Volume 12, Number 1, 2023 Ingénierie de professionnalisation et professions du social : une dialectique des pratiques et des activités Guest-edited by Brigitte Baldelli and Camille Thouvenot
Table of contents (13 articles)
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Préface
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Introduction
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Et si on pensait autrement : peut-on échapper aux mécanismes de la reproduction dans la formation et dans les pratiques du travail social ?
Yves Gilbert
pp. 12–24
AbstractFR:
L’universitarisation des formations au travail social est souvent pensée comme le remède à la reproduction tendancielle des savoirs et des pratiques dues à un système où domine fortement la formation par les pairs. Face à des transformations et des processus de réingénierie pédagogique s’étant développés dans le champ des formations au travail social, en France depuis les années 2010, comprenant notamment leur entrée dans le système européen des formations supérieures, et l’adjonction de matières académiques dans les parcours de formation, il convient de s’interroger sur les enjeux et la portée d’une universitarisation qui en découlerait. Faute d’un cadrage théorique clair et de concepts permettant de penser l’action sociale d’accompagnement individuel et de transformation collective, les futurs travailleurs sociaux s’exposent aux dissonances cognitives. La sociologie d’intervention, entre autres disciplines, peut fournir les matériaux théoriques, conceptuels et méthodologiques de nature à éviter ces dissonances.
EN:
The academicization of social work training is often thought of as a remedy for the tendency to reproduce knowledge and practices due to a system in which peer training is highly dominant. Faced with the transformations and processes of pedagogical reengineering that have developed in the field of social work training in France since the 2010s, including their entry into the European system of higher education, and the addition of academic subjects to the training courses, it is appropriate to question the issues and the scope of a resulting universitarization. In the absence of a clear theoretical framework and of concepts that allow for thinking about the social action of individual support and collective transformation, future social workers are exposed to cognitive dissonance. Intervention sociology, among other disciplines, can provide the theoretical, conceptual and methodological materials to avoid these dissonances.
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Vers une nouvelle forme universitaire de professionnalisation en intervention sociale : quels leviers de professionnalisation pour quelles figures de professionnalité ?
Patrick Lechaux
pp. 25–44
AbstractFR:
L’article porte sur la construction en cours dans le champ de l’intervention sociale d’un nouvel espace épistémique, curriculaire et institutionnel (conjoint universités-écoles sociales). Il cherche à qualifier les marqueurs de cette « forme universitaire de professionnalisation » qui se construit entre prescription ministérielle et pratiques des acteurs. Il présente des ingénieries de professionnalisation au travail qui se réfèrent à des figures de professionnalité faisant débat.
EN:
The article focuses on the ongoing construction in the field of social work of a new epistemic, curricular and institutional space (universities-social work schools). He seeks to qualify the markers of this “universitary form of professionalization” that is built between ministerial prescription and actors' practices. It presents engineering of professionalization at work that refer to figures of professionality making debate.
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Transitions institutionnelles, tensions identitaires et rapport au travail chez les formateurs en travail social
Thérèse Perez-Roux, Aurélie Martin and Marie-Odile Perez
pp. 45–63
AbstractFR:
La contribution s’intéresse aux transitions institutionnelles dans la formation en travail social et aux effets de ces évolutions dans le rapport au travail des formateurs. Elle a pour objet de repérer les mouvements mais aussi les tensions, les difficultés, les transactions nécessaires pour (re) donner du sens à l’activité et construire de nouveaux repères professionnels entre travail prescrit, travail rêvé/idéalisé et réel du travail de formation. Des entretiens ont été conduits dans quatre établissements de formation d’une même région. L’analyse du corpus a permis de mettre à jour quelques grandes problématiques qui traversent le monde des formateurs en travail social, en prise avec les évolutions du secteur. Les résultats donnent à comprendre les remaniements identitaires et les formes d’implication des acteurs. Ils montrent la nécessite de « faire collectif », de retrouver des marges d’action et assurer sa mission de façon plus éclairée et mieux soutenue.
EN:
The contribution focuses on institutional transitions in social work training and the effects of these changes on the trainers' relationship to their work. It aims to identify the movements but also the tensions, the difficulties and the transactions necessary to give (back) a purpose to the activity and to build new professional references between prescribed work, dreamed/realized work and the reality of training work. Interviews were conducted in four training institutions in the same geographical region. This analysis revealed some of the major issues that cross the world of social work trainers, in the context of changes in the sector. The results help us to understand the changes in identity and the forms of involvement of the actors. They show the need to « work collectively », to regain some room for manoeuvre and to carry out one's mission in a more enlightened and in a better supported way.
