Disputatio

Réponses à mes critiques [Record]

  • Yvon Gauthier

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Je suis heureux de participer à cette nouvelle rubrique « Disputatio » dans Philosophiques. Pressé par le directeur de la revue de répondre à mes co-débatteurs, je ne peux que répliquer rapidement à la lecture cursive ou partielle de mes correspondants, pressés eux aussi de s’acquitter le plus rapidement possible de leur redevance pour une copie gratuite d’un ouvrage dispendieux, comme le laisse entendre l’un des répondants. Je répondrai à chacun en deux temps, à partir de leurs textes originaux, selon les règles de l’art médiéval auquel je voudrais modestement contribuer. Je ne reprocherai pas aux trois co-débatteurs d’avoir négligé l’un ou l’autre des aspects essentiels de l’argumentation en faveur de la posture fondationnelle que je défends depuis plus de vingt-cinq ans (cf.Fondements des mathématiques. Introduction à une philosophie constructiviste, Montréal, PUM, 1976) et plus récemment dans le triptyque de la logique interne (à commencer par le titre inaugural De la logique interne, Paris, Vrin, 1991). Ces travaux seront complétés par La logique du contenu. Sur la logique interne en cours de publication chez l’Harmattan, Paris, 2004. Un autre ouvrage en anglais The Content of Logic. Foundations of Mathematics after Hilbert est en préparation. Je ne pourrai qu’indiquer ces textes à l’occasion dans ma réponse à la dispute. Je commence par le premier texte dans l’ordre où j’ai reçu les questions. Mais c’est au Frege que je présente dans quatre maigres pages — p. 124-128 — dans un ouvrage de 250 pages, que D. D. s’attaque surtout. Il m’accuse de mutiler et de dénaturer le projet de Frege en le confrontant à celui de Kronecker. Tout en défendant Frege, D. D. ne manque pas de montrer les ambiguïtés de son programme. Je me contenterai de répondre ici que je prends le contre-pied de la proposition générale de Frege que je cite en page 126 de mon texte « Jusqu’où peut-on aller en arithmétique avec les seuls moyens de la logique ? » et que je renverse dans la logique arithmétique en « Jusqu’où peut-on aller en logique avec la seule arithmétique ? » Ce que j’ai voulu montrer, c’est que le programme kroneckerien réussissait pour l’arithmétique de Fermat au même titre que le programme frégéen réussit à produire une preuve de consistance à l’aide du principe de Hume et d’une théorie du deuxième ordre. Mais comme le reconnaît G. Boolos, ce n’est plus de logique mais d’arithmétique qu’il s’agit. Cela, D. D. ne peut le contester, puisqu’il condamne le logicisme au profit d’une arithmétisation de la logique, ce que réclame l’autonomie de l’arithmétique à l’intérieur de l’arithmétique, un énoncé que D. D. semble trouver incompréhensible ; c’est pourtant ce que réalise une preuve d’auto-consistance (cf. E. Nelson’s Predicative Arithmetic, Princeton University Press, 1986). Les frustrations de D. D. dans ce dernier cas touchent davantage, me semble-t-il, à son incapacité de rendre justice à Frege plutôt que de rendre compte des démérites de mon analyse. Le programme d’une logique arithmétique (ou polynomiale) est anti-frégéen ou anti-logiciste, comme je l’ai proclamé depuis De la logique interne (Vrin, 1991). Que le programme de Kronecker ait réussi là où le programme de Frege a échoué (aux mains de Frege) signifie seulement que ce dernier s’arrête sur le seuil d’une preuve d’auto-consistance. L’option philosophique, que je partage ici avec J. Hintikka et W. Goldfarb, entre autres, n’est que le reflet d’une posture fondationnelle qu’on pourrait peut-être baptiser « arithmétisme »pour les besoins de la cause. il le fait au prix d’une double négation sur un ensemble infini (de nombres naturels). Une interprétation intuitionniste du quantificateur effini interdit le passage comme tente …