Comptes rendus

Vincent Citot, dir., Problèmes épistémologiques en histoire de la philosophie, Montréal, Liber, 2017, 398 pages[Record]

  • Ophélie Desmons

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  • Ophélie Desmons
    ESPE de Paris, Université Paris-Sorbonne

Pourquoi faire de l’histoire de la philosophie ? Et comment faire de l’histoire de la philosophie ? Telles sont les questions fondamentales qui se posent dans le champ de l’épistémologie de l’histoire de la philosophie. Le premier mérite de l’ouvrage dirigé par Vincent Citot est de placer ces questions au centre du débat. L’ouvrage comble ainsi un vide notable. Il y a en effet quelque chose d’étonnant dans le fait que ces questions soient assez rarement abordées dans les premières années du cursus universitaire alors que l’histoire de la philosophie y occupe une place importante. Tandis que ces questions font la plupart du temps l’objet d’un enseignement spécifique chez les historiens et les sociologues, un étudiant en philosophie peut, sans doute jusqu’au doctorat, tout ignorer des problèmes et des débats méthodologiques et épistémologiques de l’histoire de la philosophie. L’ouvrage rassemble plus d’une quinzaine de contributions, organisées en quatre sections thématiques. Les différentes contributions sont marquées par une hétérogénéité de style et de tradition. Certaines relèvent de la tradition française, tandis que d’autres sont de style plus analytique. Les contributions ne convergent pas non plus vers la défense d’une seule et même thèse. Mais plutôt qu’un défaut, il s’agit là d’un autre mérite de cet ouvrage, qui offre un panorama de différentes positions en épistémologie de l’histoire de la philosophie, sans d’ailleurs prétendre à l’exhaustivité. Je passerai ci-après en revue les trois sections thématiques essentielles de l’ouvrage, la quatrième étant consacrée à des champs plus spécifiques (esthétique, histoire des sciences et pensée politique). La première section, justement intitulée « philosophie, histoire, sociologie » regroupe des contributions dont le point commun est de s’intéresser, d’une façon ou d’une autre, à la question de scientificité de l’histoire de la philosophie. François Dosse aborde cette question par le prisme de l’historiographie de ces disciplines que sont l’histoire et la philosophie. Il part du constat d’un fossé entre historiens et philosophes, et se propose d’en rechercher les fondements institutionnels et théoriques. Dosse rappelle d’abord qu’au xixe siècle, lorsque des historiens français comme Gabriel Monod, Charles-Victor Langlois ou Charles Seignobos se sont donné pour objectif de faire de l’histoire une discipline scientifique, ils ont considéré qu’il leur fallait se détourner de la philosophie. Dire ce qui s’était passé supposait que l’on rompe avec toute philosophie de l’histoire, que l’on se déprenne de l’esprit de système et de la tendance à la généralisation. Dosse évoque également le mariage solide entre historiens et géographes, mariage qui s’est conclu dès le xixe siècle, qui s’est poursuivi au xxe siècle avec l’école des Annales et la géo-histoire de Fernand Braudel, et qui a contribué à mettre les philosophes à l’écart. Il estime également que le concept de mentalité, devenu central dans les années soixante, n’a en rien contribué à rapprocher les historiens et les philosophes, dans la mesure où ce concept accordait une prévalence à la psychologie collective plutôt qu’à des pensées émanant d’individus singuliers. L’auteur considère finalement que des reconfigurations récentes semblent plus favorables à un dialogue entre historiens et philosophes. Y participent selon lui le paradigme herméneutique de Paul Ricoeur, l’approche mémorielle de Pierre Nora qui ne vise pas le passé tel qu’il s’est passé mais ses réemplois ou encore l’histoire des intellectuels de Sirinelli qui redonne de l’importance aux individus. Vincent Citot affronte quant à lui de façon plus conceptuelle la question de savoir à quelle condition l’histoire de la philosophie pourrait devenir une « science rigoureuse » : « pourquoi donc — écrit-il — l’histoire de la philosophie n’est-elle pas, aujourd’hui, une science humaine comme les autres, avec ses hypothèses explicatives, ses modèles …

Appendices