Abstracts
Résumé
Cet article pose les principes du slam-théâtre, genre hybride qui fusionne l’expression de la poésie orale à celle du théâtre. Les auteurs explorent comment cette approche augmente le potentiel d’expression corporelle et vocale de la poésie orale, tant par sa théâtralisation grâce à la biomécanique de Vsevolod Meyerhold que par l’intégration d’une démarche performative au niveau de la partition de jeu, et ce, dans l’esprit d’une mécanique dramaturgique. La réflexion, centrée sur une démarche de recherche-création, s’appuie d’abord sur le spectacle Panpan! (2016) de Thomas Langlois, créée pour la scène théâtrale, puis sur Je suis Poisson (2021), qui en constitue une version plus proche de l’art performance.
Mots-clés :
- slam,
- slam-théâtre,
- biomécanique,
- mécanique dramaturgique,
- performativité
Abstract
This article lays down the principles of slam-theatre, a hybrid genre that merges the expression of oral poetry with that of theatre. The authors explore how this approach enhances the potential for bodily and vocal expressions in oral poetry, both through its theatricalization using Vsevolod Meyerhold’s biomechanics, and through the integration of a performative approach in the acting partition in the spirit of a dramaturgical mechanic. This reflection, centred on a research-creation approach, first draws on the performance Panpan! (2016) by Thomas Langlois, which has been created for the theatrical stage, and then on Je suis Poisson (2021), which represents a version closer to performance art.
Article body
Panpan!, avec Thomas Langlois et Léa Ferland. Le Père-poisson rouge (Thomas Langlois) et la Mère-poissonne rouge (Léa Ferland) sur leur sofa, apathiques devant leur télévision. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Avec cet article, nous désirons rendre compte du slam-théâtre, une approche théâtralisée de la poésie orale liée au slam. Genre théâtral hybride qui fusionne l’expression de la poésie orale (slam) à celle du théâtre (biomécanique), le slam-théâtre s’attache à augmenter le potentiel de théâtralité corporelle et vocale de la poésie orale. De ce fait, il opère le déploiement de l’univers dramaturgique latent du texte de la poésie orale qu’est le slam de poésie. À la maîtrise, Thomas Langlois travaillait sur l’intégration de la biomécanique de l’acteur et metteur en scène russe Vsevolod Meyerhold dans le slam, en collaboration avec Liviu Dospinescu, son directeur de recherche. À travers ses laboratoires de recherche-création, il a développé le « slam-théâtre » (Langlois, 2016), dont le terme, à peine mentionné dans le mémoire, n’a pas été approfondi à sa juste valeur. Cet article aborde les impacts du slam-théâtre sur le déploiement scénique de l’univers dramaturgique que recèle la poésie théâtrale[1]. L’effort de théorisation proposé ici s’avère donc crucial à la reconnaissance de cette démarche artistique, et comme il découle des réflexions de Langlois et de Dospinescu, l’emploi d’un « nous » les incluant tous deux sera privilégié et leur permettra d’observer la pratique de Langlois à la troisième personne. Grâce à l’observation des procédés liés à la pratique scénique, nous poserons d’abord les principes du slam-théâtre. Puis nous explorerons la manière dont cette approche augmente le potentiel d’expression corporelle et vocale de la poésie orale, tant par sa théâtralisation que par l’intégration d’une démarche performative axée sur la biomécanique en ce qui touche à la partition de jeu. Nous présenterons la manière dont la biomécanique développe la créativité corporelle, de même que la musicalité de la parole poétique de l’interprète, et ce, dans l’esprit d’une « mécanique dramaturgique » (ibid. : 112-143). Enfin, nous proposerons une description de la forme et des fonctions théâtrales du slam-théâtre en nous appuyant d’abord sur le spectacle Panpan! (2016) de Langlois, puis sur la performance Je suis Poisson (2021) qui en reprend l’univers par l’intégration d’une approche plus performative.
Panpan!, avec Thomas Langlois. Le Père-poisson rouge (Thomas Langlois) frappe des mains devant sa télévision. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Je suis Poisson (pour Ton local, mon bocal), avec Thomas Langlois. Le Poisson rouge (Thomas Langlois) nage dans son bocal, tout en surveillant les passants et les passantes dans la rue. Vitrine d’un local de la rue St-Joseph, Québec (Canada), 2021.
