Volume 35, Number 1, Spring 2008 Les valeurs de l’ironie (1) et le scepticisme à l’âge classique (2) Guest-edited by Pascal Engel (1) and Sébastien Charles (2)
Table of contents (20 articles)
Les valeurs de l’ironie
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Introduction. Raillerie, satire, ironie et sens plus profond
Pascal Engel
pp. 3–12
AbstractFR:
Peut-on avoir une théorie unifiée de l’ironie ? La théorie de la feintise défendue par Gregory Currie est sans doute l’une des meilleures candidates à ce titre. Mais elle n’est pas sans difficultés, comme on peut le voir sur quelques exemples empruntés à Swift. Je soutiens que Swift illustre parfaitement les différentes non seulement dimensions de la théorie de l’ironie comme feintise, mais aussi d’une conception anti-post-moderniste des valeurs de l’ironiste.
EN:
Can there be a unified theory of irony ? The pretense theory advanced by Gregory Currie is certainly one of the best candidates, although it is not without difficulties, as one can see from various examples from Swift. It is argued that Swift gives not only an excellent illustration of the various dimensions of the pretence theory of irony, but also of an anti-post-modern conception of the values of the ironist.
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Écho et feintise : quelle est la différence et qui a raison ?
Gregory Currie
pp. 13–23
AbstractFR:
Dans un essai antérieur (« Why irony is pretence », in S. Nichols, dir., The Architecture of the Imagination, Oxford University Press, 2006) j’ai défendu une version de la théorie de l’ironie comme feintise — selon laquelle l’ironiste prétend adopter une perspective qui est en quelque sorte déficiente. J’ai aussi comparé cette version de la théorie de la feintise avec la théorie échoïque de Sperber et Wilson, en concluant que la théorie de la feintise était supérieure. Deirdre Wilson a répondu à cet article (« The pragmatics of verbal irony : echo or pretence ? » dans Lingua 116, 2006, 1722-1743). Dans le présent article, je réponds aux contre-arguments de Wilson. Je fournis aussi un contre-exemple à la théorie échoïque aidant à montrer que, contrairement à ce que pensent certains, la théorie échoïque et celle de la feintise ne sont pas équivalentes. Pour finir, je considère certaines conséquences, pour la théorie littéraire, de la conception selon laquelle l’ironie consiste à feindre avoir un point de vue déficient.
EN:
In earlier work (“Why irony is pretence”, in S. Nichols (ed) The Architecture of Imagination, Oxford University Press, 2006) I have argued for a version of the pretence theory of irony — a version according to which the ironist is pretending to adopt a perspective which is defective in some way. I also contrasted this version of the pretence theory with the echoic theory of Sperber and Wilson, concluding that the pretence theory is superior. Deirdre Wilson has now responded to this paper (“The pragmatics of verbal irony : echo or pretence ?” Lingua 116 (2006) 1722-1743). In the present paper I respond to Wilson’s counterarguments. I also generate a counterexample to the echoic theory which helps to show that, contrary to what some have thought, the echoic and pretence theories are not equivalent. Finally, I consider some of the consequences for literary theory of thinking of irony as pretending to have a defective point of view.
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L’ironie auctoriale : une approche gricéenne est-elle possible ?
Anne Reboul
pp. 25–55
AbstractFR:
Grice a proposé une analyse de l’ironie fondée sur les implicatures, selon laquelle les énoncés ironiques produisent une implicature par antiphrase. Cette thèse, qui suit l’analyse rhétorique classique, la transpose simplement du registre sémantique au pragmatique, ce qui ne suffit pas à répondre à la question de savoir comment l’auditeur saisit l’interprétation par antiphrase, ou pourquoi le locuteur dit une chose quand il signifie l’inverse. L’analyse antiphrastique ne dit pas non plus comment on doit rendre compte des énoncés ironiques qui ne sont pas des assertions. Les analyses contemporaines de l’ironie, comme celles de Sperber et Wilson en termes d’écho, et de Currie — en termes de feintise —, ne rencontrent pas les mêmes difficultés. On les présente en général comme capables de rendre compte des cas « centraux » d’ironie et comme incompatibles entre elles.
