À la lumière des critiques émises par Daniel Becquemont, Barbara Continenza et Michel Morange, la discussion qui suit s’organise autour des axes principaux suivants : 1) la fondation du darwinisme dans ses rapports avec la physique newtonienne ; 2) la nature de l’entité de recherche darwinienne ; et 3) les rapports du darwinisme avec la révolution transformiste universelle. Du fait que l’une des thèses principales de l’ouvrage interpelle explicitememt la notion kuhnienne de stage disciplinaire « pré-paradigmatique », l’ensemble de cette réflexion comporte pour toile de fond l’épistémologie historique. La question de l’ancrage épistémologique des travaux de Charles Darwin a mobilisé par le passé beaucoup d’attention. Daniel Becquemont revient sur l’ensemble de cette problématique par le biais des rapports que le fondateur du darwinisme entretient à l’endroit de la révolution scientifique et des disciplines physiques. Celui-ci est concerné par la difficulté à établir la véritable place de Darwin dans l’historiographie à la suite d’interprétations divergentes. Pour ma part, j’avance que ces divergences de points de vue sont plus superficielles qu’il n’y paraît, permettant ainsi de contourner cet obstacle. De nombreux travaux portant sur les écrits de Charles Darwin ont mis en lumière ses choix épistémologiques, notamment les prescriptions méthodologiques auxquelles il tentait de s’astreindre afin d’élaborer la meilleure des sciences qui puisse se faire selon les canons de la science victorienne. Comme le relève justement Daniel Becquemont, les commentateurs modernes ne sont pas tous en parfait accord quant aux véritables réalisations épistémologiques de Darwin : À mon sens, cette apparente opposition dans l’interprétation des réalisations darwiniennes n’entame aucunement ma thèse selon laquelle Darwin et ses quelques véritables successeurs dont Simpson et Mayr se positionnent en prolongement de la révolution scientifique. Cette opposition, me semble-t-il, dissimule une unité plus fondamentale. Certes, certains choix issus de la phase initiale de la révolution scientifique lors des xviie et xviiie siècles, dont l’universalisme des lois, le réductionnisme physicaliste et le déterminisme étaient tout à fait inadaptés à la réalité « historique » et « contingente » de la biologie de l’évolution, une spécificité que Darwin a non seulement su reconnaître mais mettre en oeuvre mieux que quiconque avant lui. Mais cela ne fait pas de Darwin et de ses émules des penseurs s’inscrivant à l’extérieur de cette tradition épistémologique puisque la révolution scientifique portait en son sein des choix ou des potentialités conceptuelles suffisamment « neutres » pouvant s’appliquer avec profit à la biologie de l’évolution. J’insisterai sur trois de ces choix uniquement : On le voit, la théorie darwinienne puisera dans la révolution scientifique des enseignements épistémologiques dont l’utilisation sera véritablement constitutive. Seulement, il sera nécessaire pour Darwin d’en élargir les applications en souscrivant davantage à l’esprit qu’à la lettre de cette révolution. La proximité décrite plus haut entre la physique et l’évolutionnisme de Charles Darwin pousse Daniel Becquemont à s’interroger sur la nature réelle de l’utilisation faite de ce rapprochement dans mon ouvrage : D’abord, comme nous l’avons vu, la théorie darwinienne est véritablement constitutive des prescriptions épistémologiques émanant de la Synthèse newtonienne. Loin d’être le fait de Darwin seul, l’idée de l’érection d’une véritable synthèse en biologie de l’évolution à l’image de la Synthèse newtonienne est reprise dans les années 1930 et 1940, d’où l’appellation de « synthèse moderne de l’évolution » pour la qualifier. Sur le plan structurel comme sur le plan étiologique, les deux synthèses se présentent de la même manière : la théorie de la gravitation et la théorie de la sélection naturelle constituent un noyau explicatif rendant compte d’une foule de manifestations phénoménologiques, qu’il s’agisse de la révolution des planètes, des cycles des marées ou …
Appendices
Bibliographie
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