Disputatio

Réponses à mes critiques[Record]

  • Claude Panaccio

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La thèse que Jimmy Plourde m’attribue et qu’il entend discuter est que « l’histoire de la philosophie a une réelle pertinence philosophique » (les italiques sont de lui), ce qu’il appelle la TPPHP. Cela, d’entrée de jeu, demande à être nuancé. Je n’ai pas cherché à défendre cette thèse à proprement parler. Je l’ai présupposée et j’ai cherché à dégager les conditions de possibilité de cette pertinence. La pratique de la philosophie aujourd’hui dans les espaces professionnels où elle s’inscrit — les programmes universitaires, les revues, les congrès ou les colloques — admet en général, surtout dans le monde francophone, qu’il soit approprié d’y accorder une place importante à l’étude des penseurs du passé et à se situer sur bien des points par rapport à leurs conceptions, leurs doctrines et leurs arguments. On peut se demander dès lors ce que cela suppose au juste. C’est la voie que j’ai voulu suivre. Mais il est vrai qu’en mettant au jour ces conditions de possibilité, en montrant qu’elles sont présupposées — en grande partie du moins — par n’importe quel travail historique en philosophie, ma démarche suggère que ces conditions ont toutes les chances dans bien des cas d’être effectivement réalisées. Il en découle, comme je l’écris dans le livre, que « rien ne s’oppose en principe à ce que les oeuvres philosophiques du passé soient pertinentes pour les discussions philosophiques d’aujourd’hui » (p. 125). C’est là une formulation modérée, qui ne pose que la possibilité d’une pertinence philosophique des oeuvres du passé. Elle n’implique pas en particulier qu’il soit indispensable à toute bonne pratique philosophique de recourir à l’histoire de la discipline. Certains philosophes ne l’ont pas fait, ou très peu, et ont produit des oeuvres de premier plan. Je pense à Quine, à Davidson ou à Kripke. Et je ne veux pas soutenir non plus que tout soit philosophiquement pertinent dans le passé de la philosophie. Il y a des écrits anciens qui n’ont probablement pas grand intérêt sur ce plan-là. Sans doute ces oeuvres sont-elles révélatrices d’une époque ou d’un milieu, mais on peut leur trouver beaucoup d’intérêt historique sans qu’elles soient pour autant philosophiquement très inspirantes. Jimmy Plourde comprend bien ces nuances, me semble-t-il. Mais il trouve encore trop forte la version que j’endosse de la TPPHP. Non qu’il refuse tout intérêt philosophique à l’histoire de la philosophie, mais il pense que j’en surestime l’importance et m’adresse à cet égard deux objections. La première repose sur ceci que certaines thèses formulées dans le passé peuvent être aujourd’hui communément admises. L’histoire de la philosophie dans ce cas n’aurait guère de pertinence spéciale pour leur discussion proprement philosophique. N’appartiennent au passé de la discipline, dit Plourde, que les thèses aujourd’hui oubliées ou écartées. À quoi un premier élément de réponse est que, dans ma façon de voir, ce ne sont pas à strictement parler des thèses qui appartiennent au passé de la philosophie, mais des événements d’énonciation, ainsi que le propose le premier chapitre de Récit et reconstruction. Même si elle a été soutenue dans un passé lointain, la discussion d’une thèse philosophique quelconque — qu’elle soit aujourd’hui généralement tenue pour vraie, pour fausse ou pour douteuse d’ailleurs — ne relève pas ipso facto de l’histoire de la philosophie ; je m’accorde entièrement avec Plourde sur ce point. Pour qu’il y ait une composante historique au travail d’un chercheur d’aujourd’hui, il doit faire référence à des actes d’énonciation passés. Comme Plourde le rappelle, j’ai adopté dans le livre un critère commode pour le choix de mes exemples (et uniquement à cette fin, soit dit en passant) : on fait …

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