Le slam-théâtre : une pratique métissée entre musicalité de la parole, jeu théâtral et jeu chorégraphié
Le slam-théâtre recherche une dramaturgie fondée tant sur la musicalité de la parole que sur une organisation chorégraphique de la théâtralité corporelle. En premier lieu, rappelons la définition du slam qu’offre André Marceau, slammestre de Québec et poète transdisciplinaire, dans sa préface de Slam ma muse 2 : anthologie des slameuses du Québec :
[L]e slam n’est pas une forme de poésie, mais un cadre de présentation particulier proposé à la poésie, celui d’une compétition qui se joue oralement. Ce contexte singulier – où la prestation (interprétation ou performance) figure au premier rang – favorise une poésie vivante, c’est-à-dire qui met à profit les attributs sonores et rythmiques des mots, tout en explorant une pluralité illimitée d’imaginaires et de propos dans d’innombrables formes et styles poétiques
(Marceau, 2013 : 11).
Ainsi, force est d’admettre que le simple fait de composer une poésie en vue du contexte compétitif du slam amène les poètes à développer des stratégies d’écriture qui favorisent une composition pour l’oralité. Celle-ci exploite le potentiel expressif de la parole et est régie par les conditions de la scène, contrairement à une écriture destinée d’abord à la page[2] : ainsi, « le contexte de compétition et de performance orale du slam peut favoriser et induire l’écriture de certaines formes textuelles [entendons : expressives, théâtrales], au détriment de certaines autres [entendons : des formes plus littéraires] » (Langlois, 2016 : 8). Nous pensons, dans le cas de Langlois, à la recherche de rimes à complexités variables, à l’exploitation d’assonances et d’allitérations, à la recherche d’une rythmicité, d’une texture sonore, voire d’une musicalité qui joue sur un grand spectre de tonalités vocales, etc. (idem). Pour Langlois, comme pour d’autres artistes, le slam a contribué à réactualiser et démocratiser la poésie en l’adaptant aux enjeux esthétiques actuels[3] : le slam se présente comme une poésie au format court et rapide, c’est-à-dire qui cherche à séduire instantanément son public et dont le caractère accrocheur semble a priori s’inscrire dans la tendance des vidéoclips YouTube, TikTok, etc. Le slam n’est donc pas écrit pour être lu, mais bien pour être entendu et, surtout, dans notre conception, vu, à l’image d’une oeuvre théâtrale. Pour cette raison, en ce qui a trait à cette pratique du slam, il nous apparaît plus juste de parler de « poésie vivante qui, pour sa part, englobe plus généralement toutes formes de poésie adressées dans le vivant (scène, audio, in situ), dont la poésie performée, la poésie orale (ou le spoken word) et le slam » (Marceau, 2008 : 49; souligné dans le texte).
Par ailleurs, étant donné que le terme « slam » fait d’abord référence au contexte de mise en compétition des poètes, nous aurions pu choisir une expression telle que « poésie-théâtre » ou nous limiter à qualifier ces créations de « poésie orale théâtralisée ». Néanmoins, l’expression « slam-théâtre » a tout de même été préférée en raison du fait qu’elle concerne essentiellement l’application de techniques théâtrales à un texte poétique lui-même vivant – vu son aspect performatif lié au contexte compétitif qui lui est spécifique, à savoir celui d’une présentation vivante sur scène. Plus précisément, pour nous, l’expression « slam-théâtre » désigne d’abord des créations théâtralisées qui portent en elles l’esprit et l’énergie caractéristiques du slam de poésie ainsi que de son contexte performatif et de son esprit compétitif.
