Disputatio

Commentaire sur Emmanuel Barot : Lautman[Record]

  • David Corfield

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Traduit de l’anglais par Anne-Marie Boisvert

Emmanuel Barot a rendu un grand service au monde philosophique en offrant cette fort utile présentation des travaux de Lautman. J’ai trouvé particulièrement intéressant le rapprochement qu’il fait entre Lautman et Hegel dans la section III.3, mais pour ma contribution à cette Disputatio je souhaite focaliser mon attention de manière très étroite sur la section 1.2 de la conclusion. Barot examine ici la question de la place des Idées dans le système de Lautman, lesquelles se trouvent engagées dans un jeu dialectique qui se manifeste dans les théories mathématiques. Lautman semble considérer ces Idées comme résidant dans un royaume transcendantal : Et pourtant, comme le fait observer Barot, la tentation existe de les situer à l’intérieur des mathématiques elles-mêmes. Rappelons, par conséquent, que Lautman décompose la réalité mathématique de quatre manières : entités, faits, théories et idées. Or une comparaison utile peut être faite avec Ernst Cassirer. Dans Determinism and Indeterminism in Modern Physics [Déterminisme et indéterminisme dans la physique moderne], Cassirer (1956) divise les énoncés de la physique en quatre catégories, à savoir : les observations, les lois, les principes, et finalement ce qu’il appelle « le principe général de la causalité ». Ce sont [les membres] de la troisième catégorie qui entretiennent la ressemblance la plus étroite avec les Idées de Lautman. Pour Cassirer, les principes, tels que le principe de la moindre action, tiennent lieu de matrice, ou de lieu d’origine, pour les lois physiques. Ils ont pour fonction heuristique de guider la formation et la formulation de telles lois. Bien qu’ils soient suffisamment définis pour remplir ce rôle, ils comportent en même temps un vague qui leur est inhérent. Par exemple, bien qu’il ait été maintes fois reconnu que les systèmes physiques minimisent ou maximisent une certaine quantité, aucun énoncé définitif ne peut être produit concernant la nature de cette quantité. Or le point essentiel est que, pour Cassirer, ces principes sont immanents à la pratique de la physique elle-même : Ailleurs, Cassirer reconnaît aux mathématiques une structure similaire à niveaux multiples. Dans The Concept of Group and the Theory of Perception [Le concept de groupe et la théorie de la perception] (Cassirer 1944), il décrit comme un principe l’application de la théorie des groupes dont le rôle s’est révélé si important dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Cependant, étant donné le fait que les principes ont pour lui une « indétermination iridescente » (Cassirer, 1956, p. 51), une meilleure formulation du principe mathématique cassirerien le serait en termes de symétrie : pour comprendre une entité mathématique, saisissez-en les symétries. Nous pourrions par conséquent dire que le principe mathématique de symétrie a poursuivi sa mission heuristique, bien après l’époque de Galois et de Klein. À mesure que le vingtième siècle progressait, de nouveaux dispositifs pour mesurer la symétrie faisaient leur apparition — groupoïdes (Weinstein, 1996), groupes quantiques (Street, 2007), groupes catégorifiés (Baez et Lauda, 2003). Chacun développe plus avant l’idée de symétrie dans une direction différente. Nous aimerions affirmer, contrairement à Lautman, que tout comme les principes de la physique sont immanents à la pratique de celle-ci, il en va de même pour les principes mathématiques. Certes, les idées ou les principes des mathématiques trouvent leur source dans notre vie courante, mais leur exploration logique fait partie des mathématiques. Dans son article sur les groupes et la perception, Cassirer remarque que les germes de l’expression de la symétrie en termes de théorie des groupes sont à trouver dans notre perception quotidienne. Les variations réversibles dans les sensations que nous recevons des objets causent la perception que nous avons des objets de …

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