Dans le présent article, je montre que les deux analyses s’appliquent au même ensemble d’exemples et qu’en fait certaines critiques de Currie contre l’analyse échoique ne sont pas valides. De plus il y a un ensemble d’exemples d’énoncés ironïques que l’on ne peut pas analyser en termes de feintise. Donc aucune des deux analyses n’est assez générale. Pour finir, je propose une analyse selon laquelle les énoncés ironiques montrent (plutôt qu’ils ne disent) un comportement, une croyance ou un raisonnement déraisonnable, et je plaide pour une analyse gricienne, basée non pas sur l’implicature par antiphrase, mais sur la signification non naturelle et la reconnaissance de la double intention du locuteur. Cette analyse est compatible avec l’analyse échoïque et avec celle en termes de feintise, tout en étant plus générale.
EN:
Grice proposed an implicature-based account of irony, according to which ironical utterances give rise to an antiphrasis implicature. This view, which followed the classical rhetorical account of irony, merely transported it from the semantic to the pragmatic domain, which is clearly not enough to answer the questions which the antiphrasis account triggers, i.e., the explanation of how the hearer recovers the antiphrasis interpretation, or of why the speaker should say something when she means exactly the reverse. A final, and devastating, criticism is, quite simply, that not all ironical utterances are assertions and, hence, that the antiphrasis account does not easily apply to them. What is more, some ironical utterances, perhaps most of them, do not at all trigger an antiphrasis. Contemporary accounts of irony, such as those proposed by Sperber and Wilson — the echoic account — or by Currie — the pretence account —, do not meet with the same difficulties. They are generally presented as being able to account for “central” examples of irony and as incompatible..
In the present paper, I will show that the echoic and the pretence accounts, far from being incompatible, seem to be applicable to exactly the same set of examples, and that, in fact, some of the strictures levelled by Currie against the echoic account are not in fact valid criticism. Additionally, there are quite a lot of examples of ironical utterances which are not susceptible of an account in terms of echo or pretence. Thus, it seems that neither account can serve as a general account of irony. I finally propose an account in terms of ironical utterances showing (rather than saying) an unreasonable behaviour, belief or reasoning on the part of the target of the irony and plead for a Gricean account, based not on an antiphrasis implicature, but on meaningNN and the recognition of the double-barrelled intention of the speaker. This, clearly, is compatible with the echoic or pretence accounts, though more general than either.
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Tendresse et pudeur chez Stendhal
Patrizia Lombardo
pp. 57–70
AbstractFR:
Cet article traite de l’ironie comme valeur esthétique, et donc affective, chez Stendhal. Les phénomènes affectifs varient en nature et en intensité, et une même émotion peut être colorée différemment (les adjectifs indiquent ses nuances, comme « douce nostalgie » ou « nostalgie désespérée »). L’ironie implique une gamme complexe d’aspects et de degrés : elle peut être satirique, comique, tragique, nihiliste, paradoxale, etc. Je considère d’abord les types d’ironie que Stendhal a évités. Il rejetait à la fois la satire tragique de Chateaubriand et l’ironie romantique nihiliste. Je considère ensuite la théorie stendhalienne du rire, suggérée par plusieurs de ses écrits dans lesquels il réfléchit sur diverses formes de comédie tout en développant son propre idéal tel qu’il apparaîtra dans ses romans principaux (voir Journal littéraire, Histoire de la peinture en Italie, Racine et Shakespeare, et Correspondance). Tout en se référant à Hobbes et à sa définition du rire comme sentiment de supériorité, il ne semble pas tout à fait convaincu par sa théorie et insiste sur les deux conditions indispensables de l’effet comique : la clarté et la rapidité. Ces deux éléments deviennent essentiels dans son style littéraire. Stendhal n’a pas de doute sur la supériorité affective des modernes sur les anciens : il ne revient qu’aux modernes, formés par la sensibilité chrétienne, de ressentir des émotions tendres. La tendresse doit colorer tout, et le roman doit atteindre l’idéal de l’opéra-bouffe, où le comique est « un mélange de gaieté et de tendresse », tandis que l’écrivain masque sa propre tendresse par une douce ironie envers ses personnages préférés.
