Dans la conférence III de L’esprit et le monde (2e éd., § 6, p. 60-63, trad. fr. p. 93-96), quand il discute les thèses d’Evans sur le contenu non conceptuel, John McDowell fait quelques remarques sur la croyance et le jugement. Ces remarques sont quelque peu orthogonales par rapport à l’argumentation générale du chapitre, que je n’examinerai pas ici (je l’ai fait ailleurs), mais elles me semblent à la fois signifcatives pour l’ensemble de son projet dans le livre, en même temps que problématiques. Evans s’intéresse à la distinction entre le contenu informationnel de l’expérience perceptive et le contenu des croyances, et il rejette l’idée que le premier pourrait constituer des « inclinations prima facie à croire ». Il a l’intention, nous dit McDowell, de réserver le terme « croyance » pour désigner un état cognitif plus sophistiqué, lié à la notion de jugement et à celle de raison. McDowell ajoute : McDowell emprunte ici l’idée d’Evans selon laquelle le contenu de la croyance diffère du contenu de l’expérience en ceci que le premier, mais pas le second, implique l’exercice de capacités conceptuelles et une sensibilité à la raison, et il soutient que cette sensibilité et cet exercice sont déjà présents dans l’expérience elle-même. Selon McDowell, cela ne veut pas dire que l’expérience soit par elle-même l’exercice de jugements actifs, car l’expérience, selon lui, est passive. Mais les capacités requises pour avoir l’expérience sont conceptuelles et exploitées dans les jugements. Faisons ici abstraction de la thèse mcdowellienne selon laquelle le contenu de l’expérience est conceptuel, et occupons-nous seulement de sa thèse sur la croyance et le jugement avancée dans ce passage. En quel sens pouvons-nous dire que la croyance est « active » et « essentiellement un acte de spontanéité » ? McDowell a défendu ailleurs une conception du jugement proche de celle qu’il affirme dans le passage cité plus haut : Selon cette conception, on a un contrôle sur ses croyances, et celles-ci sont en ce sens l’exercice d’un pouvoir actif et libre qui nous rend responsables de ce que nous croyons, quand nous avons la capacité d’être sensibles aux raisons. Appelons ce pouvoir contrôle rationnel. McDowell insiste sur le fait que le contrôle actif que nous avons sur nos croyances dans le jugement ne consiste pas en notre capacité à « croire à volonté » ou à « décider de croire », que ce soit de manière directe ou indirecte. Il ne propose pas une forme de volontarisme doxastique. Mais on peut néanmoins se demander : si notre responsabilité dans le jugement ne vient pas d’un acte de la volonté, d’où vient-elle ? Elle vient, selon McDowell, du fait que quand nous formons un jugement « nous sommes capables de prendre le contrôle rationnel de la forme de notre pensée », et du fait que nous nous trouvons situés dans « l’espace des raisons ». Bien qu’il y ait eu sans aucun doute, depuis que McDowell a repris cette célèbre formule de Sellars, un abus dans l’usage de l’expression — l’espace des raisons —, il n’est pas difficile de reconnaître ici la notion kantienne de la liberté comme autonomie, que d’autres auteurs inspirés par Sellars ont également développée. Par exemple Robert Brandom écrit : Mais il nous faut encore comprendre comment un sujet qui se trouve contraint par les normes de la raison peut être libre dans ses jugements et responsable de ceux-ci. Si je comprends bien la thèse de McDowell, ici, le type de liberté dont nous disposons dans la croyance répond à au moins deux conditions. Un sujet qui croit quelque chose est responsable …
Appendices
Références
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