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Réponses à mes critiques[Record]

  • David Woodruff Smith

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  • David Woodruff Smith
    Université de la Californie à Irvine

J’aimerais maintenant formuler à mon tour des problèmes clés qui ont été soulevés par les trois commentateurs. J’espère pouvoir montrer à la fois les problèmes interprétatifs dans la compréhension de Husserl, et les problèmes philosophiques qui sont en jeu. Je crois que le présent échange nous aidera à voir comment la nouvelle discipline de la phénoménologie — à peine vieille d’un siècle mais possédant des racines plus anciennes — se distingue dans toute l’économie de la philosophie prise comme un tout, et ce autant dans l’oeuvre de Husserl que dans notre compréhension des résultats auxquels il est parvenu. Jean-Michel Roy se penche sur le rôle de la phénoménologie dans le système philosophique général de Husserl en posant un défi à ma conception de la systématique husserlienne et en proposant une conception alternative attrayante. Je me réjouis du problème soulevé par le professeur Roy et par la conception qu’il propose. J’espère montrer comment incorporer la vision de Roy dans la structure que j’ai construite. Comme je l’ai déjà souligné, je soutiens dans mon livre la thèse selon laquelle Husserl a développé un système unifié de la philosophie, où la phénoménologie prend sa place en relation à la logique, l’épistémologie et la théorie des valeurs (la théorie éthico-sociale). J’affirme qu’à l’intérieur de ce système une partie de la logique de Husserl est constituée par une conception métathéorique, une « théorie des théories » (comme il l’appelle). De ce point de vue logique, les résultats de Husserl en logique, en ontologie, en phénoménologie, en épistémologie et en théorie des valeurs forment tout un registre de théorie. En gros, une théorie est un système axiomatique de propositions portant sur un domaine d’entités ; ainsi, la logique est une théorie de la signification (et de la référence, de la vérité et de la conséquence logique), l’ontologie une théorie de l’être (de ce qu’il y a, des catégories, de l’essence des choses), la phénoménologie une théorie de la conscience (particulièrement de l’intentionnalité et des contenus de signification dans l’expérience), l’épistémologie, une théorie de la connaissance (qui comprend la perception, la raison et l’« intuition »), et enfin, la théorie des valeurs est quant à elle une théorie de ce qui est bien et juste (comprenant les fondements qui sous-tendent le fait que les actions sont guidées par les intentions, les jugements de valeurs, etc.). Selon ma conception, chacun de ces registres de théorie philosophique est dépendant des autres. Par exemple, la logique — la logique philosophique, ou phénoménologique, ou transcendantale, par opposition à la pure logique mathématique symbolique, sur laquelle Roy insiste à juste titre — dépend de la phénoménologie, puisque les implications dans les propositions relient ensemble des contenus idéaux dans des actes de jugement, qui sont les structures de l’intentionnalité étudiées en phénoménologie. Et, conversement, la phénoménologie dépend de la logique, car les contenus des expériences intentionnelles ne sont pas des phénomènes simplement « psychologiques » (chez les êtres humains dans le monde naturel) mais sont plutôt des significations idéales qui, chez Husserl, sont étudiées par la logique. Or Jean-Michel Roy reconnaît, dans la philosophie de Husserl, une telle interdépendance au sein des parties distinguables, mais il pose un défi instructif à ma conception. Je veux ici y répondre en proposant une extension de la théorie de la dépendance que Husserl a lui-même avancée. Le professeur Roy a noté que je parle de deux types de dépendance inter-théorique à l’intérieur du système de Husserl. D’une part, je dis que la phénoménologie dépend de l’ontologie, et vice versa, de telle sorte que la phénoménologie et l’ontologie sont « mutuellement fondatrices », et que la …

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