Le livre de Pierre Jacob est une excellente introduction à un grand nombre de problèmes qui ont préoccupé les philosophes analytiques au cours du siècle dernier. Je veux concentrer mon attention sur les termes directement référentiels discutés au chapitre 4. L’intérêt pour ces termes semble difficilement justifiable aux yeux du non initié. Pourquoi passer tant de temps sur les noms propres et les pronoms? Brentano, qui fait l’objet du chapitre 2, définit le mental, ou l’esprit, en disant que tous les phénomènes mentaux ont une intentionnalité, et Pierre précise que l’intentionnalité est cette capacité de représenter un objet qui peut ne pas exister. L’esprit aurait une relation aux objets par le biais de représentations résultant de cette capacité. Cette thèse, sans précisions supplémentaires, surtout en ce qui concerne « représenter », est suffisamment vague pour qu’il soit difficile de dire ce qui la rendrait fausse sans se faire accuser de l’interpréter de façon peu charitable. L’examen des indexicaux et des noms propres suggère que les notions d’intentionnalité et de représentation mentale trouvent peut-être leurs limites quand elles affrontent ces termes, et que le thème de la relation entre une expression linguistique, une pensée et une chose est plus complexe que ce que l’on croit généralement. Je me pencherai en particulier sur les cas où l’esprit ne peut penser à un objet si cet objet n’existe pas: soi. Ce qui nous ramène au premier chapitre de L’intentionnalité, chapitre consacré à Descartes. La théorie de la référence directe a un caractère plus révolutionnaire que ne le laisse entendre Pierre et laisse croire que nous pensons à certains objets sans l’intermédiaire de représentations mentales de ces objets. Comme il se doit dans le cadre d’une disputatio, je ferai part de mon désaccord avec Pierre en ce qui concerne certains détails de la théorie de la référence directe. Je me permettrai aussi de clarifier un point soulevé par l’auteur, à savoir que la théorie de la référence directe « a pour ambition de conférer aux propositions singulières un rôle central dans l’analyse de la pensée humaine » (p. 87). Les propositions singulières remettent en fait en question notre façon d’analyser la pensée humaine. Selon une thèse très connue, et La théorie de la référence directe donne à penser que A est fausse. Je ne considérerai pas B ici. Supposons que je pense que je suis malade ou que Stumpf est un philosophe. Je pense à moi et à Stumpf. Mais ai-je une représentation de moi? Ai-je une représentation de Stumpf? Je soutiendrai que l’indexical « je » n’implique pas que j’ai une représentation mentale de moi-même et que les noms propres n’impliquent pas une représentation mentale d’un objet. Pierre montre comment le théoricien de la référence directe, devant certaines énigmes soulevées par les noms propres dans une interprétation de dicto, peut se prévaloir de la notion de mode de présentation. Je crois cependant que ces moyens sous-estiment l’influence des théories de la référence directe sur notre conception de la relation entre les mots, les pensées et les choses. 1. Les noms propres occupent une place importante dans la discussion de la question de savoir comment on peut parler d’un objet qui n’existe pas. Les noms qui occupent l’avant-scène sont bien sûr des noms d’objets de fiction: « Zeus », « Sherlock Holmes », etc. Pierre présente la théorie de la référence directe par le biais des noms propres conçus en termes de désignateur rigide de jure. Une description définie comme « le satellite naturel de la Terre » est un terme qui peut être analysé « à la Russell », …
Intentionnalité et référence directe[Record]
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Richard Vallée
Université de Moncton
RVALLEE@umcs.ca