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Qui fabrique les formations sociales ? À propos de la participation des étudiants
Sébastien Joffres
pp. 64–78
AbstractFR:
En amont des terrains professionnels, il est intéressant d’analyser la participation que les centres de formation laissent à leurs usagers – les étudiants – dans l’élaboration des dispositifs formatifs qu’ils investissent. Ce que les formateurs favorisent comme attitudes estudiantines est fondateur dans la transmission de l’habitus professionnel, ainsi nous faisons l’hypothèse que l’expérience d’une place en tant qu’étudiant construit le regard qui sera ensuite porté sur la possible participation des usagers. Pour analyser la participation estudiantine, nous suivrons le cheminement des évaluations qu’étudiants et formateurs font du dispositif dans leur prise en compte et dans leurs retombées pour l’avenir de la formation, à l’échelle d’un institut. Ainsi, nous montrerons que la fabrication des agencements formatifs revient aux formateurs. Dans le cadre d’une lecture foucaldienne en termes de pouvoir, les étudiants doivent toujours remettre leurs paroles et propositions aux formateurs qui, de manière discrétionnaire, décideront de l’avenir. La seule entité que l’étudiant peut produire, c’est lui‑même. Pour le reste, il n’a pas de participation réelle et directe à l’élaboration de ce qui le concerne.
EN:
It is interesting to analyze the participation students of social work college take in the elaboration of the training curriculum. What trainers promote as student attitudes is fundamental in the transmission of the professional habitus. So, we make the hypothesis that the experience of (non)part-taking as a student constructs the way they will take participation in professionalization issues and let a part to people they care for. To analyze the student's participation, we will follow the path of the evaluations that students and trainers make of the training apparatus in their consideration and in their repercussions for the future of the training, at the scale of a college. Thus, we will show that the making of formative arrangements is the responsibility of the trainers. In a Foucauldian reading in terms of power, students must hand over their words and proposals to the trainers who, in a discretionary way, will decide on the future. The only entity the student can produce is himself. He has no real and direct participation in the construction of what concerns him.
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La rhétorique du lien chez les étudiant·e·s en travail social ou quand le lien est « reliance » ?
Dominique Golay and Olivier Udressy
pp. 79–91
AbstractFR:
La réforme de la formation en travail social au niveau des hautes écoles spécialisées en Suisse romande tend à gommer les spécificités des métiers historiques du travail social. Elle soulève, par conséquent, la question d’une identité professionnelle non plus liée au métier mais à un champ caractérisé par son hétérogénéité. Sur la base de rapports de formation pratique et de témoignages d’étudiant·es issus de l’analyse des pratiques, nous proposons, dans cette contribution, d’analyser la portée rhétorique du lien dans la constitution d’une communauté de pratique et, par-là, d’une identité professionnelle rattachée à une appartenance au champ du travail social. Comment les discours sur le « lien » peuvent-ils faire « reliance » ?
EN:
The reform of social work training at the level of the universities of applied sciences in French-speaking Switzerland tends to erode the specificities of the historical social work professions. Therefore, it raises the question of a professional identity no longer linked to the profession but to a field characterized by its heterogeneity. On the basis of practical training reports and student testimonies from practice analysis, we propose, in this contribution, to analyze the rhetorical scope of “bonds” in the constitution of a community of practice and, thus, of a professional identity linked to a sense of belonging in social work as a professional field. How can the narratives on “bonds” create a « reliance » ?
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La collaboration entre éducateurs sociaux et infirmiers dans les structures résidentielles du handicap en Suisse romande : développements et enjeux pour le champ du travail social
Alida Gulfi, Valérie Perriard and Amélie Rossier
pp. 92–109
AbstractFR:
Le vieillissement des personnes en situation de handicap et l’évolution de leurs problématiques impliquent des besoins accrus en matière d’accompagnement et de soins. Dans les structures résidentielles du handicap, les éducateurs sociaux et les infirmiers sont de plus en plus amenés à travailler ensemble au sein d’équipes socio-éducatives. Basé sur les travaux de la sociologie des groupes professionnels et de la collaboration interprofessionnelle, cet article analyse la collaboration interprofessionnelle entre des éducateurs sociaux et des infirmiers dans les institutions du handicap en Suisse romande, ceci à partir des regards croisés des professionnels concernés et des directions. Les entretiens apportent un éclairage sur les processus de redéfinition des territoires d'intervention entre les professions d'éducateur social et d'infirmier, par la mise en évidence de deux logiques institutionnelles de division du travail qui se développent dans les structures consultées, distinction formelle et non-distinction, des enjeux qu'elles soulèvent, ainsi que de la manière dont les professionnels se les approprient. Les résultats mettent également en exergue une bonne collaboration entre les deux professions, les champs de tension qui apparaissent ainsi que les éléments qui l'influencent.
