Le projet de recherche interdisciplinaire Birth(ing) Stories, qui rassemble plusieurs chercheur·euses en sciences humaines et sociales s’intéressant à l’accouchement, a procédé entre autres travaux à la constitution d’un corpus de textes littéraires anglophones et francophones comprenant un récit d’accouchement, avec l’objectif de mettre au jour « les enjeux de représentation esthétiques et culturels » autour de cet événement. Si la scène d’accouchement apparaît dans la littérature dès le Moyen Âge, ce n’est qu’au XXe siècle, toutefois, qu’elle deviendra véritablement, selon Alice Braun, un objet de représentation légitime; comme le souligne la chercheuse, la représentation de la mise au monde touche à la question de « l’indicible et l’ineffable » dans la mesure où l’accouchement, « tout en ayant acquis le statut d’expérience acceptable dans le cadre de la représentation littéraire, reste un vécu situé au-delà des limites du langage ». Les arts de la scène ne s’avèrent-ils pas, dès lors, un espace privilégié pour déployer en de multiples variations la complexité émouvante des « récits de maternité » et des « histoires de naissance », comme le soulignent les directrices de ce dossier thématique de Percées dans leur texte d’introduction? Les quinze articles et documents réunis par Sandrine Le Pors (professeure en théorie et pratique du théâtre et du spectacle vivant à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3) et Amandine Mercier (maître de conférences en arts de la scène et du spectacle vivant à l’Université d’Artois) déclinent ainsi, en autant de perspectives, les modalités de la représentation et de la figuration de la grossesse, de la naissance et de l’accouchement sur les scènes contemporaines. Prolongeant une recherche ayant donné lieu à une journée d’étude en 2018 (Naître et faire naître : la mise au monde dans les écritures et sur les scènes contemporaines) ainsi qu’à un colloque international en 2022 (Théâtres de la naissance et poétiques de l’accouchement), ce dossier rassemble des contributions articulant une réflexion autour de la délicate question de la « représentabilité » de l’acte de la naissance au théâtre, qu’il s’agisse des formes et des modèles privilégiés par les artistes, des contraintes auxquelles il·elles font face et des solutions qu’il·elles proposent, ou encore de ce qui est tu ou invisibilisé dans l’acte même de création. Si la mort, au théâtre, a fait l’objet de multiples publications (voir, par exemple, le numéro 152 de la revue Jeu, « Représenter la mort »), la mise au monde n’a, jusqu’ici, pas suscité autant d’intérêt chez les chercheur·euses en études théâtrales. Nous espérons que ce numéro comblera en partie cette lacune. Les deux premiers articles de la section « Pratiques et travaux » sont consacrés à la réactivation du mythe de Phèdre et d’Hippolyte dans la littérature et le théâtre contemporains. Le premier texte, signé par Athanassios G. Blessios, s’attarde sur l’utilisation de ce mythe dans deux pièces et un poème néohelléniques, respectivement écrits par Aristomenis Proveleggios (s.d.), Elena Penga (2007) et Yánnis Rítsos (1974-1975; 1978), alors que Pierre-Olivier Gaumond analyse, dans le second texte, l’imaginaire médical tel qu’il se déploie dans la pièce Phaedra’s Love (1996) de la dramaturge britannique Sarah Kane. L’oeuvre du metteur en scène polonais Krystian Lupa et des artistes qui s’inscrivent dans sa filiation est quant à elle au coeur du troisième article de cette section, où elle est abordée sous l’angle de la « surexposition de l’intime » par Rébecca Pierrot. Enfin, dans la section « Revue des revues », Jeanne Murray-Tanguay fait la recension de récents numéros de Jeu, Thaêtre et Tangence qui ont pour caractéristique commune d’aborder divers enjeux relatifs à l’« écoute » (des voix, …