Issu d’un travail de doctorat soutenu en 2015, Vivre et vivre encore de Marie-Michèle Blondin se propose d’étudier la notion de vie au sein de la philosophie de Schopenhauer. Cet ouvrage s’attache à montrer comment, au sein d’une telle métaphysique, la volonté explique et justifie le phénomène de la vie, mais aussi sa persistance et son affirmation à travers ce que M.-M. Blondin appelle le « vivre-encore ». En prenant comme point de départ une définition métaphysique de la vie fondée sur le concept schopenhauerien de « volonté de vivre », l’auteure arrive à articuler les différentes approches de la vie — biologique, philosophique, existentielle, voire métaphorique — mais engage surtout une remise en question de la solution que Schopenhauer lui-même propose au problème de l’existence à travers une critique du salut que constitue la négation de la volonté. Si ce dernier point est tout à fait cohérent avec l’ensemble de l’ouvrage, il ne manque pas néanmoins de poser certains problèmes. Avec raison, M.-M. Blondin commence par un constat simple : l’attention quasi exclusive portée par les commentateurs à la question de la souffrance a fini par faire écran à une réflexion complète sur la vie. Il s’agit donc pour elle d’engager son étude en saisissant la vie à partir du sentiment de vie et de rendre ainsi plus compréhensible l’attachement presque viscéral de chacun à son existence, et cela malgré la souffrance. La vie et le vivre-encore ne résulteraient pas d’un choix, mais de la nature même de notre propre essence. « L’hypothèse défendue est que le phénomène de la vie contient toutes les raisons pour vivre et vivre encore » (p. 26) ; il s’agira alors d’explorer au maximum cette hypothèse en étudiant successivement quatre aspects de la vie : sa définition, son sentiment, sa connaissance et sa persistance. Pour ce faire, l’ouvrage procède de façon progressive en explicitant dans les chapitres I et II la définition de la vie chez Schopenhauer, puis en évoquant au chapitre III la question du sentiment afin d’entrer au coeur des difficultés en travaillant le double sens de l’affirmation de la volonté au chapitre IV, et la question de la négation de la volonté comme antinature au chapitre V, avant de conclure au chapitre VI par une tentative de dépasser la voie tracée par Schopenhauer en montrant comment la vie peut être moins douloureuse que le philosophe ne le prétend. Le chapitre premier s’ouvre sur la difficulté classique qu’il y a à définir le vivant et montre comment Schopenhauer arrive à surmonter celle-ci en accédant à une connaissance immédiate et intime de soi qui conduit le philosophe à identifier sa propre essence à la volonté. « La vie définie comme “manifestation de la volonté” doit être considérée comme la définition métaphysique de la vie chez Schopenhauer » (p. 37). La genèse de cette idée tient tout d’abord au constat que la vie n’est que souffrance et misère. Mais Schopenhauer envisage aussi la vie d’un point de vue biologique et athée, ce qui l’amène à croiser les physiologistes français ainsi que la pensée de Goethe, qui a un impact considérable sur le développement de la sienne, mais aussi celle de Schelling, même si Schopenhauer cherche toujours à atténuer son influence. L’enjeu décisif de ce chapitre est de montrer que si la vie se définit comme volonté, la réciproque n’est pas pour autant valable. Le paragraphe 54 du Monde, central pour cette étude, souligne bien que « ce que veut la volonté est toujours la vie », mais cela ne signifie pas pour autant que la première se réduit à la seconde. Il …
Marie-Michèle Blondin, Vivre et vivre encore : la notion de vie chez Arthur Schopenhauer, Hildesheim, Georg Olms, coll. Europaea Memoria, 2019, 278 pages[Record]
…more information
Ugo Batini
Université de Poitiers