Disputatio

D’une définition herméneutique de la métaphysique[Record]

  • François Jaran

…more information

L’ouvrage de Jean Grondin, Du sens des choses. L’idée de la métaphysique, cherche à souligner le caractère éminemment métaphysique de la pensée herméneutique dans ce que l’on peut considérer comme une apologie du trait métaphysique de toute la pensée philosophique. Il s’agit donc pour l’auteur de défendre, dans un premier temps, l’intérêt actuel pour la pensée métaphysique qui a été malmenée par quelques décennies de dépassements et de déconstructions. Bien que la « renaissance » actuelle de la métaphysique — qui se généralise même là où l’on devrait le moins s’y attendre, dans la tradition analytique — semble présager des temps plus cléments pour la science de l’étant en tant qu’étant, cela reste encore un enjeu philosophique d’importance que de démontrer la légitimité philosophique de la « reine des sciences ». Dans un deuxième temps, il s’agit aussi de montrer que la métaphysique est une pensée éminemment herméneutique. Bien que ce lien « naturel » ait plutôt été décrié (Rorty, Vattimo) qu’encensé, c’est bien l’intention de l’auteur que de montrer que l’herméneutique n’est pas une critique de la métaphysique mais bien sa plus récente refondation ; mais aussi et surtout que la métaphysique ne peut se faire sans herméneutique. Afin d’élucider cette thèse — plutôt forte même si l’auteur la présente comme une évidence —, nous proposons de nous enquérir à même l’ouvrage de Jean Grondin de ce qu’est la métaphysique. Nous connaissons déjà les réponses traditionnelles (d’Aristote à Heidegger) à la question Qu’est-ce que la métaphysique ? mais nous aimerions chercher quelle définition, quelle intelligence de la métaphysique émerge d’une lecture attentive de l’ouvrage. Le problème ici évoqué rappelle celui de la pluralité de la métaphysique dont parle Jean Grondin dans la première de ses leçons (p. 3-4). Est-il légitime en effet de parler de La métaphysique, c’est-à-dire d’une tradition unique qui se serait vouée aux questions que l’on dit métaphysiques ? Y a-t-il suffisamment de ressemblances entre Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Descartes, Kant et Heidegger pour affirmer que chacun d’eux s’est consacré à la métaphysique ? La tentation est grande aujourd’hui de répondre par la négative : ce qu’entendraient tous ces penseurs par métaphysique se ressemble si peu que c’est une illusion (claironnée par Heidegger) que de parler de La métaphysique. Pourtant, la facilité avec laquelle on reconnaît les métaphysiciens ne trompe pas : la métaphysique est sans doute difficile à définir, mais elle est bien une façon reconnaissable de questionner. On ne la confond jamais avec la gastronomie ou l’art équestre, par exemple, et on sait d’elle qu’elle prétend dire ce qu’il en est des questions humaines dernières — « dernières » signifiant ici du même coup « les plus générales » et « les plus élevées ». Ici, c’est comme l’effort inévitable de comprendre la transcendance derrière l’immanence que Jean Grondin cherchera à définir la métaphysique. Le thème qui nous intéresse est traité de façon explicite aux deux derniers chapitres, dans la sixième leçon et l’épilogue, mais hante l’ouvrage au complet. Car, dès la première page, la question du sens à donner à l’expression « métaphysique » fait surface lorsque l’auteur annonce qu’il s’efforcera de la présenter « comme une écoute du sens des choses » (p. v). Le mot chose va évidemment toujours de pair avec la métaphysique, mais cela est moins vrai du mot sens, et sans doute encore moins du mot écoute. Le trait passif, serein, de l’écoute contraste bien sûr avec le caractère supposément violent, dominateur que l’on a longtemps cherché à associer à cette pensée qui, selon Heidegger, est si éloignée de la sérénité, …

Appendices