Nous voyons encore la pratique du slam se rapprocher du mouvement Dada, en premier lieu du fait de sa spontanéité qui « demeure un des principes actifs que Tzara et le mouvement Dada désiraient ressusciter, cela étant la voie vers un décloisonnement culturel et le renouveau, mais aussi vers un vécu authentique de la création, tant par le créateur que par le récepteur[4] » (Dospinescu, 2018 : 36). Plus encore, à l’instar des récitals vivants et provocateurs du Cabaret Voltaire, le slam engage et mise sur la présence accentuée des poètes : « Le slam est une pratique spectaculaire et populaire de l’oralité […], mais surtout […] qui cherche à établir un contact direct avec l’entendeur, enfin présent en chair et en os devant le poète, lui-même présent, faisant corps commun avec sa poésie[5] » (idem). Pour achever ce portrait, l’un des aspects les plus importants de la condition artistique du slam est précisément lié à la présence de l’artiste dans un espace scénique et donc à sa théâtralisation : « dans le slam, la poésie s’incarne dans le corps du poète et se manifeste comme art vivant. C’est un principe que Langlois suit de près, surtout dans son projet original de slam-théâtre, dans lequel il cherche à combiner l’expression verbale et l’expression corporelle[6] » (ibid. : 37). Enfin, il convient aussi de dégager de cette aspiration à la condition d’art vivant « le caractère populaire du slam de poésie » qui l’aide à s’affranchir « du carcan de l’élitisme, qu’il soit académique ou artistique, en l’occurrence littéraire[7] » (idem). C’est toute une panoplie de choix de formes d’expression, dont le théâtre, mais aussi la musique et la danse, qui s’offre ainsi à lui.
Concernant sa propre poésie, Langlois préfère l’expression « monologue musical », qu’il emploie depuis quelques années déjà afin de signifier, d’une part, la spécificité orale d’une poésie écrite pour la scène et, d’autre part, les particularités de sa composition même qu’il rapproche de celle des arts combinés de la dramaturgie et de la composition musicale. Si l’approche d’écriture poétique de Langlois s’inspirait initialement du rap, nous préciserons plus loin qu’elle s’inscrit aujourd’hui dans une perspective dramaturgique constructiviste[8]. Le côté poétique de ses compositions naît ainsi d’un arrangement des phonèmes qui relève d’une musicalisation marquée de la parole, voire parfois du souffle du slameur, de ses respirations et d’autres aspects physiologiques du corps et de la voix en performance : il s’en dégage une « partition musicale[9] » (vocale) qui présente souvent des nuances bruitistes, lesquelles relèvent également d’une certaine théâtralité. Par ailleurs, Langlois compose ses textes dans le but avoué de les mettre dans la bouche d’un personnage de lui-même, d’une persona, ce « système complexe de relations entre la conscience individuelle et la société, […] une sorte de masque, créé d’une part afin d’offrir une impression définie sur les autres et, d’autre part, de dissimuler la véritable nature de l’individu[10] » (Jung, 1996 : 192). Cette persona se trouve investie de théâtralité ainsi que de performativité. La partition corporelle du poète-acteur du slam-théâtre est donc en réalité double, puisqu’elle combine une partition théâtrale (corporelle, mimogestuelle[11]). En ce sens, « Thomas Langlois inscrit sa créativité dans la même forme de liberté que celle du temps du Cabaret Voltaire, cherchant à développer la poésie sous différentes formes de transgressions, lui imprimant tout un pan de sensorialité et d’effets inédits...[12] » (Dospinescu, 2018 : 37), tant sur le plan visuel que sonore.
Dès la maîtrise, Langlois pressent la nécessité de développer le potentiel théâtral du slam. Le choix d’intégrer dans l’expression vocale et corporelle du slam des esthétiques et des principes dynamiques de la biomécanique meyerholdienne met en lumière les fondements de l’approche de création du slam-théâtre de Langlois : par l’implication de l’expressivité corporelle qu’elle convoque, la biomécanique favorise (non exclusivement) une esthétique constructiviste, et de ce fait poétique (non quotidienne) du jeu. Émergeant dans les années 1920, dans le sillage du constructivisme russe, la biomécanique se décline en une série d’exercices (études biomécaniques). Développée par Meyerhold, « la biomécanique impose une structure où la précision est indispensable. […] L’acteur vise à acquérir de l’expressivité à travers le développement harmonieux et équilibré de sa sensibilité, de sa dextérité, de sa coordination, de sa souplesse et de sa force dans toutes les parties de son corps » (Baldwin et Mederos Syssoeva, 1999 : 141). La biomécanique meyerholdienne ne doit toutefois pas être confondue avec la biomécanique liée à la physique :
Le terme biomécanique combine le préfixe bio, signifiant « vie », avec le champ de la mécanique, qui est l’étude des actions des forces. La communauté scientifique internationale a adopté le terme biomécanique au début des années 1970 pour décrire la science impliquant l’étude des aspects mécaniques des organismes vivants[13]
(Hall, 2012 [1999] : 2).