EN:
This article discusses irony as an aesthetic, therefore affective, value, as exemplified in Stendhal’s irony. Affective phenomena vary in nature and intensity, and one same emotion can be coloured differently (adjectives indicate its nuances, as, for example, in “sweet nostalgia” or “desperate nostalgia” etc.). Irony involves a very complex gamut of aspects and degrees: it can be satiric, comic, tragic, nihilistic, paradoxical etc. I first consider what kinds of irony Stendhal avoided. He discarded both the tragic satire of Chateaubriand and Romantic nihilistic irony. Then I look at Stendhal’s theory of laughter, as hinted at in several of his writings where he reflects upon various forms of comedy while developing his own ideal of comedy as it will appear in his major novels (see Journal littéraire, Histoire de la peinture en Italie, Racine et Shakespeare, and Correspondance). Dissatisfied with Hobbes’ definition of laughter as involving a feeling of superiority, he considered two conditions for the comic effect: clarity and suddenness. Both become fundamental in his literary style. At the same time Stendhal was convinced of the affective superiority of the moderns over the Ancients: only the moderns, forged by Christian sensitivity, experienced tender emotions. Tenderness should color everything: the novel should aim at the ideal of opera-bouffe, where comedy is “a mixture of gaiety and tenderness,” while the writer masks his tenderness by using a “sweet” (douce) irony towards his favourite characters.
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« Pouvoir réfléchissant » et « force ascensionnelle » : la dynamique régressive de l’ironie
Sophie Duval
pp. 71–88
AbstractFR:
Il s’agira ici de faire apparaître la régressivité — possibilité perpétuelle d’adjoindre un degré supplémentaire à l’énoncé — comme le principe même de l’ironie, ce qui conduit à la concevoir non comme une grille sémiotique et axiologique, mais comme une dynamique.
La réflexion part de la cellule de base qu’est le signe ironique en tant que structure hiérarchisée à deux degrés, selon la conception traditionnelle. Cette dualité est d’abord analysée du point de vue sémantique, dans le cadre tropologique, puis sur les plans axiologique, actantiel et énonciatif, ce qui aboutit à l’hypothèse de l’ironie comme trope métadiscursif, cumulant l’usage (au premier degré) et la mention (au second degré). Dans ce cadre, l’ironie se conçoit comme une représentation de représentation, comme un processus d’auto-duplication agissant par réflexivité critique et comique, et donc capable de se perpétuer virtuellement à l’infini puisque, s’appliquant à lui-même, il peut toujours ajouter un degré au précédent, sans pour autant l’annuler : le signe à deux niveaux ne constitue que la réalisation minimale de l’ironie, dont le second degré peut lui-même être réfléchi par un troisième, etc. Le « pouvoir réfléchissant » de l’ironie fait ainsi sa « force ascensionnelle » régressive, selon deux expressions empruntées à Proust.
Interne au signe, ce dynamisme permet aussi, à l’échelle d’une oeuvre, de greffer différentes sortes d’ironie les unes sur les autres : la puissance créatrice du processus régressif conduit à envisager son rôle dans l’oeuvre d’art, en l’occurrence À la recherche du temps perdu, dont le texte multiplie de façon exemplaire et retorse les strates d’ironie. La Recherche, qui aura préalablement servi de support à toutes les analyses, permettra, par l’intermédiaire de Bergotte — écrivain ironiste dont le génie consiste dans le « pouvoir réfléchissant » et l’énergie créatrice dans la « force ascensionnelle » —, de poser la question de l’actualisation de la régressivité ironique dans l’oeuvre littéraire.
EN:
Regressivity, as the perpetual possibility of adding a further degree to an utterance is the very principle of irony, which is thus conceived not under a semiotic and axiological grid, but as a dynamics.
