Comptes rendus

Marc Ereshefsky, The Poverty of the Linnaean Hierarchy : A Philosophical Study of Biological Taxonomy, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, 328 pages.[Record]

  • Véronica Ponce

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  • Véronica Ponce
    Université McGill
    Université de Montréal

Le livre de Marc Ereshefsky vise à la fois à initier ceux qui désirent découvrir les problématiques philosophiques inhérentes à la taxinomie biologique et à défendre certaines positions particulières sur celles-ci. La taxinomie biologique est une sous-discipline de la biologie, dont l’objectif central est de déterminer les principes qui devraient guider la classification des entités vivantes. L’auteur développe au sein de son livre trois thèses concernant ces principes ainsi que le système de classification qu’ils motivent. Il argumente en premier lieu que seuls les schèmes de classification historiques conviennent à la taxinomie biologique. En second lieu, il défend une conception pluraliste de la classification taxinomique. Finalement, il soutient que le système taxinomique linnéen doit être abandonné au profit d’un ensemble de systèmes de classification qui n’attribuent pas de rang fixe aux taxons (i.e., aux unités taxinomiques telles que les espèces, les genres, etc.). La première des trois parties de l’ouvrage cherche, d’une part, à introduire le lecteur aux diverses façons de concevoir la classification des entités (et, plus particulièrement, des taxons), et vise, d’autre part, à défendre une conception historique de la taxinomie biologique. Dans les deux premiers chapitres du livre, Ereshefsky décrit tour à tour les trois plus importantes conceptions de la classification des entités (l’essentialisme, les approches « faisceaux » (cluster), et l’approche historique), les principales écoles de taxinomie biologique (la taxinomie évolutionniste, le phénéticisme, le cladisme de Hennig, et le cladisme « transformé » de Nelson et Platnick), ainsi que les principales façons de concevoir la catégorie taxinomique, qui a sans doute reçu le plus d’attention de la part des biologistes évolutionnistes, soit l’espèce biologique (les conceptions biologique, écologique, phylogénétique, etc., d’espèce). Ce mode de présentation a l’avantage de permettre au lecteur de lier les diverses conceptions de la taxinomie biologique à des thèses beaucoup plus générales sur la classification des entités. Dans le troisième chapitre du livre, Ereshefsky soutient que la conception essentialiste de la classification (laquelle exige que les entités classées ensemble partagent une même essence) et les approches « faisceaux » (lesquelles requièrent plutôt que les membres d’une même catégorie possèdent certaines propriétés — pouvant varier d’un membre à un autre — parmi un plus vaste ensemble de propriétés associées à la catégorie) ne peuvent servir de fondement à la taxinomie biologique. Selon Ereshefsky, seule l’approche historique permet de classifier adéquatement les taxons. Bien que sa position à cet égard soit partagée par la vaste majorité des taxinomistes contemporains, l’argument qu’invoque Ereshefsky pour la soutenir ne persuadera probablement pas les philosophes qui, comme Kitcher et Dupré, endossent une variante du pluralisme taxinomique qui incorpore certains schèmes taxinomiques anhistoriques. L’argument en question consiste à dire que seule l’approche historique ou généalogique tient compte de l’une des idées centrales issues de la révolution darwinienne, soit l’idée que l’on ne peut comprendre la diversité du monde organique qu’en étudiant son évolution. Plus précisément, Ereshefsky affirme que seule l’approche historique s’accorde avec le principe bien établi du Darwinisme selon lequel « une façon importante d’expliquer la fréquence d’un trait au sein d’un taxon consiste à citer l’évolution de ce taxon par rapport à ce trait » (p.109). La faiblesse de l’argument tient au fait qu’Ereshefsky n’offre aucun argument pour convaincre ceux qui admettent que l’étude de l’évolution du monde organique constitue un moyen privilégié d’étudier la diversité biologique mais prétendent qu’il ne s’agit pas pour autant de la seule façon de l’étudier. Je reviendrai sur ce point. Ereshefsky clôt la première partie de son livre en abordant brièvement deux sujets épineux. Il se penche d’abord sur la question de savoir si les espèces biologiques …