Plus précisément, « [l]es biomécanistes utilisent les outils de la mécanique, la branche de la physique qui implique l’analyse des actions des forces, afin d’étudier les aspects anatomiques et fonctionnels d’organismes vivants[14] » (ibid. : 3).
Panpan!, avec Thomas Langlois et Léa Ferland. Le Père-poisson rouge (Thomas Langlois) et la Mère-poissonne rouge (Léa Ferland) frappent des mains devant leur télévision. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Par l’intégration de la biomécanique de Meyerhold dans sa poésie, Langlois espérait charger l’expressivité de son jeu d’une densité poétique[15] à la mesure de celle des textes mis en scène, d’où l’intérêt d’explorer une technique affranchie de la quotidienneté du jeu strictement réaliste et fondée sur le travail du corps et de la voix de l’interprète. L’objectif était d’ouvrir le jeu à une esthétique symboliste, voire excentrique, misant sur une expressivité corporelle et vocale qui cherche l’insolite, l’étrange, le grotesque. Si l’insolite est poursuivi de façon tout à fait naturelle par Langlois, dans le sens d’une quête légitime d’originalité au niveau de la création[16], les deux autres aspects présentent des liens puissants avec des pratiques esthétiques déjà éprouvées dans l’histoire du théâtre et qui se sont constituées en options créatives parfaitement assumées. Ainsi, dans l’approche du jeu de Langlois, l’étrange renvoie à la vision théâtrale de Bertolt Brecht, qui mise sur l’effet de distanciation ou d’étrangéisation (dans une version calquée de l’expression allemande « Verfremdungseffekt »). Sans entrer dans les détails de la notion théorique et du jeu qu’inspire le concept, il suffit de lire les définitions de Bertolt Brecht telles que rapportées et commentées par Patrice Pavis :
BRECHT est parvenu à une notion proche de celle des formalistes russes [référence à Victor Chklovski], en cherchant à modifier l’attitude du spectateur et à activer sa perception. Pour lui, « une reproduction distanciée est une perception qui permet certes de reconnaître l’objet reproduit, mais en même temps de le rendre insolite » (Petit Organon, 1963 : § 42). La distanciation est « un procédé qui permet de décrire les processus représentés comme des processus bizarres » (1972 : 353). « L’effet de distanciation transforme l’attitude approbatrice du spectateur fondée sur l’identification, en une attitude critique […]. Une image distanciante est une image faite de telle sorte qu’on reconnaisse l’objet, mais qu’en même temps celui-ci ait une allure étrange[17] » (Petit Organon, 1963 : § 3)
(Pavis, 2006 [1980] : 99).
Pavis fait également remarquer que, pour Brecht, « [l]a distanciation fait passer du plan du procédé esthétique à celui de la responsabilité idéologique de l’oeuvre d’art » (idem). Dans le slam de Langlois, la musicalisation de l’oralité du langage, qui joue entre autres sur une rythmique extraquotidienne de la parole et l’emploi incongru des accents toniques, associée à la gestuelle symbolique de l’acteur, désarçonne les membres du public, qui doivent alors déconstruire, puis reconstruire leur perception de cette poésie à la fois entendue et vue. L’aspect musical des pièces brechtiennes, les songs parsemés dans la texture dramaturgique constituent l’un des procédés et principes actifs de l’effet de distanciation, de cette étrangeté conférée à l’univers dramatique; cela sert précisément à en affaiblir l’emprise sur l’esprit des membres du public, les empêchant de tomber en proie à l’illusion et de se complaire dans l’identification avec les personnages, leurs émotions et actions. Chez Langlois, l’aspect musical réside dans le lyrisme postmoderne[18] de sa poésie, mais aussi dans la performativité de sa verbalisation sur scène. Plus que l’aspect verbal, la musicalité des textes de Langlois tels que portés à la scène se répercute à travers l’aspect chorégraphique des gestes et des mouvements[19], et s’inscrit dans un processus de théâtralisation augmentée qui est l’une des marques esthétiques de l’artiste. Force est de constater que Langlois utilise davantage l’effet de distanciation dans l’esprit d’une quête esthétique que dans l’objectif de susciter l’éveil politique chez les membres du public comme le faisait Brecht. Mais, surtout, la conception de Langlois mise sur la qualité performative de la figure « distanciante » et sur sa capacité à cultiver l’étrange.
