Comptes rendus

Jacqueline Mowbray. Linguistic Justice : International Law and Language Policy, Oxford University Press, Oxford, 2012, 227 p.Philippe Van Parijs. Linguistic Justice for Europe and for the World, Oxford University Press, Oxford, 2011, 299 p.[Record]

  • David Robichaud

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  • David Robichaud
    Université d’Ottawa

Le débat portant sur la justice linguistique est une extension récente de la recherche portant sur l’application des théories de la justice dans les contextes de diversité culturelle. Si quelques propositions normatives dans le domaine des politiques linguistiques ont été mises de l’avant dans les années 1990, il nous aura fallu attendre vingt ans avant que soient offertes des tentatives de formulation de théories normatives générales visant à identifier les principes de justice qui devraient orienter les politiques linguistiques et organiser les institutions chargées de gérer la diversité linguistique, ou ayant un effet sur cette diversité. Je propose ici la recension de deux ouvrages importants publiés à quelques mois d’intervalle. Le premier à avoir été publié est l’oeuvre du philosophe politique Philippe Van Parijs, Linguistic Justice for Europe and for the World, dans lequel il reprend les arguments articulés et développés dans plusieurs articles. Il y propose une version complète et cohérente de ses arguments et ajoute un élément jusque là largement ignoré par lui : la reconnaissance de l’aspect identitaire associé aux langages. Le second ouvrage est celui de la juriste Jacqueline Mowbray, intitulé Linguistic Justice : International Law and Language Policy. Dans cet ouvrage, l’auteure propose une évaluation critique du droit international en matière linguistique. Elle y évalue autant les institutions chargées explicitement de protéger ou de promouvoir la diversité linguistique que les autres outils juridiques ayant un effet sur la diversité linguistique. Les deux auteurs abordent la question de la justice linguistique à partir d’angles distincts mais complémentaires. Mowbray aborde la question de la justice linguistique à partir d’une analyse des relations de pouvoir, des structures sociales désavantageant systématiquement les locuteurs minoritaires. Ces désavantages font que les locuteurs minoritaires souffrent d’un déficit de capital en matière linguistique, mais aussi en matière économique, politique, symbolique, culturel et d’éducation. L’objectif du livre est de produire une analyse critique du droit international (et du travail de diverses institutions juridiques) comme instrument de la justice linguistique dans les domaines pertinents. Chaque chapitre débute par l’identification de certains désavantages dont souffrent les minorités linguistiques dans cinq domaines : l’éducation, les médias et la culture, le travail, les relations avec l’État, et la participation dans la vie publique. L’auteure s’affaire par la suite à analyser l’influence du droit international sur la situation des minorités linguistiques et tente de déterminer si et comment le droit international contribue à réduire le désavantage dont souffrent les minorités. Elle termine en proposant des pistes d’amélioration visant à faire que le droit international contribue davantage à atteindre la justice linguistique. La conclusion à laquelle Mowbray arrive est que le droit international ne contribue pas autant qu’il le pourrait à la justice linguistique, et que dans certains cas il contribue même à maintenir des structures sociales qui désavantagent les minorités linguistiques et les maintiennent dans une situation de domination systématique. La méthodologie employée est empruntée à Pierre Bourdieu. Mowbray démontre que les minorités linguistiques souffrent de désavantages systématiques et complexes dans plusieurs domaines de leur vie sociale. Ces désavantages sont amplifiés par des structures dans les interactions sociales qui contribuent à la domination, l’aliénation et la création d’injustices au détriment des minorités. L’internalisation d’habitus offre une vision biaisée de nos interactions sociales et contribue à légitimer une distribution inégale du capital en faveur des membres de la majorité dans divers champs. Dans le champ linguistique, le fait de parler la langue, d’avoir un accent et un niveau de langage relevant du statut le plus élevé confère des avantages dans la distribution de capital linguistique. On trouvera cela objectivement préférable à une autre une forme linguistique relevant …

Appendices