Comptes rendus

Jason Brennan, Why Not Capitalism ?, New York, Routledge, 2014, 114 p.[Record]

  • François Claveau

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  • François Claveau
    Université de Montréal

Dans une société peuplée d’agents aux motivations moralement parfaites, un mode d’organisation anarcho-capitaliste serait préférable au socialisme. C’est cette thèse que Jason Brennan veut démontrer dans sa plaquette intitulée Why Not Capitalism ? Il la reformule de diverses façons : le capitalisme est en soi moralement bon (p. 20), et la meilleure société possible est une société capitaliste (p. 21). Un gros programme pour un texte qui court sur 99 petites pages ; il va de soi que le lecteur qui n’était pas déjà convaincu reste sur sa faim. Brennan a comme cible le philosophe marxiste G. A. Cohen, et principalement sa propre plaquette de 2009 portant le titre Why Not Socialism ? Dans ce livre, Cohen voulait nous convaincre de la désidérabilité du socialisme vis-à-vis du capitalisme tout en demeurant agnostique quant à sa faisabilité. Brennan nous dit que Cohen a tout faux : même dans les conditions les plus favorables, le système le plus désirable est capitaliste. Brennan procède en deux temps. D’abord, il soutient que l’argument de Cohen pour la désidérabilité du socialisme est fallacieux (p. 47-69) : il serait basé sur une comparaison entre une situation socialiste où les agents sont parfaits et une situation capitaliste où ils seraient vils. Ensuite, il propose de réparer la structure argumentative de Cohen en comparant les deux systèmes avec des agents parfaits. Il soutient alors que le système organisé sur des bases anarcho-capitalistes sort clairement vainqueur (p. 77-99). Ici, je reprends les deux étapes en montrant quelques éléments insatisfaisants dans le traitement de Brennan. Je termine en identifiant une différence majeure entre Cohen et Brennan qui condamne leur débat à être un dialogue de sourds : ils ont des conceptions différentes de ce qu’est la perfection morale. Pas étonnant qu’ils arrivent à des conclusions différentes sur le mode d’organisation préférable dans une société avec des agents moralement parfaits ! Un point terminologique s’impose avant tout : qu’entend-on par la distinction entre capitalisme et socialisme ? Le coeur de leur distinction, en tant que termes référant à des modes d’organisation économique, tient aux types de propriété des moyens de production : dans un système capitaliste les moyens de production peuvent être détenus par un individu, tandis qu’ils sont propriété collective dans un système socialiste. La distinction ne s’arrête toutefois pas là, chacun des auteurs ajoutant des caractéristiques qui ne se déduisent pas de la distinction entre deux types de propriété des moyens de production. Brennan et Cohen mettent surtout l’accent sur le marché comme outil d’allocation des ressources dans un système capitaliste : les agents peuvent céder leurs droits de propriété sur certaines ressources en échange de droits de propriété sur d’autres ressources. Cohen semble être d’avis que, bien que certains auteurs proposent des socialismes de marché, une organisation authentiquement socialiste ferait l’économie de tout système de marché, puisque tout marché est, selon lui, « a system of predation ». Nous avons donc, d’un côté, Brennan qui défend une production économique basée sur la propriété privée des moyens de production, et une allocation des ressources basée sur un système de marché. De l’autre côté, nous avons Cohen qui souhaite un monde sans propriété privée des moyens de production et un système d’allocation centré sur le besoin, où un agent sert un autre agent parce que ce dernier en a besoin, et non pour en tirer un bénéfice monétaire. L’argument de Cohen pour la désidérabilité du socialisme est d’une simplicité désarmante, mais Brennan nous met en garde : cet argument serait fallacieux. Cohen nous invite à considérer comment nous nous organisons lors d’un …

Appendices