Quant à la notion de grotesque, il s’agit, certes, d’une déformation souvent outrancière de la réalité, qui cherche à produire des effets d’étrangeté. Pour Langlois, cet aspect du jeu puise à la fois dans la vision qu’en a Meyerhold et dans la figure de style du discours scénique à titre d’oxymore, entendu comme conjonction de deux éléments de jeu a priori incompatibles ou comme un effet de contrariété entre la forme et le fond. Béatrice Picon-Vallin parle de « poétique de l’écart » lorsqu’elle précise la façon dont Vsevolod Meyerhold applique le grotesque à la scène :
Le jeu grotesque, qu’on appellera ici grotesque psychologique, consiste à ce stade en un décalage, un écart, dans l’action, entre les situations et les solutions envisagées pour les dénouer. Meyerhold applique cette poétique de l’écart à tous les niveaux, et d’abord dans la direction d’acteurs : décalage entre la quantité d’énergie dépensée par l’acteur et le but de la tâche envisagée, entre la force qu’il met en jeu et son point d’application, entre ce qui est dit et le ton de ce qui est dit, tous éléments qui traduisent en termes de jeu l’écart entre l’insignifiance de l’action des personnages et leur sérieux
(Picon-Vallin, 2004 : 245).
C’est dans ce même esprit que Langlois met en jeu la parole et le corps dans ses performances de slam-théâtre. Larges, excentriques et à l’apparence exagérée, les mouvements inspirés de la biomécanique de Meyerhold ont le pouvoir d’étonner, précisément parce qu’ils secouent les liens entre la forme et le fond, en renforçant à la fois une esthétique et une dynamique du grotesque.
C’est donc investi de tous ces concepts que Langlois conçoit le slam-théâtre, lequel s’annonçait, dès sa première représentation, avec toute la prétention candide que cela impliquait, comme un « nouveau genre théâtral[20] » conçu précisément dans la perspective de théâtraliser, de mettre en scène et de jouer une poésie écrite pour le slam et, plus largement, la poésie orale. Cette théâtralisation était surtout développée par l’intégration de la biomécanique meyerholdienne à l’expression corporelle et vocale de la poésie orale, en exploitant son potentiel pour construire et développer l’univers dramaturgique sur scène.
