Abstracts
Résumé
Il s’agira ici de faire apparaître la régressivité — possibilité perpétuelle d’adjoindre un degré supplémentaire à l’énoncé — comme le principe même de l’ironie, ce qui conduit à la concevoir non comme une grille sémiotique et axiologique, mais comme une dynamique.
La réflexion part de la cellule de base qu’est le signe ironique en tant que structure hiérarchisée à deux degrés, selon la conception traditionnelle. Cette dualité est d’abord analysée du point de vue sémantique, dans le cadre tropologique, puis sur les plans axiologique, actantiel et énonciatif, ce qui aboutit à l’hypothèse de l’ironie comme trope métadiscursif, cumulant l’usage (au premier degré) et la mention (au second degré). Dans ce cadre, l’ironie se conçoit comme une représentation de représentation, comme un processus d’auto-duplication agissant par réflexivité critique et comique, et donc capable de se perpétuer virtuellement à l’infini puisque, s’appliquant à lui-même, il peut toujours ajouter un degré au précédent, sans pour autant l’annuler : le signe à deux niveaux ne constitue que la réalisation minimale de l’ironie, dont le second degré peut lui-même être réfléchi par un troisième, etc. Le « pouvoir réfléchissant » de l’ironie fait ainsi sa « force ascensionnelle » régressive, selon deux expressions empruntées à Proust.
Interne au signe, ce dynamisme permet aussi, à l’échelle d’une oeuvre, de greffer différentes sortes d’ironie les unes sur les autres : la puissance créatrice du processus régressif conduit à envisager son rôle dans l’oeuvre d’art, en l’occurrence À la recherche du temps perdu, dont le texte multiplie de façon exemplaire et retorse les strates d’ironie. La Recherche, qui aura préalablement servi de support à toutes les analyses, permettra, par l’intermédiaire de Bergotte — écrivain ironiste dont le génie consiste dans le « pouvoir réfléchissant » et l’énergie créatrice dans la « force ascensionnelle » —, de poser la question de l’actualisation de la régressivité ironique dans l’oeuvre littéraire.
Abstract
Regressivity, as the perpetual possibility of adding a further degree to an utterance is the very principle of irony, which is thus conceived not under a semiotic and axiological grid, but as a dynamics.
Reflection starts from the ironic sign as the basic cell and as a two tiered hierarchical structure, according to the traditional conception. This duality is first analysed from a semantical point of view, within the tropological framework, then on the axiological, actancial and utterance theoretic levels. This leads us to the hypothesis that irony is a metadiscursive trope, bringing together use (first degree) and mention (second degree). Within this framework, irony is a representation of representation, an auto-duplicative process which acts through critical and comical reflectivity, and which is liable to perpetuate itself indefinitely, since, being auto-applicative, a new degree can always be added to the previous one, without cancelling itself : the two tiered sign being only the minimal realisation of irony, whose second degree can itself be reflected through a third, and so on. The “reflective power” of irony thus produces its “ascending force”.
This mechanism internal to the sign allows also, at the level of the work, to plug different kinds of ironies onto each other : the creative power of the regressive process allows us to envisage its role in the work of art, in the case at hand in Remembrance of Things Past, whose text multiplies the various layers of irony. Proust’s work, which is here the basis of all our analyses, allows Bergotte — the ironist writer whose genius consists in the “reflective power” and in the “ascending force” — to raise the question of the actualisation of the ironical regressivity of the literary work.