L’intuition selon laquelle la vérité dépend de la réalité est une intuition puissante et tenace. Les questions surgissent cependant dès qu’on cherche à préciser les modalités de cette relation. En métaphysique contemporaine, les discussions sur ce thème se sont plus particulièrement centrées sur la notion de vérifaction depuis un certain nombre d’années déjà. Les vérifactionnistes — David Armstrong en tête — entendent préserver l’intuition à la base de la conception correspondantiste de la vérité tout en évitant les écueils de cette dernière, notamment en ne s’encombrant pas du « dogme de la correspondance terme à terme » (voir Armstrong 2004c, p. 105). Ils soutiennent que la vérité d’un vériporteur (c’est-à-dire d’un énoncé ou, comme on l’admet plus généralement, d’une proposition) doit être nécessitée par l’existence d’au moins une entité dans le monde. La relation de vérifaction est ainsi conçue, dans sa version orthodoxe, comme une relation existentielle interne, dans laquelle l’existence d’un vériporteur et celle de son ou ses vérifacteurs suffisent pour que ledit vériporteur soit vrai. En retour, la qualité de vérifacteur conférée à une entité constitue selon les vérifactionnistes une bonne raison d’admettre celle-ci dans notre ontologie. Répondre à la « question de la vérification » reviendrait donc à se prononcer sur l’ameublement du monde : En ce sens, la théorie de la vérifaction se pose en rivale du critère quinien de l’engagement ontologique limité aux référents des seules expressions en position de sujet. Mais, rétorquent les critiques du vérifactionnisme, que quelque chose dans le monde « rende vraie » une vérité signifie-t-il obligatoirement qu’il s’agisse de quelque chose ? Car même s’il y a pour toute vérité un vérifacteur, « il ne s’ensuit pas que le vérifacteur en question existe » (Daly, 2005, p. 86, l’italique est de moi). Il peut s’agir d’entités meinongiennes (voir ibid.) ; ou encore, la vérité peut dépendre, non de l’existence des choses, mais de la manière dont sont les choses (non pas « whether things are », mais « how things are »). Sans compter que la version maximaliste du principe de vérifaction, qui prétend étendre ledit principe à toutes les vérités, y compris les vérités nécessaires, générales et négatives, risque de conduire à l’admission d’entités fort baroques, telles que les faits négatifs ou disjonctifs. Une stratégie a été d’abandonner le maximalisme. Il demeure que les vérifactionnistes doivent au minimum fournir des vérifacteurs pour les propositions atomiques vraies de manière contingente. Et cette stratégie ne satisfera pas ceux qui s’opposent à l’admission des faits tout court (des faits positifs), des états de choses, ou même des tropes, dans l’ontologie, parce qu’ils les considèrent de toute façon comme des entités superflues, produits de réifications indues. On pourrait même soutenir qu’une telle stratégie (celle de restreindre la portée du principe de vérifaction) revient en fait à fournir des munitions aux opposants de ce principe : si celui-ci ne doit pas s’appliquer à certaines vérités, telles les vérités négatives, pourquoi devrait-il valoir pour les vérités positives ? « Par conséquent, ou bien le maximalisme est vrai, ou bien nous devons abandonner la théorie de la vérifaction dans son ensemble » (Cameron, 2010, p. 412). L’autre problème majeur est celui de la nature de la relation de vérifaction en tant que telle : qu’est-ce au juste que cette relation de nécessitation ? Comprise comme une implication classique, elle entraîne des conséquences qui trivialisent à outrance le principe en question (voir les critiques de Restall, 1996, sur lesquelles je reviendrai). D’ailleurs, la relation de vérifaction étant transcatégorielle, l’analyse en termes d’implication serait incorrecte à proprement parler (voir Armstrong, 2004d, p. 130, et Armstrong, …
Appendices
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