Panpan!, avec Thomas Langlois. Le Professeur d’école (Thomas Langlois) sonde le public afin qu’il devine la suite d’un texte projeté à l’écran. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
La théâtralisation de la poésie orale
À l’hiver 2015, Langlois présente Panpan! à titre de premier essai de slam-théâtre. Au cours du processus de création de ce spectacle, il lui est donné d’expérimenter et de développer une approche de théâtralisation consciente de l’un de ses textes de poésie orale (Panpan!), initialement destiné à la pratique compétitive du slam. Développée à partir d’un travail dramaturgique préliminaire sur le poème original, la création théâtrale aborde l’aliénation de l’individu noyé dans les médias, incapable de se libérer de ses lieux communs et de ses charges spectaculaires et, ainsi, de récupérer son humanité. On y voit notamment évoluer un couple de poissons rouges baignant jusqu’à saturation dans la désinformation, le divertissement et l’exposition à la violence (verbale, politique, armée, sexuelle, etc.). Le récit, fort simple, se constitue à partir des figures zoomorphes du « poisson rouge » conçues, à travers le jeu stylisé du comédien, en tant que métaphores de l’aliénation. Se manifestant sur scène dès le début de la représentation, elles inspirent un programme narratif linéaire et suggestif, dans sa simplicité, du déclin de l’humanité ou d’une existence en perte des repères de l’être humain : le Poisson rouge, d’abord seul, rencontre la Poissonne rouge, puis tous deux s’accouplent et la Poissonne accouche du Poissonnet. C’est sur ce tissu de motifs zoomorphiques naïfs que se tisse la métaphore existentielle et que se greffent, petit à petit, les motifs d’une humanité aux prises avec le cycle de transmission d’une brutalité et d’un abrutissement millénaires. Quelques extraits du texte original permettront de saisir ici tant le contenu que la forme, à l’écrit, du slam, et quelques-uns des motifs (poisson rouge, hameçon, aquarium, bocal) qui ont inspiré, pour la version théâtralisée, le développement des figures dramaturgiques du (ou autour du) poisson :
Pa-pa, pa, poisson rouge – PAN!, PAN!, PAN!, PAN! / […] Le sadisme est la seule bande son qui plafonne dans nos stations radio / […] Mon père tout c’temps son goût du sang, son bout d’rançon, sa frustration / ce genre d’hameçon pousse dans son téléviseur – tel le viseur / d’un gun à pompe qu’un fou d’Dawson pousse dans l’front / d’une rousse PAN! son sang éclabousse dans l’fond d’sa classe / […] On est une meute de party animals qui s’trémoussent le string lousse / pis s’touchent […] / La vodka, l’rhum, sont notre armement / on augmente le volume de not’ fanfare démente / on enterre le tintamarre des prolétaires / qui s’font mettre à mort, dont on pelte la terre / dans l’verglas d’bombardements / […] J’ai creusé ma blonde, et cruisé ma tombe / Maintenant c’est bon pendez-moi, qu’on garde not’ bordel en silence / pendant qu’l’aut’ bord de l’océan nos frères nous rendent leurs prières mourantes / […] les hommes sont frères du même ventre, nos frontières nous mentent / et y’ont l’front d’faire un noeud ent’ nos cordons ombilicaux / On plonge not’ aquarium dans l’opium des ondes d’Illico / Telle est la vision occidentale / et si t’es trop poisson pour catcher la métaphore / c’est ta télévision, l’ostie d’bocal / Avec not’ fun, on nous rend frogne / avec notre or, on nous rend dort / avec nos fonds, on nous rend fonce / avec nos bornes, on nous rend borgnes[21]
(Langlois, 2016 : 154).
Panpan!, avec Thomas Langlois. Le Poisson rouge (Thomas Langlois) s’écrase devant la vitre de son bocal / l’écran de sa télévision. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Vers un poème corporel
C’est dans la perspective esthétique du grotesque de Meyerhold discutée plus haut que Langlois assemble les résonances potentielles entre le texte poétique et la partition du jeu corporel, laquelle intègre déjà une expressivité tant gestuelle que vocale. Par exemple, alors que le texte entendu affirme une chose, le discours corporel peut quant à lui la réaffirmer, la nuancer, mais aussi se camper en contrepoint par rapport à celle-ci, de sorte à en revendiquer le contraire. Cette approche n’est certes pas novatrice dans le jeu : il suffit de penser au raffinement complexe que permet le jeu réaliste, dont la ligne de pensée souvent contradictoire du personnage génère une expression non verbale qui contredit les propos qu’il tient. Cependant, le slam-théâtre s’attarde plutôt à construire une partition corporelle à partir de gestes poétiques excentriques, non réalistes, stylisés ou, au contraire, qui poussent jusqu’à l’étrangeté des lieux communs de la quotidienneté à travers les gestes référentiels et les figures typées, organisés dans une logique qui tient des effets de rythmicité, de répétitions et de récurrences du texte poétique. En d’autres mots, la partition corporelle du slam-théâtre est conçue comme un poème gestuel se surajoutant à la poésie du texte : « Dans le cas de la création expérimentale, la partition gestuelle a su être si constante, détaillée et complète que nous pouvons affirmer qu’à la partition orale, c’est-à-dire au poème entendu, s’est superposé un “poème gestuel” se voulant à la fois autonome et complémentaire à celui-ci » (ibid. : 52). À l’expression « poème gestuel », nous préférons celle de « poème corporel » qui, selon nous, comprend tant le travail de modulations vocales que celui du langage mimogestuel et des articulations chorégraphiques; cela vient ainsi renchérir, teinter de nuances diverses, voire détourner le propos du texte original par l’ajout d’une nouvelle couche énonciative. Celle-ci se présente alors comme un véritable système de signes expressifs conscients, contrairement au système expressif inconscient des poètes de slam, souvent composé de gestes qui « dansent » sur le rythme (entraînant) de la parole slamée, voire de gestes parasites et de tics[22]. En effet, ces artistes ne possèdent pas nécessairement les acquis des techniques de jeu leur permettant d’organiser ces signes spontanés en une partition théâtrale évocatrice, porteuse, sur la dimension non verbale d’un discours tout aussi poétique que peut l’être le texte.
