Les prétentions de Pierre Jacob dans ce livre ne sont pas de développer une thèse positive concernant l’intentionnalité (pour cela on consultera plutôt son autre ouvrage Pourquoi les choses ont-elles un sens?), mais plutôt de présenter une géographie détaillée du traitement philosophique de la question de l’intentionnalité au vingtième siècle. L’auteur s’acquitte admirablement de sa tâche, avec pour résultat que le livre devra maintenant figurer en bonne place dans les bibliographies des cours de philosophie de l’esprit. Cela ne rend pas mon travail de commentateur très facile, mais, en cherchant bien, deux passages me semblent faire problème. Une façon de résumer le contenu de mes remarques aux deux passages du livre de Jacob serait de dire la chose suivante: étant donné que l’intentionnalité des états mentaux est un phénomène naturel, il convient, pour l’étudier, de se tourner sérieusement vers les sciences naturelles (principalement la biologie et la psychologie, mais aussi l’éthologie cognitive). Je ne veux pas dire par là qu’il faut que la philosophie abdique tout rôle dans la discussion des questions reliées à l’intentionnalité, mais simplement qu’elle évite le plus possible la philosophie de salon (armchair philosophy) et qu’elle soit donc informée par les résultats venant des domaines pertinents aux questions qu’elle traite. Je ne crois pas que Jacob soit un philosophe de salon, loin de là, mais mes réponses à ses deux objections montrent à mon avis que l’adoption d’une posture véritablement (ou encore plus) naturaliste a le potentiel de modifier considérablement la forme et le contenu des questions philosophiques sur l’intentionnalité. Si je n’avais pas été habitué à un certain scepticisme concernant la notion de « progrès » en philosophie, je dirais même qu’un naturalisme comme celui auquel je fais référence pourrait faire progresser les discussions sur l’intentionnalité.
Appendices
Bibliographie
- Akins, K. « Of Sensory Systems and the ‘Aboutness’ of Mental States », Journal of Philosophy, 337-372, 1996.
- Churchland, P. S. « Les neurosciences concernent-elles la philosophie? », in J. M. Missa (dir. publ.), Philosophie de l’esprit et sciences du cerveau, Paris, Vrin, p. 11-22, 1991.
- Churchland, P. et P. S. Churchland. « Stalking the Wild Epistemic Engine », in W. G. Lycan (dir. publ.), Mind and Cognition: A Reader, Cambridge, Blackwell, p. 300-311, 1983 et 1990.
- Churchland, P.S. et T. J. Sejnowski. « Neural Representation and Neural Computation », in W. G. Lycan (dir. publ.), Mind and Cognition: A Reader, Cambridge, Blackwell, p. 224-252, 1989 et 1990.
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- Jacob, P. L’intentionnalité: problèmes en philosophie de l’esprit, Paris, Odile Jacob, 2004.
- Keeley, B. « Fixing Content and Function in Neurobiological Systems: The Neuroethology of Electroperception », Biology and Philosophy, 14, p. 395-430, 1999.
- Keeley, B. « Neuroethology and the Philosophy of Cognitive Science », Philosophy of Science, vol. 67, no 3, S404-S417, 2000.
- Keeley, B. « Making Sense of the Senses: Individuating Modalities in Humans and Other Animals », Journal of Philosophy, vol. XCIX, no 1, p. 5-28, 2002.