Reflection starts from the ironic sign as the basic cell and as a two tiered hierarchical structure, according to the traditional conception. This duality is first analysed from a semantical point of view, within the tropological framework, then on the axiological, actancial and utterance theoretic levels. This leads us to the hypothesis that irony is a metadiscursive trope, bringing together use (first degree) and mention (second degree). Within this framework, irony is a representation of representation, an auto-duplicative process which acts through critical and comical reflectivity, and which is liable to perpetuate itself indefinitely, since, being auto-applicative, a new degree can always be added to the previous one, without cancelling itself : the two tiered sign being only the minimal realisation of irony, whose second degree can itself be reflected through a third, and so on. The “reflective power” of irony thus produces its “ascending force”.
This mechanism internal to the sign allows also, at the level of the work, to plug different kinds of ironies onto each other : the creative power of the regressive process allows us to envisage its role in the work of art, in the case at hand in Remembrance of Things Past, whose text multiplies the various layers of irony. Proust’s work, which is here the basis of all our analyses, allows Bergotte — the ironist writer whose genius consists in the “reflective power” and in the “ascending force” — to raise the question of the actualisation of the ironical regressivity of the literary work.
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Ironie, valeurs cognitives et bêtise
Kevin Mulligan
pp. 89–107
AbstractFR:
Cet article examine les théories de l’ironie comme feintise de Jancke (1929) et de Currie (2007) et défend une théorie de la feintise selon laquelle les évaluations de l’ironiste sont plus importantes que ses émotions, négatives et positives, et portent principalement sur les valeurs cognitives. L’objet formel de l’ironie est la bêtise et non pas une autre quelconque valeur négative éthique, politique ou esthétique. Je suggère que la conception de l’ironie ici esquissée ressemble à bien des égards à celle qu’on trouve dans les écrits de Robert Musil.
EN:
This paper examines the pretence theories of irony of Jancke (1929) and Currie (2007) and argues for a pretence theory according to which the evaluations of the ironist are more important than his emotions, negative and positive, and bear principally on cognitive values. The formal object of irony is foolishness and not any ethical, political or aesthetic disvalue. I suggest that the view of irony outlined resembles in many respects the conception of irony to be found in the writings of Robert Musil.
Disputatio
Le scepticisme à l’âge classique
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Introduction. Le scepticisme à l’âge classique : enjeux et perspectives
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Montaigne, Estienne et l’invention de l’apparence
Gianni Paganini
pp. 171–186
AbstractFR:
La disparition de la notion technique de species dans les Essais de Montaigne est caractéristique de la transformation qui est intervenue dans la mise en place du procès de la connaissance. La théorie de l’espèce est alors remplacée par une doctrine de l’apparence conçue comme « fantaisie ». Le problème est gnoséologique et il prend sa source dans le débat qui avait opposé stoïciens, néo-académiciens et pyrrhoniens au sujet de la valeur de vérité de la représentation. Les passages conclusifs de l’Apologie permettent de saisir la problématique néo-pyrrhonienne dans toute sa complexité. Tout d’abord, Montaigne met au coeur de ses considérations la différence entre l’apparence et la réalité, ou bien entre l’apparence et l’essence, en opposant comme Sextus la « nature », inaccessible en soi, à la qualité telle que perçue par les sens. La médiation des sens est décrite tantôt en termes de qualification ou d’altération de l’objet, tantôt en termes de « falsification » ; d’où le problème authentiquement sceptique que constitue l’impossibilité de privilégier l’une ou l’autre représentation, voire de distinguer entre des qualités réputées « normales » et d’autres qui ne le sont pas. Une comparaison avec le commentaire des Pyrrhonianae Hypotyposes proposé par Henri Estienne permet de saisir la dépendance de Montaigne à l’égard des sources grecques et de la philologie renaissante.