À titre d’exemple, dans une séquence de Panpan!, la partition musicale[23] – c’est-à-dire le poème, considéré pour le potentiel de musicalité de ses structures phonétiques – laisse entendre un texte qui, grosso modo, aborde le déni apathique nord-américain face aux victimes de guerre et à la violence télévisée. En simultané, la partition théâtrale corporelle, pour sa part, montre le tableau d’une fellation violente : en position fixe, le personnage joué par Langlois se dresse debout face au public et tient par la tête le personnage féminin agenouillé devant lui. Le texte est livré avec des gémissements qui s’étirent de plus en plus sur les sonorités du texte en « on », « oh » et « o ». La fin de la tirade insinue la figure orgasmique de la logorrhée du personnage, qui s’écrie « Pan! Pan! Pan! » (une convention sonore préalablement associée tant à la décharge d’arme à feu qu’au zapping de téléviseur), tandis que sa partenaire balance la tête vers l’arrière, comme si elle recevait des balles de fusil en plein crâne. Langlois joue ainsi à confondre les images des violences militaires et sexuelles. L’isotopie de la violence se décline jusqu’aux images de brutalité que l’on retrouve dans les médias. Après cet orgasme meurtrier, la figure masculine adopte la posture du Christ sur la croix et le personnage féminin agenouillé glisse dans une posture qui rappelle Marie-Madeleine, à ses pieds. Il s’agit là d’un traitement original de l’isotopie et de la polysémie, qui se chevauchent pour générer des sortes de métamorphoses métaphoriques : des figures qui se font, se défont et se refont pour générer avec rapidité de nouvelles métaphores en série. Ce procédé est d’ailleurs l’une des marques de l’écriture scénique de Langlois, mais semble aussi issu d’une urgence de dire (faire entendre) et de montrer (donner à voir) la poésie orale au-delà des mots, ce qui est propre au genre du slam-théâtre.
C’est donc en composant la partition gestuelle que l’image corporelle poétique se surajoute au texte initial, dans une polysémie étendue et évolutive des signes, créant ainsi un nouveau propos qui vient augmenter l’univers métaphorique de la représentation. Notons que cette recherche de densification du sens d’un même segment poétique n’est pas spécifique à la technique théâtrale; elle résonne d’autant plus avec la culture du slam, et s’inscrit davantage dans l’esprit du rap, en ce qui a trait à la notion de bar (« ligne », en français). En effet, « [d]ans le slang hip-hop, les bars se réfèrent aux paroles d’un rappeur, spécialement lorsque considérées extrêmement bonnes[24] » (Dictionary.com, 2023), notamment lorsque l’auditoire est capable de dégager des sens multiples de jeux de mots et d’esprit; l’expression verbale chargée d’un potentiel polysémique peut ainsi contribuer à l’affirmation de la qualité d’un bar. De façon similaire, le slam-théâtre, en combinant un propos visuel (poème corporel) à un propos entendu (poème vocal, texte original), voire à un propos sous-entendu, permet de densifier de façon considérable les significations possibles d’un même segment poétique, compte tenu du fait que chacune des partitions (corporelle, vocale) peut receler, en elle-même, des sens multiples. Dans cette idée, il s’agit en quelque sorte de créer avec le slam-théâtre des bars théâtraux.
