Afin que la longueur de ce commentaire n’excède pas (trop !) celle du texte de Georges Friedmann (1902-1977) proposé dans ce numéro de Laboreal, je me bornerai à le situer dans son contexte historique personnel, disciplinaire et sociétal, et à relever une des questions de fond qu’il posait à ses contemporains. Question épistémologique qui se pose toujours bien que les contextes aient bien changé. Ce faisant, je m’inscris dans la réflexion du sociologue belge, Mateo Alaluf (2001, p. 102) : C’est pourquoi les débats qui ont marqué l’après-guerre - cette période de grandes transformations, qui est aussi celle de l’émergence de l’ergonomie et d’une nouvelle sociologie du travail dans les années cinquante - restent tellement actuels. Ce texte – sans autre titre que celui indiqué ici – est tiré des Actes du XIe Congrès international de Psychotechnique (Psychologie appliquée) – Section de psychologie du travail qui eut lieu à Paris en 1953. Il est le compte-rendu d’une réaction du « philosophe - psychologue - sociologue » Professeur Georges Friedmann (1902-1977) aux exposés de la séance plénière inaugurale. Son intervention se situe après celles des Anglais C. B. Frisby (1954) (« Allocution inaugurale ») et L. S. Hearnshaw (1954) (« Le but et le domaine de la psychologie industrielle »), du Français Pierre Goguelin (1954) (« Les facteurs psychologiques susceptibles d’accroître la productivité en entreprise ») et du Suédois Gunnar Westerlund (1954) (« Cadre de références et problèmes liés en psychologie industrielle »). Elle porte plus directement sur l’intervention de L. S. Hearnshaw, c’est-à-dire sur la définition du domaine de la psychologie du travail. À ce propos, Georges Friedmann (G.F.) évoque entre autres les relations entre théorie et pratique en s’appuyant sur une déclaration plus ancienne (1932) de Jean-Maurice Lahy (1872-1943) sur laquelle je reviendrai. Tout en ne faisant aucune allusion directe à P. Goguelin, mais en accord avec la psychologue Suzanne Pacaud, longtemps collaboratrice de J.-M. Lahy, il mentionne les risques d’échec d’une « politique de la productivité » qui ne tiendrait pas compte des interrelations entre toutes les dimensions du travail et, ce faisant, ne mériterait pas « la collaboration de psychologues industriels soucieux de ne pas compromettre leur activité au service d’intérêts particuliers et de la maintenir sur un terrain scientifique ». Cette politique de la productivité battait son plein dans l’après-guerre sous l’impulsion du plan Marshall d’aide des USA à la reconstruction et à la modernisation des pays d’Europe dévastés par la guerre et l’influence des « missions de productivité » aux USA. Celles-ci ont concerné tous les milieux professionnels (Kuisel, 1988) malgré l’opposition des communistes qui dénonçaient une « entreprise de catéchisation de la classe ouvrière » (Brucy, 2001, p. 81). Rappelons que l’une de ces missions en 1956 - Le projet 335 ou Adaptation du travail à l’homme - a contribué à l’émergence de l’ergonomie en Europe (AEP, 1959 ; Teiger et Lacomblez, 2013). On retrouve aussi les traces des découvertes d’une précédente « Mission psychotechnique » (en 1952 avec des psychologues et spécialistes du travail dont S. Pacaud et Jean-Marie Faverge) par exemple dans les chapitres de L’analyse du travail.Facteur d’économie humaine et de productivité (Ombredane et Faverge, 1955) rédigés par ce dernier (Teiger, 2015a). Tout le monde s’accorde pour décrire G.F. comme l’une des figures de proue emblématique de ces intellectuels progressistes de l’après-deuxième Guerre mondiale (1939-45), séduits un moment par l’idéal communiste de justice sociale et « compagnons de route » du Parti communiste français (PCF) jusqu’à la déception et la rupture finale dans les années cinquante. Pionnier d’une « sociologie humaniste » il contribuera de façon décisive à …
Appendices
Bibliographie
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