EN:
The disappearance of the technical notion of species in Montaignes’s Essays is characteristic of the transformation that took place around the beginning of the trial of knowledge. The theory of the species is then replaced by a doctrine of the appearance as “fantasy”. The problem, which is epistemological, takes its source in the debate opposing Stoics, Neo-academicians and Pyrrhonists on the topic of the truth value of representation. The conclusive passages in the Apology enable us to grasp the neo-pyrrhonian problematic in all its complexity. In it, Montaigne focuses on the difference between appearance and reality, or appearance and essence, by opposing — as Sextus did — the “nature”, in itself inaccessible, to the quality as we perceive it through our senses. The role of the senses in this process is described either as a qualification or alteration of the object, or as a “falsification” of it, which entails the classical sceptical problem of the difficulty to choose between one representation or another — and to discriminate between the qualities that are “normal” and those that are not. A comparison with Henri Estienne’s commentary to the Pyrrhonianae Hypotyposes finally sheds some light on Montaigne’s dependence toward Greek sources and Renaissance philology.
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Scepticisme et cynisme dans l’oeuvre de Pierre de Valence
John Christian Laursen
pp. 187–206
AbstractFR:
Cet article examine l’oeuvre de Pierre de Valence (1555-1620) dans le but d’établir ses implications philosophiques. Sur la base de son seul ouvrage publié, les Academica de 1596, qui ont largement circulé et ont connu deux traductions françaises au XVIIIe siècle, plusieurs auteurs ont supposé qu’il penchait vers le scepticisme académique. En se fondant sur ses traductions de Dion Chrysostome et d’Épictète et sur d’autres manuscrits imitant la littérature de la retraite propre au cynisme grec, d’autres en ont fait un cynique. En confrontant ces ouvrages à d’autres manuscrits portant sur des matières économiques ou sociales allant du coût du pain au bûcher pour les sorcières, à son érudition biblique profonde et aux polémiques qui y sont rattachées, et à son travail de chroniqueur royal durant les années 1606-1620, ses écrits sur le scepticisme antique et le cynisme s’apparentent tout au plus aux exercices scolaires d’un humaniste tardif. Scepticisme et cynisme deviennent inoffensifs si on ne les considère que comme une partie — et une partie relativement limitée — de l’arsenal des habilités scolaires et des sympathies philosophiques de ce penseur aussi instruit qu’influent au sein des débuts de la modernité.
EN:
This article explores the work of Pedro de Valencia (1555-1620) with the purpose of establishing his philosophical allegiances. On the basis of his only published work, the Academica of 1596, widely circulated and translated into French twice in the eighteenth century, some authors have assumed that he was an Academic skeptic. On the basis of his translations of Dio Chrysostome and Epictetus and other manuscripts in imitation of the literature of retirement of Greek cynicism, others have taken him for a cynic. Placing this work in the context of his other manuscripts on social and economic issues from the price of bread to the burning of witches ; his serious Biblical scholarship and polemics ; and his work as Royal Chronicler in the years 1606-1620, his writings on ancient skepticism and cynicism begin to look like little more than the scholarly exercises of a late humanist. Skepticism and cynicism were rendered harmless as only a part —-and a relatively small part—- of the arsenal of scholarly skills and philosophical sympathies of this knowledgeable and influential early modern scholar.
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Au fil conducteur du scepticisme : science et métaphysique chez Glanvill
Frédéric Brahami
pp. 207–222
AbstractFR:
Membre de la Royal Society, Joseph Glanvill a écrit une oeuvre complexe où le scepticisme le plus radical va de pair avec la plus grande confiance dans les progrès du savoir. Ce paradoxe apparent exprime une nouvelle conception de la science, résolument déprise de toute prétention à la saisie intuitive de la nature des choses. Le scepticisme devient alors non seulement la condition des progrès scientifiques, mais la méthode même de la science. Dans cette mesure, Glanvill tient une place importante, quoique discrète, dans l’histoire moderne de la philosophie critique. La distinction qu’il opère, pour répondre à l’argument cartésien du Dieu trompeur, entre la « certitude infaillible » et la « certitude indubitable », marque en effet le moment où la science, consciente de ses règles, se sait elle-même relative.
