L’ouvrage de John McDowell, dont l’origine est une série de conférences prononcées en 1991 dans le cadre des prestigieuses John Locke Lectures à Oxford, a eu, à juste titre, un retentissement considérable au sein de la philosophie de l’esprit contemporaine. Saluons donc la parution de l’édition française de Mind and World, treize ans après la première édition anglaise. Le commentaire qui suit est une critique de quelques aspects fondamentaux de l’analyse de McDowell, à savoir ceux qui concernent les relations entre la pensée conceptuelle, la perception et la réalité, telles qu’elles sont exposées surtout dans les trois premières conférences de L’esprit et le monde. Selon l’une des thèses les plus célèbres — peut-être la plus célèbre — de L’esprit et le monde (ci-après EM), le contenu de la perception est conceptuel de part en part, et plus précisément identique au contenu d’un jugement susceptible d’être formé rationnellement sur la base de la perception. Si je juge qu’il reste du café dans ma tasse parce que c’est ce que je vois, le contenu de mon jugement reprend ou endosse (au moins en partie) le contenu de mon expérience visuelle. C’est la thèse du contenu conceptuel de la perception : Dans EM, CCP et le sommet émergent d’une série complexe de thèses visant à rendre compte des relations entre le jugement, la perception et la réalité. Ces thèses peuvent être résumées de la manière suivante (je ne prétends pas reproduire ici l’ordre de l’exposé original). Tout d’abord, McDowell défend ce qui a été ultérieurement appelé la conception de la vérité comme identité, et qu’il considère comme un « truisme » : Les faits, selon McDowell qui s’inspire ici de Frege, appartiennent au domaine du sens (Sinn) plutôt qu’à celui de la référence (Bedeutung). Le contenu d’un jugement est une pensée. Or, de même que c’est à la pensée que nous attribuons en premier lieu la vérité (« Il est vrai qu’il reste du café dans ma tasse »), c’est bien d’une pensée que nous parlons quand nous parlons d’un fait (« C’est un fait qu’il reste du café dans ma tasse »). Une autre source d’inspiration est Wittgenstein, à qui McDowell emprunte la déclaration selon laquelle le monde n’est rien d’autre que la totalité des faits (Tractatus, §1). C’est ce que j’appellerai la conception tractarienne du monde : En ce qui concerne la perception, McDowell veut rendre justice à l’image de la perception comme une « ouverture » (openness) au monde. McDowell comprend la thèse de l’ouverture dans le cadre de CTM, ce qui donne lieu à la conception de la perception comme une ouverture à des faits : Comme l’écrit McDowell, « dans le courant d’une expérience, on s’ouvre à des faits manifestes, ayant lieu de manière indépendante et qui s’impriment sur notre sensibilité » (EM, p. 29). La notion d’ouverture peut être comprise au sens phénoménologique : la perception est l’expérience transparente d’un aspect du monde, et non pas celle de quelque intermédiaire opaque (sensations, sense-data). Dans la perspective de McDowell, cette notion a surtout une interprétation épistémologique. OF est explicitement rapporté à CVI, par référence à la nécessité épistémologique d’expliquer comment la perception peut fournir une raison de former un jugement, et lui octroyer le cas échéant une valeur de connaissance : Les thèses CVI et OF impliquent que la perception a un contenu conceptuel (CCP). Par définition, le jugement a un contenu conceptuel, identique ou non à un fait. Quand je juge qu’il reste du café dans ma tasse, dans une situation …
Appendices
Références
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