Comptes rendus

Isabelle Thomas-Fogiel, Le concept et le lieu. Figures de la relation entre art et philosophie, Paris, Cerf, « La nuit surveillée », 2008, 377 p.[Record]

  • Suzanne Foisy

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  • Suzanne Foisy
    Université du Québec à Trois-Rivières

L’auteure de ces pages a fait paraître aux éditions du Cerf des traductions de Cassirer et de Fichte (2005-2006) et chez Vrin, Présentation de la doctrine de la science (1999), Critique de la représentation (2000), Fichte, réflexion et argumentation (2004), Référence et auroréférence (2006). Professeure agrégée de philosophie à l’Université d’Ottawa, Isabelle Thomas-Fogiel occupait tout récemment (2007-2009) la chaire d’études de la France contemporaine au Cérium de l’Université de Montréal. Au premier coup d’oeil, son ouvrage semble s’ancrer dans la problématique du statut philosophique de l’esthétique (M. Devereaux). Au milieu des années 90 et sur un autre continent, R. Rochlitz avait distingué, dans ses discussions avec J.-M. Schaeffer, entre esthétique philosophique, histoire de l’art et critique d’art. Mais l’esthétique ne se confond pas avec la philosophie de l’art et n’épuise pas non plus le champ théorique, ajoutait de son côté A. Cauquelin, tandis que D. Chateau envisageait de plein front les questions territoriales. Dans sa rétrospective des idées esthétiques, M. Seel avait évoqué auparavant deux tendances : la « surenchère » et la « conception privative » des oeuvres d’art. L’auteure prétend, pour sa part, ne faire ni philosophie de l’art ni verser dans les définitions, et avoue plutôt s’interroger sur les spécificités et dialectiques en se concentrant sur la relation entre art et philosophie, laquelle présente diverses figures, dont l’exclusion et l’inclusion. Le livre veut aborder cette relation comme une « liaison sans dissolution » (page 13). Certains des textes sont des communications de colloque ou des séminaires élaborés dans la mouvance du groupe de recherches le Cicada (B. Rougé). Il faut se placer, pour bien saisir son approche, dans le décentrement de regards fixé par les hétérotopies foucaldiennes, autrement dit sous des perspectives plus spatiales que temporelles, plus geschichtlich que historisch, — pourrions-nous dire —, perspectives où s’esquissent des « fertilisations croisées » (p. 21 et ailleurs). Voilà le « lieu » dont il est question dans le titre. Dans l’introduction, Mme Thomas-Fogiel définit cette relation d’annexion en deux figures, dont la première est celle de « l’art comme philosophie inaccomplie », et la deuxième, celle d’un rabattement de la philosophie sur l’art (le romantisme allemand, Nietzsche, Heidegger, Rorty, Lyotard, Blanchot, Valéry), figures que Schaeffer aurait confondues sous le verdict de « théorie spéculative de l’art » (1991). Elle propose pour sa part une « expérience de pensée » qui évitera d’aborder cette relation en termes de fusion. Le premier chapitre de la première partie (« Les mises en relation illusoires ») aborde le passage de la synthèse dialectique aux ressemblances de famille. Cette transition permet d’apercevoir des zones de contact entre les deux domaines, au détriment d’une réduction à l’identité. L’auteure pose d’emblée une question importante : son entreprise permettra-t-elle de « dévoiler quelque chose que nous ignorions au départ » (p. 34) ? Alternative à ces approches décevantes (annexion, opposition, subordination, sursomption, classification) comme mise en relation entre disciplines, la spatialisation comme méthode proposée permet d’envisager « la mise en relation à partir des concepts de la topologie » (chapitre II). Ce chapitre favorise Merleau-Ponty. Pensons à l’empiètement (contact, embrassement, pli), à la promiscuité, au chiasme, à la réversibilité et à l’entrelacs, concepts qui opèrent toujours, chez ce dernier, au niveau de l’insertion du corps dans le monde. Une équivoque entre la description phénoménologique et la description littéraire est pourtant repérée. Quel concept autorisera de caractériser cette différence, tout en dénonçant l’aporie du retour au modèle temporel ? Poursuivant dans ces interrogations pertinentes, la deuxième partie, plus substantielle que la première et intitulée « Expérimentations », veut examiner comment une question identique peut se décliner …