Abstracts
Mots-clés :
- dramaturgie,
- dramaturgie du territoire,
- développement de nouvelles pièces,
- processus de création
En 2007, j’ai découvert l’article d’Elinor Fuchs intitulé « EF’s Visit to a Small Planet: Some Questions to Ask a Play » (2004). Ses propos ont considérablement influencé ma façon de comprendre et de pratiquer la dramaturgie. Seize ans plus tard, je fais toujours référence à ce texte dans mes travaux et je l’enseigne dans mes cours. J’ai donc voulu rendre hommage à l’impact qu’il a eu sur moi, tout en partageant mes réflexions sur la façon dont il pourrait être pertinent pour l’étude du théâtre autochtone. L’essai de Fuchs pose des questions sur l’espace, les règles, les tons, les personnages et l’ordre politique des pièces de théâtre afin d’élargir notre perception et notre analyse des mondes dramatiques. En utilisant une petite planète comme métaphore d’une pièce de théâtre, Fuchs demande à son lectorat d’étudier les mondes par le biais d’une exploration fondée sur des questions lors de la création ou de la lecture d’un texte dramatique. L’accent mis sur la « construction d’un monde » (world building) dans l’article de Fuchs est extrêmement pertinent lorsqu’il s’agit de comprendre et de pratiquer la dramaturgie. Grâce à ce processus intentionnel de construction d’un monde, les textes de théâtre et de performance peuvent être vécus de manière plus impactante par les collaborateurices, le lectorat et le public. Dans ma pratique dramaturgique, lorsque s’entame la construction d’un monde, je demande souvent à mes collaborateurices d’identifier, d’abstraire, d’incarner et d’activer des parties d’elleux-mêmes pour les insérer dans les piliers dramaturgiques de leur processus. Souvent, nous nous retrouvons avec des fragments de souvenirs, d’histoires, de phrases ou de lieux comme points de départ. Le mien est toujours la rivière. Depuis que je travaille en grande partie avec et pour des artistes de théâtre autochtones, j’ai réalisé que certaines de ces petites planètes abritent des histoires, des personnages et des expériences autochtones. Cependant, il y a un manque de spécificité quant à la façon de lire et de comprendre les propositions culturelles faites dans les pièces de théâtre et les textes de performance. Mon intention, dans cet article, est de partager certaines questions que je pose lors d’ateliers de développement de nouvelles pièces, dans les salles de classe et lors des répétitions lorsque je lis ou crée des oeuvres autochtones. Compte tenu de la diversité des origines culturelles des dramaturges et des créateurices autochtones, je ne m’attends pas à voir ces questions servir de feuille de route rigide pour analyser toutes les pièces autochtones, et je ne souhaite pas qu’elles le fassent. J’espère plutôt qu’elles encourageront les gens à plonger respectueusement dans l’univers des pièces autochtones de manière à refléter au mieux qui sont leurs créateurices et d’où iels viennent. En hommage à mes nombreuses visites sur de petites planètes, descendons une rivière. J’habite au bord de la rivière Gatineau et j’observe cette étendue d’eau tous les jours. J’ai réalisé que les rivières sont comme des planètes en ce sens qu’elles ont leurs propres écosystèmes, habitant·es, cycles et règles. Les rivières peuvent être reliées à la terre et à l’eau, se présenter comme calmes ou dangereuses, permettre ou empêcher la navigation, et former d’autres relations que nous ne pouvons peut-être pas voir au premier coup d’oeil. J’en suis venue à considérer que les rivières incarnent des courants, des textures et des récits. En raison de ce lien, j’essaie de voir une pièce comme une rivière, comme une chose toujours en mouvement, avec de nombreux tours et détours. Je vous demande d’essayer à votre tour de voir la pièce comme une rivière. Est-elle étroite ou large? Droite ou sinueuse? Profonde ou superficielle? Opaque ou translucide? …
Appendices
Bibliographie
- FUCHS, Elinor (2004), « EF’s Visit to a Small Planet: Some Questions to Ask a Play », Theater, vol. 34, no 2, p. 4-9.