Abstracts
Résumé
Grice a proposé une analyse de l’ironie fondée sur les implicatures, selon laquelle les énoncés ironiques produisent une implicature par antiphrase. Cette thèse, qui suit l’analyse rhétorique classique, la transpose simplement du registre sémantique au pragmatique, ce qui ne suffit pas à répondre à la question de savoir comment l’auditeur saisit l’interprétation par antiphrase, ou pourquoi le locuteur dit une chose quand il signifie l’inverse. L’analyse antiphrastique ne dit pas non plus comment on doit rendre compte des énoncés ironiques qui ne sont pas des assertions. Les analyses contemporaines de l’ironie, comme celles de Sperber et Wilson en termes d’écho, et de Currie — en termes de feintise —, ne rencontrent pas les mêmes difficultés. On les présente en général comme capables de rendre compte des cas « centraux » d’ironie et comme incompatibles entre elles.
Dans le présent article, je montre que les deux analyses s’appliquent au même ensemble d’exemples et qu’en fait certaines critiques de Currie contre l’analyse échoique ne sont pas valides. De plus il y a un ensemble d’exemples d’énoncés ironïques que l’on ne peut pas analyser en termes de feintise. Donc aucune des deux analyses n’est assez générale. Pour finir, je propose une analyse selon laquelle les énoncés ironiques montrent (plutôt qu’ils ne disent) un comportement, une croyance ou un raisonnement déraisonnable, et je plaide pour une analyse gricienne, basée non pas sur l’implicature par antiphrase, mais sur la signification non naturelle et la reconnaissance de la double intention du locuteur. Cette analyse est compatible avec l’analyse échoïque et avec celle en termes de feintise, tout en étant plus générale.
Abstract
Grice proposed an implicature-based account of irony, according to which ironical utterances give rise to an antiphrasis implicature. This view, which followed the classical rhetorical account of irony, merely transported it from the semantic to the pragmatic domain, which is clearly not enough to answer the questions which the antiphrasis account triggers, i.e., the explanation of how the hearer recovers the antiphrasis interpretation, or of why the speaker should say something when she means exactly the reverse. A final, and devastating, criticism is, quite simply, that not all ironical utterances are assertions and, hence, that the antiphrasis account does not easily apply to them. What is more, some ironical utterances, perhaps most of them, do not at all trigger an antiphrasis. Contemporary accounts of irony, such as those proposed by Sperber and Wilson — the echoic account — or by Currie — the pretence account —, do not meet with the same difficulties. They are generally presented as being able to account for “central” examples of irony and as incompatible..
In the present paper, I will show that the echoic and the pretence accounts, far from being incompatible, seem to be applicable to exactly the same set of examples, and that, in fact, some of the strictures levelled by Currie against the echoic account are not in fact valid criticism. Additionally, there are quite a lot of examples of ironical utterances which are not susceptible of an account in terms of echo or pretence. Thus, it seems that neither account can serve as a general account of irony. I finally propose an account in terms of ironical utterances showing (rather than saying) an unreasonable behaviour, belief or reasoning on the part of the target of the irony and plead for a Gricean account, based not on an antiphrasis implicature, but on meaningNN and the recognition of the double-barrelled intention of the speaker. This, clearly, is compatible with the echoic or pretence accounts, though more general than either.
Appendices
Bibliographie
- Bergson, H. Le Rire, in Oeuvres, Paris, Presses universitaires de France, 1959.
- Chomsky, N. Structures syntaxiques, Paris, Le Seuil, 1957.
- Currie, G. « Why Irony is Pretence », in Nichols, S. (ed.), The Architecture of Imagination. New Essays on Pretence, Possibility, and Fiction, Oxford/New York, Oxford University Press, 2006, 111-133.
- Dumarsais, C. C. Des tropes ou des différents sens, Paris, Flammarion, 1988.
- Goldman, A. « Imagination and Simulation in Audience Responses to Fiction », in Nichols, S. (ed.), The Architecture of Imagination. New Essays on Pretence, Possibility, and Fiction, Oxford/New York, Oxford University Press, 2006a, 41-56.
- Goldman, A.I. Simulating Minds : the Philosophy, Psychology, and Neuroscience of Mindreading, Oxford/New York, Oxford University Press, 2006b.
- Grice, H. P. Studies in the Ways of Words, Harvard, Harvard University Press, 1989.
- Mosse, G. L. Les racines intellectuelles du troisième Reich. La crise de l’idéologie allemande, Paris, Calmann-Lévy, 2006.
- Nichols, S. (ed.) The Architecture of Imagination. New Essays on Pretence, Possibility, and Fiction, Oxford/New York, Oxford University Press, 2006.
- Perrin, L. L’ironie mise en trope, Paris, Éditions Kimé, 1996.
- Reboul, A. Le discours théâtral : problèmes de narratologie et de pragmatique linguistique, thèse de doctorat, E.H.E.S.S., Paris, 1984.
- Recanati, F. Oratio obliqua, oratio recta.An Essay on Metarepresentation, Cambridge, MA, The MIT Press, 2000.
- Searle, J. R. Speech Acts, Cambridge, Cambridge University Press, 1969.
- Sperber, D. et D. Wilson. « Irony and the Use-Mention Distinction », in Cole, P. (ed.), Radical Pragmatics, New York, Academic Press, 1981, 295-318.
- Sperber, D. et D. Wilson. Relevance : Communication and Cognition, Oxford, Basil Blackwell (2nd edition), 1995.
- Walton, K. L. Mimesis as Make-Believe, On the Foundations of the Representational Arts, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1990.
- Wilson, D. et R. Carston. « Metaphor, Relevance and the ‘Emergent Property’ Issue », in Mind & Language, 21/3, 2006, 404-433.
- Assouline, P. Gaston Gallimard : Un demi-siècle d’édition française, Paris, Balland,1984.
- France, A. L’Île des pingouins, Genève, Amis du livre, 1955.
- Kraus, K. Troisième nuit de Walpurgis, Marseille, Agone, 2005.
- La Rochefoucauld. Maximes.
- Molière. Tartuffe.
- Stendhal. De l’amour, Paris, Editions Nilsson.
- Stendhal. Lucien Leuwen, Paris, Gallimard, Folio, 1973.
- Stendhal. Le Rouge et le Noir in Oeuvres romanesques complètes I, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2005.
- Thackeray, W.M. Barry Lindon, Harmondsworth, Penguin Books, 1975.
- Voltaire. Le Taureau blanc, in Romans et contes II, Paris, Gallimard, Folio,1992.
- Voltaire. L’Homme aux quarante écus, in Romans et contes II, Paris, Gallimard, Folio, 1992.
- Voltaire. Candide ou l’Optimiste, in Romans et contes II, Paris, Gallimard, Folio, 1992.