EN:
The works of Joseph Glanvill, who was a fellow of the Royal Society, are complex : indeed, the most radical scepticism can be found to go hand in hand with the deepest trust in the advancement of knowledge. This apparent paradox bespeaks a new conception of science : a science that is definitely free from any claim to an intuitive comprehension of the nature of things. Scepticism thus becomes the condition of scientific progress as well as the very method of science itself. In so far forth, Glanvill has an important place, however unconspicuous, in the modern history of critical philosophy. In his answer to Descartes’s argument of the Deus deceptor (a deceptive god), Glanvill makes a distinction between “infallible certainty” and “indubitable certainty”, which indeed marks the moment when science, aware of its own rules, acknowledges its relativity.
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Huet sceptique cartésien
José R. Maia Neto
pp. 223–239
AbstractFR:
Pierre-Daniel Huet est un des sceptiques les plus importants de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle. Dans cet article, je cherche à montrer en six points que la principale source du scepticisme de Huet est paradoxalement Descartes, chaque point étant développé dans une section du texte : 1) Huet a découvert le doute cartésien avant de connaître le doute sceptique des anciens ; 2) le scepticisme du Traité Philosophique de la Faiblesse de l’Esprit Humain et l’anti-cartésianisme de la Censura Philosophiae Cartesianae faisaient originellement partie d’une même ouvrage ; 3) on trouve un Descartes sceptique dans la Censura ; 4) la biographie intellectuelle du Provençal dans le Traité Philosophique actualise et pyrrhonise la biographie intellectuelle du Descartes du Discours de la Méthode ; 5) quatre arguments sceptiques du Traité, dont le plus important de l’ouvrage, sont cartésiens ; 6) le scepticisme de Huet a été perçu par les premiers lecteurs du manuscrit du Traité comme partialement cartésien.
EN:
Pierre-Daniel Huet is one of the most important skeptics from the end of the 17th/begining of the 18th centuries. In this article, I show that Descartes is the main source of Huet’s skepticism by means of six remarks, each developed in a section of the article. 1) Huet discovered Cartesian doubt before he discovered ancient skeptical doubt ; 2) the skepticism exhibited in the Traité Philosophique de la Faiblesse de l’Esprit Humain and the anti-cartesianism exhibited in the Censura Philosophiae Cartesianae were originally parts of the same work ; 3) there is a skeptical Descartes in the Censura ; 4) the intellectual biography of the Provençal in the Traité Philosophique updates and pyrrhonizes Descartes’s intellectual biography in the Discours de la Méthode ; 5) four skeptical arguments in the Traité — including the most important one in the book — are Cartesian ; 6) Huet’s skepticism was perceived as partially Cartesian by the first readers of the manuscript.
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La réponse de Régis à Huet concernant le doute cartésien
Thomas M. Lennon
pp. 241–260
AbstractFR:
La critique du cartésianisme formulée par Pierre-Daniel Huet à la fin du XVIIe siècle constitue l’un des événements les plus marquants de l’histoire du scepticisme à la période moderne. Cette critique se fonde sur l’arsenal des arguments sceptiques produits durant tout le XVIIe siècle et pave la voie à la position anti-métaphysique des Lumières, qui commence avec Bayle et se poursuit avec les philosophes en passant par Hume. La réponse attendue des cartésiens à l’encontre de Huet est venue de Pierre-Sylvain Régis, auquel Huet va répondre à son tour à plusieurs reprises. Bien que la critique de Huet ait porté sur l’ensemble des thèmes spécifiques au cartésianisme (le doute méthodique, le cogito, la clarté et la distinction des perceptions, etc.), et bien que Régis ait répondu sur tous ces points, il n’en reste pas moins que le débat entre eux s’est essentiellement concentré sur le doute cartésien, que nous examinons minutieusement ici à la lumière de leur confrontation.
