Bernard Placidus Johann Nepomuk Bolzano naît le 5 octobre 1781 à Prague, au coeur de l’Empire Autrichien. Fils d’un marchant d’origine italienne, Bernard, et d’une mère pragoise germanophone, Cécilia Maurer, il est d’abord éduqué par des instituteurs privés, puis au lycée des Piaristes de Prague. Il étudie la philosophie et les mathématiques à la faculté de philosophie de l’Université Carl-Ferdinand de Prague. Au moment où il termine ses études, en 1799, Bolzano manifeste le souhait de devenir prêtre. Il concède toutefois à son père, qui s’y oppose, de repousser d’un an son projet et en profite pour étudier plus à fond les mathématiques et la philosophie kantienne, fait remarquable lorsqu’on considère que l’oeuvre de Kant est à l’époque mise au ban sur le territoire autrichien. Cette confrontation du jeune mathématicien enthousiaste avec la Critique de la raison pure sera le ressort d’une partie importante de son oeuvre et si Bolzano n’abandonna pas à cette époque l’idée d’une vocation religieuse ce n’est certes pas par manque de goût et de talent pour la « partie spéculative des mathématiques qui appartient aussi en même temps à la philosophie ». Ses raisons ont par ailleurs peu à voir avec son opinion du christianisme, dont il dit même avoir douté qu’il soit « vrai ou de nature véritablement divine ». L’apparent paradoxe est typiquement bolzanien : Bolzano estime qu’une doctrine religieuse n’a pas à être vraie, mais qu’elle est justifiée dans la mesure où le fait d’y croire est garant d’un plus grand bien que le fait de ne pas y croire. L’éthique sociale de Bolzano culmine en effet dans le principe moral suprême selon lequel il faut toujours agir, ayant considéré toutes les possibilités, comme l’exige le bien général. C’est sur cette base qu’il justifie son choix de vocation. Il débute ses études de théologie à l’automne 1800 et rédige simultanément une thèse de doctorat en mathématiques qui sera publiée en 1804 sous le titre : Considérations sur certains objets de la géométrie élémentaire. Deux postes sont alors au concours à l’Université de Prague, l’un en mathématiques et l’autre en « science de la religion catholique ». Il obtint le second. Les responsabilités qui échurent à Bolzano consistaient à enseigner les « principes de la morale chrétienne » à tous les étudiants en philosophie (ce qui à l’époque incluait les arts et les sciences naturelles) et à prononcer des « discours édifiants » (Erbauungsreden) les dimanches et les jours fériés. Bolzano tint son discours inaugural le premier mai 1805 sous le titre : « De la nécessité d’une foi qui avance sur des bases rationnelles ». Ce discours, tout à fait représentatif de ses opinions et de la conception qu’il se fait de son rôle de pédagogue, ne correspondait que trop peu aux doctrines qu’il aurait dû en fait propager. La chaire de science de la religion avait été créée l’année même et l’introduction de ce sujet au cursus visait à neutraliser, par le détour d’une propagande religieuse réactionnaire, voire rétrograde, les contrecoups de la Révolution française sur le territoire austro-hongrois. Trois mois après son entrée en fonction, un décret royal informa Bolzano que son office se terminerait avec l’année académique : on l’accusait d’être « kantien », d’enseigner d’après le catéchisme de Fichte, en d’autres termes, d’être un adepte de la Zeitphilosophie. Il est improbable que ces accusations furent justifiées car Bolzano était au contraire un critique implacable de la « Schwärmerei » idéaliste. Mais il clair que le fait que Bolzano ait enseigné d’après ses propres vues — libérales et tolérantes — et non pas d’après le …
Introduction : Bernard BolzanoContexte et actualité[Record]
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Sandra Lapointe
Université du Québec à Montréal
lapointe.sandra@sympatico.ca