Les droits humains ont suscité beaucoup d’intérêt au cours des dernières années, aussi bien en philosophie morale qu’en philosophie politique. Les questions abordées à ce propos, pour n’en nommer que quelques-unes, vont de celle de savoir quelle est la définition précise de ces droits, ou ce qui en constitue le fondement intellectuel ou culturel, à celle de savoir comment on doit penser le rapport qui existe entre les droits moraux et les droits légaux. Les philosophes qui s’intéressent aux droits humains s’efforcent ainsi d’en saisir la nature, l’ampleur, le contenu, mais aussi et surtout d’établir les conditions nécessaires — sociales aussi bien qu’individuelles — sous lesquelles, seulement, ceux-ci peuvent jouer le rôle qui leur est assigné, à savoir de protéger les droits qui nous reviennent en tant qu’être humain, et ainsi d’assurer la satisfaction de nos besoins les plus fondamentaux. Telles sont les lignes directrices autour desquelles s’organisent les textes rassemblés dans ce volume dédié à la question des droits humains et aux nouveaux développements que la discussion a connus à ce sujet dans le contexte de ce que l’on appelle les droits de « troisième génération » comme celui à l’auto-détermination culturelle de groupes minoritaires. La nécessité de préciser en quoi consistent les droits humains (quel en est le contenu), ainsi que d’où ils viennent et à qui ils s’adressent, est au coeur de deux articles en particulier. Dans son article intitulé « Droits humains et minorités culturelles », Catala se demande s’il y a réellement un conflit entre d’une part les droits humains, censés dériver directement de valeurs considérées comme universelles, et d’autre part les droits revendiqués par certaines minorités culturelles, qui pourraient pour leur part sembler renvoyer à des demandes de protections particulières. Une telle dichotomie, si on l’accepte, pose un problème plus épineux encore en laissant entendre qu’il existe un conflit entre les normes sur lesquelles s’établissent les droits humains, et leur possible application ou implémentation concrètes dans le domaine politique. Cependant, comme le remarque Catala, il serait plus judicieux (et plus adéquat), dans le cadre de la discussion concernant les droits humains, d’établir une distinction entre d’une part les droits humains en tant que normes valables dans la sphère internationale, et d’autre part « les différentes justifications pouvant soutenir ces normes de conduite ». Une distinction similaire est proposée par Gilabert, à l’occasion de sa discussion concernant les différentes perspectives que l’on peut adopter sur les droits humains. Tout comme Catala avant lui, Gilabert traite de la question de la source et de la nature des droits humains en séparant deux perspectives différentes et souvent opposées : la perspective dite « humaniste », et la perspective dite « politique ». Selon la perspective humaniste, les droits humains sont censés protéger les intérêts fondamentaux de chaque individu à travers le globe, sans aucun égard pour sa nationalité, son appartenance culturelle ou son lieu d’existence. Nous pouvons voir s’exprimer ici la nature « universelle » ordinairement reconnue aux droits humains. Dans cette première perspective, la responsabilité de défendre et protéger ces droits incomberait à tous les membres de la communauté humaine. Par contraste, selon la perspective politique, les droits humains sont nécessairement de nature politique : leur revendication et leur mise en oeuvre dépendraient alors de l’État, à qui reviendrait la tâche de s’en soucier et d’en assurer la protection. Plusieurs des contributeurs de ce volume adoptent la perspective humaniste dans leurs réflexions et analyses concernant les droits humains. Une première piste nous est offerte par Shue à l’occasion de sa discussion concernant les droits humains dans le contexte du changement climatique. On y retrouve l’interprétation humaniste …
Introduction[Record]
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Christine Straehle
Université d’Ottawa
christine.straehle@uottawa.ca