EN:
The attack of Pierre-Daniel Huet on Cartesianism at the end of the seventeenth century was one of the most significant events in the history of skepticism in the early modern period. It capitalized on the building momentum generated by the use of skeptical arguments throughout the century, and it opened the way to the anti-metaphysical stance of the Enlightenment, beginning with Bayle and passing to the philosophes, including Hume. The inevitable Cartesian response to Huet came from Pierre-Sylvain Regis, to whom Huet then responded in various ways. Although Huet’s attack had taken aim at all the themes with which Cartesianism has come to be associated (the method of doubt, the cogito, clarity and distinctness of perception, etc.), and although Regis replied on all these topics, the debate between them concentrated on Cartesian doubt, here closely examined in light of their debate.
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Voltaire et le scepticisme
Rodrigo Brandão
pp. 261–274
AbstractFR:
Cet article possède un caractère programmatique et anticipe en partie un travail plus substantiel dont le but sera de contribuer tant aux études portant sur l’histoire du scepticisme moderne qu’à celles touchant à la pensée des Lumières en général, et à celle de Voltaire en particulier. Dans le cadre d’analyse qui est ici le nôtre, il s’agit avant tout d’analyser brièvement certains points de rapprochement et de divergence entre Voltaire et la pensée sceptique. Nous nous contenterons ici de pointer du doigt quatre thèmes qui permettent d’interroger l’utilisation faite par Voltaire du scepticisme sans prétendre proposer d’étude exhaustive de la question : 1) la question de la diaphonie ; 2) le problème de l’existence du monde extérieur ; 3) les rapports entre la foi et la raison ; et 4) les rapports entre l’épochè sceptique et la raison libre des Lumières.
EN:
The present article has a programmatic perspective. It is the structuring of a longer work which aims to be a contribution both to the studies of skepticism in modern thought and to the studies of Voltaire’s thought. The objective is to consider the proximities and distances of Voltaire and skepticism. In order to do that, I shall organize the analysis of that relation after four aspects which constitute the possible directions for more detailed considerations : (1) the question of diaphony in Voltaire’s texts, (2) the problem of the existence of the exterior world, (3) the relations between faith and reason and (4) the relation between the skeptical epokhe and the raison libre.
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De Popkin à Rousseau : retour sur le scepticisme des Lumières
Sébastien Charles
pp. 275–290
AbstractFR:
Le scepticisme des Lumières est le parent pauvre des études que Popkin a consacrées au scepticisme moderne. En général, Popkin ne confère au scepticisme des Lumières qu’une valeur propédeutique ou méthodologique. Si Popkin est revenu à plusieurs reprises sur ce portrait qu’il a brossé du scepticisme des Lumières pour le nuancer, évoquant notamment les travaux de Baker, d’Olaso ou de Tonelli, c’est pour accepter que le scepticisme ait été plus prégnant au XVIIIe siècle qu’il ne le pensait, mais sans pour autant modifier son sentiment quant à l’usage qui en fut fait. Or, à partir de l’évocation de formes de scepticisme délaissées par Popkin (le scepticisme clandestin, l’égoïsme), cet article propose une réévaluation de l’ensemble du scepticisme des Lumières et en teste la validité en prenant Rousseau pour exemple. L’avantage du recours à Rousseau, c’est que ce dernier a connu à la fois le scepticisme clandestin et l’égoïsme, et qu’il est donc à même de montrer l’influence de ce scepticisme souterrain sur les Lumières dans leur ensemble.
EN:
The scepticism of the Enlightenment was neglected in the studies that Popkin devoted to early modern scepticism. Generally, Popkin only attributes a preparatory, or methodological role to the scepticism of the Enlightenment. Indeed, Popkin himself has come back several times to the picture he had drawn of the Enlightenment, notably in light of the works by Baker, Olaso or Tonelli. However, it was only to accept that scepticism was more developed than he had first thought, and never to change his mind about the influence that it had on this time-period. Through the analysis of forms of scepticism that were totally neglected by Popkin (i.e., clandestine scepticism and egoism), this article proposes a complete re-evaluation of scepticism in the Enlightenment. Rousseau is particularly interesting here because he has known both the clandestine scepticism, and the egoism movement. This article takes him as a case study in order to test the validity of its thesis concerning the influence of this underground scepticism on the Enlightenment as a whole.