EN:
The ageing of people with disabilities and the evolution of their problems imply an increased need for support and care. In institutions for people with disabilities, social educators and nurses are called upon more and more to work together within socio-educational teams. Based on the perspective of sociology of professional groups and works on interprofessional collaboration, this article analyses the interprofessional collaboration between social educators and nurses in institutions for people with disabilities in French-speaking Switzerland, according to professionals concerned and employers. Interviews provide insight on the processes of redefining the areas of intervention between social educators and nurses, by pointing out two institutional modalities of division of labour in the consulted structures, formal distinction and no formal distinction, the issues they raise and how professionals make them their own. Results also highlight the good collaboration between these professions, the areas of tension and the influences on interdisciplinary collaboration.
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Témoignages de cadres
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Les éducateurs à l’épreuve de la clinique éducative : un témoignage sur l’évolution des compétences et des savoir-faire
Jean-Yves Boullet
pp. 117–126
AbstractFR:
Avec la perte d’influence de la psychothérapie institutionnelle et la montée en puissance du new management public, j’observe une remise en question de la clinique éducative au profit de démarche plus orientée vers la notion de performance. Cette évolution ne me semble pas pertinente au regard des enjeux portés par les professionnels et les publics qui demandent d’avantage semble-t-il de co-production ou de co-élaboration de la réponse sociale. Ces enjeux dépassent le clivage entre métier et profession et engagent la réflexion sur le sens de l’action et fondamentalement ce que l’on nomme la clinique éducative. Les résultats mettent également en exergue une bonne collaboration entre les deux professions, les champs de tension qui apparaissent ainsi que les éléments qui l’influencent.
EN:
With the loss of influence of institutional psychotherapy and the rise of new public management, I observe a questioning of the educational clinic in favor of an approach more oriented towards the notion of performance. This development does not seem to me to be relevant in view of the issues raised by professionals and the public who seem to be asking for more co-production or co-development of the social response. These issues go beyond the divide between trade and profession and engage reflection on the meaning of the action and fundamentally what is called the educational clinic.
Varia
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L’émergence des partenariats recherche-pratique en éducation : une recension des écrits
Raoul Kamga, Stéphane Allaire, Marie-Pierre Baron, Nadia Cody, Sandra Coulombe, Catherine Dumoulin, Loïc Pulido and Pascale Thériault
pp. 127–143
AbstractFR:
Dans le domaine de l’éducation, le partenariat recherche-pratique consiste en l’établissement d’une collaboration fréquente et à long terme entre des praticiens et des chercheurs autour d’objectifs conjointement définis. Le but de cet article est de présenter un état des connaissances sur la façon dont un tel partenariat émerge et se conçoit, à partir d’une recension d’articles publiés sur cette question entre 2010 et 2020. La recension a été articulée selon trois niveaux d’analyse : a) individuel ; b) collectif ; et c) administratif, gouvernance et communauté externe. Un des principaux constats mis en lumière concerne l’influence des éléments du niveau individuel, tel que la relation de confiance, sur certains éléments du niveau collectif, dont la composition et l’organisation des équipes de chercheurs et de praticiens. Il ressort de cette étude que la qualité de la relation de confiance entre les praticiens et les chercheurs peut influencer ou moduler les rôles que les uns et les autres joueront au sein de l’équipe, ainsi que leur engagement. Des pistes de recherche sont aussi présentées.
EN:
In the field of education, the research-practice partnership is the establishment of frequent and long-term collaboration between practitioners and researchers around jointly defined objectives. The purpose of this article is to present a state of knowledge on how such a partnership emerges and is conceived, based on a review of articles published on this issue between 2010 and 2020. This review was articulated according to three levels of analysis: a) individual; b) collective; and c) administrative, governance and external community. One of the main findings highlighted concerns the influence of elements of the individual level, such as trust, on certain elements of the collective level, including the composition and organization of teams of researchers and practitioners. This study shows that the quality of the relationship of trust between practitioners and researchers can influence or modulate the roles that both will play within the team, as well as their commitment. Research avenues are also presente.
Recensions
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Christophe Gremion et Cathal de Paor (Dir.). Processus et finalités de la professionnalisation. Comment évaluer la professionnalité émergente ? De Boeck, 2021, 314 pages, ISBN :978-2-8073-3264-5
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Camille Roelens, Manuel de l’autorité. La comprendre et s’en saisir, Chronique sociale, 2021, 116 pages, ISBN : 2367177775