L’interrogation sur le statut de la vérité fait l’objet d’intenses débats à la fin du Moyen Âge, qui traduisent différentes conceptions, qu’il s’agisse de vérités sur soi, sur le monde, ou encore de la Vérité révélée. Au travers de l’aveu de la vérité se pose la question de la relation particulière que l’individu entretient avec celle-ci : ce n’est pas tant la vérité en elle-même qui est interrogée que la constitution du sujet dans son rapport à cette vérité. Le problème est donc moins celui du statut de la vérité en tant que telle que celui de son expression discursive, c’est-à-dire du « vrai ». Se saisissant à nouveaux frais de la question classique de la vérité, Michel Foucault est conduit à revenir à la fois sur l’idée que celle-ci relèverait de la structure logique des propositions, comme cela était pensé depuis Aristote, ou qu’elle désignerait, selon une tradition d’origine thomiste, une adéquation de la pensée avec le réel. Rapportée à une pensée des discours qui sont avant tout des pratiques, existant au sein d’une culture et d’une histoire, la vérité dépend d’une extériorité qui la conditionne et la produit. Le problème se déplace ainsi d’une interrogation philosophique classique qui cherchait un dévoilement de « la » vérité, vers l’étude « des » régimes de vérité, c’est-à-dire des structures historiques ou des pratiques institutionnelles qui conditionnent le mode de production de la vérité pour un sujet inséré dans de multiples ordres discursifs, qu’ils soient politiques, éthiques ou épistémologiques. Il ne s’agit donc plus d’interroger le vrai en soi, mais la manière dont il se dit, les conditions de son énonciation au sein des dispositifs de pouvoir dans lesquels s’inscrit le sujet. Dans ce cadre, l’étude de l’évolution de la confession à la fin du Moyen Âge permet de comprendre les mutations des régimes de vérité et leur dépendance vis-à-vis des dispositifs de véridiction qui conditionnent, pour le sujet, les modes de production du « dire-vrai ». Cette évolution permet de voir comment le terme de confessio, qui signifie à la fois la confession et l’aveu, met en jeu tant un rapport du sujet face à lui-même qu’un rapport à autrui, qui vient progressivement recouvrir le premier. Ainsi nous verrons que la confessio chrétienne se produit tout d’abord selon un dispositif de véridiction mettant en jeu une double relation purement interne, dans laquelle le moi se trouve en rapport avec lui-même et avec Dieu et dans laquelle la question de la punition reste secondaire. Cependant, à partir de 1215, l’obligation de la confession entraîne la mise en place d’un second dispositif qui met l’accent sur la question de la pénitence. Ainsi, la confession, que nous entendrons comme une compréhension personnelle des fautes, se double d’un aveu, c’est-à-dire de l’exposition de ces fautes à un tiers en vue d’une punition. Si ce second dispositif de production de la vérité reste essentiellement dans un cadre éthique, les censures du xiiie siècle vont engendrer un troisième dispositif de production de la vérité, qui n’est plus cette fois une confession, mais un strict aveu, car les fautes n’y sont plus envisagées à partir de leur dimension morale, mais en fonction de leur dangerosité dans le champ socio-politique. L’enjeu de la production de vérité qui se manifeste dans les censures du xiiie siècle n’est donc alors plus une expression de l’intimité éthique du sujet, mais l’expression d’une volonté nouvelle, celle d’une discipline de la raison, discriminant ce qui est pensable et ce qui ne l’est pas. Le cours au Collège de France intitulé Du gouvernement des vivants (1979-1980) pose une question fondamentale, venant …
Produire la vérité : aveu et confession[Record]
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Didier Ottaviani
École Normale Supérieure de Lyon
IHRIM — UMR5317