quatre cas de figure sont exposés, en mettant en relief pour chacun d’eux les manières distinctives de concevoir la prévention (primaire, secondaire, tertiaire) : celui de « l’employé-problème », qu’il faut discipliner, contrôler et traiter ; celui de la relation « employé-travail problème », qui met en interrelation la personne qui vit des problèmes (financiers, familiaux, etc.) avec le milieu de travail qui n’offrirait pas une adaptation suffisante ; la « culture-problème », qui pointe les pratiques de consommation dans le métier et qui sont parfois constitutives de l’identité professionnelle ; et le « travail qui est le problème », qui pose un regard critique sur le travail et le vécu psychique et émotionnel des employés. Maranda fait valoir que la prévention la plus efficace doit permettre de travailler sur le problème à la source, c’est-à-dire sur le travail et les organisations pathogènes, rarement mises en cause lorsqu’il s’agit de consommation et d’addiction. À l’instar de Dejours et Dolo, elle invite à poser un regard diachronique et évolutif sur la vie professionnelle, sur ce qui a changé, et à regarder le problème selon lequel les travailleuses et les travailleurs se trouveraient de plus en plus confrontés à une vie au travail difficile à soutenir psychiquement. La deuxième partie questionne l’action publique et syndicale en ce qui a trait à la prévention de la consommation au travail. Certains problèmes éthiques et politiques sont notamment soulevés. Par exemple, en privilégiant dans les politiques publiques et les normes juridiques le dépistage des drogues et « l’approche par la faute » (Crespin), on dénie la responsabilité de l’entreprise, qui doit aussi agir en prévention en matière de consommation de SPA. Robinaud expose d’ailleurs clairement de telles responsabilités contradictoires de l’entreprise : celle de préserver la sécurité sur les lieux de travail en retirant du milieu les travailleurs qui ont consommé (dépistage) ; et celle de questionner ses propres pratiques au travail, pouvant être à l’origine de la consommation de SPA. Dans un entretien, Éric Beynel fait valoir quant à lui que l’action syndicale vis-à-vis les cas d’addiction est peu développée et que les syndicats doivent traiter ces conduites addictives comme des risques psychosociaux du travail et en investiguant sur les causes de leur développement. Différemment, le texte de Peretti-Watel avance que les …