L’ouvrage de William Ramsey arrive de manière opportune dans une littérature philosophique contemporaine déjà abondante portant sur le concept de représentation mentale. Là où la majorité des philosophes de l’esprit s’efforcent de proposer une définition de la représentation mentale à partir d’une théorie du contenu (ou des types de contenu) mental, Ramsey questionne d’une manière originale et assez radicale le bien-fondé de l’appel généralisé que font les sciences cognitives à cette notion pour définir et expliquer la nature de la cognition. Synthétiquement, l’économie de l’argumentation que l’auteur développe dans l’ouvrage peut se résumer de la manière suivante : Le propos de l’auteur est spécifiquement consacré à la démonstration de (B). Il ne se prononce pas sur le caractère nécessaire — explicativement et/ou ontologiquement — de la notion de représentation mentale en sciences cognitives; il ne prend pas non plus parti pour une théorie particulière de la cognition (bien que l’on puisse entrevoir sa préférence pour un modèle connexionniste). La thèse principale de l’auteur développée dans l’ouvrage B prend la forme d’une réponse à une question qui, selon lui, doit être posée à toute théorie représentationnelle de la cognition. Cette question peut se résumer de la manière suivante; elle relève de ce que l’auteur nomme job description challenge : Dans une théorie représentationnelle donnée, en quoi le rôle fonctionnel et explicatif des entités appelées représentations mentales est-il réellement et irréductiblement un rôle représentationnel? Dit autrement, en vertu de quoi la référence à des processus/états/structures représentationnels peut-elle nous offrir un gain explicatif non trivial dans l’analyse du comportement d’un système cognitif, gain que nous ne pourrions pas obtenir en faisant seulement référence à des états ne fonctionnant pas comme des représentations? Pour Ramsey — qui se réclame avant tout d’une posture de philosophe des sciences cognitives (p. 5) —, ce n’est pas la présence d’un contenu qui peut faire d’un état physique une représentation et donc répondre à cette question (tout, dans l’absolu, peut en effet être interprété de manière représentationnelle), mais bien le rôle fonctionnel de certains états physiques dans le système (encore que, là aussi, il ne soit jamais nécessaire, pour l’auteur, de traiter un système comme étant un système représentationnel). Il ne s’agit pas de s’intéresser à la portée et aux limites du pouvoir explicatif de la notion de représentation mentale; la question vise plutôt à déterminer ce qui peut spécifiquement constituer le rôle causal (et le pouvoir explicatif) d’une entité en tant que représentation mentale dans un système cognitif (et dans une théorie). Ce qu’est un authentique rôle représentationnel est défini, pour l’auteur, par notre compréhension ordinaire et intuitive de ce que c’est que de fonctionner comme une représentation. Cette compréhension ordinaire a pour objet premier les représentations externes (cartes, graphes, phrases, signaux indicateurs, etc.), qui sont toujours des entités référentielles (dotées d’intentionnalité) pour un usager (voire un interprète), en ayant un rôle au sein d’un système. Pour expliciter cette compréhension intuitive, l’auteur se réfère également à la tripartition peircienne entre icônes, indices, et symboles (p. 20). À l’exception du dernier chapitre, le reste de l’ouvrage est consacré à l’examen des réponses que différents modèles de la cognition apportent implicitement ou pourraient apporter à la question posée par le job description challenge. Les chapitres 2 et 3 présentent ainsi les réponses de la théorie computo-représentationnelle classique. La réponse standard de cette théorie à la question du job description challenge peut se trouver de manière exemplaire chez Fodor : elle consiste à soutenir que les unités computationnelles sont des représentations mentales parce qu’elles sont des structures symboliques (présentant une double face, sémantique et syntaxique) qui …
William M. Ramsey, Representation Reconsidered, Cambridge (GB)/New York, Cambridge University Press, 2007, 268 pages[Record]
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Pierre Steiner
Université de Technologie de Compiègne