Panpan!, avec Thomas Langlois. Le Professeur d’école (Thomas Langlois) adopte une expression de terreur (bouche béante) en référence à Le cri (Edvard Munch, 1893). Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Des rimes gestuelles et des gestualités vocales
Suivant une logique de récurrences sur le plan de ce que nous avons appelé un poème corporel[25], on peut concevoir l’inscription, dans l’expressivité du corps, de « rimes gestuelles », lesquelles incluent également une « gestualité » vocale : « Il s’agit de motifs gestuels se retrouvant à des moments ponctuels de la création […]. [E]n plus de répéter des gestes très similaires, ils le font à des moments symétriques dans la création, de sorte à se répondre entre eux, comme les rimes sonores d’un poème » (Langlois, 2016 : 74). Les rimes gestuelles sont ainsi construites selon une logique de transposition au corps de la rythmicité et des récurrences sonores développées dans le texte et à travers la parole vivante. Autrement dit, au même titre que les suites phonétiques des rimes sonores (partition musicale) se répètent en livrant simultanément des sens différents, certaines suites gestuelles (partition théâtrale) peuvent être rejouées en contextes différents, de sorte à générer des variations interprétatives. C’est le cas, par exemple, dans Panpan!, où les rimes sonores sont suivies des rimes gestuelles (en italique) auxquelles elles sont associées :
(idem).« Mais quand est-ce, tu verras... »
Mouvements d’ouverture des mains et des bras [deux fois] (imitation caricaturale de la naïveté des téléspectateurs apathiques)
« ... la fin d’récréation »
Mouvement d’agitation de la main et du bras droit vers la gauche (imitation de barbouillages d’enfants qui dessinent)
« Mais sans cesse, TVA... »
Mouvements d’ouverture des mains et des bras [deux fois] (imitations de pauses, comme pour prendre une photographie)
« ... ar’vient recréer l’action »
Mouvement d’agitation de la main et du bras droit vers la gauche (imitation d’un mouvement d’écriture en forme de pendule)
Dans cet exemple pris à la fin de la première strophe du texte original de Panpan!, la structure des rimes sonores suit une logique croisée classique de type « ABAB, où A équivaut à la première sonorité et B, à la seconde » (idem). Ainsi, « mais-quand-est-ce / tu-ve-ras » rime avec « mais-sans-cesse / T-V-A », tandis que « la-fin / d’ré-cré-a-tion » rime avec « ar-vient / recré-er-l’ac-tion ». De surcroît, la même logique croisée s’applique aux rimes gestuelles : tout comme les récurrences sonores, les récurrences gestuelles sont ramenées tout en étant chargées d’un sens différent. On remarque également que rimes sonores et rimes gestuelles sont adjointes les unes aux autres, de sorte à soutenir la rythmique tant vocale que corporelle. Une logique similaire se retrouve à la fin de la deuxième strophe :
(Idem.)« J’suis souverainiste, mais des fois ma Fleur de Lys, m’en crisse »
Mouvements d’ouverture des mains et des bras [deux fois[26]]
« Quand d’fil en aiguille, à un océan d’mon nombril mes voisins meurent de... »
Mouvement d’agitation de la main et du bras droit vers la gauche (imitation d’un mouvement hypnotique d’un charmeur de serpent)
« ... fils, en fils »
Mouvements d’ouverture des mains et des bras [deux fois]
« Quand les Indiennes on maquille pour le commerce d’la prostitution »
Mouvement d’agitation de la main et du bras droit vers la gauche (imitation d’un mouvement de maquillage / barbouillage)
« Ay’ P’pa, comment tu veux qu’j’accepte le monde que tu m’laisses pour institution? »
Ici, les rimes sonores diffèrent de celles de l’exemple précédent; les rimes gestuelles, quant à elles, en reprennent le principe. Ainsi, alors que la fin de la deuxième strophe de Panpan! ne répète pas la structure sonore installée à la fin de la première, toutes deux riment pourtant sur le plan gestuel, les mouvements effectués s’avérant des variantes des premiers et réitérant leur disposition croisée (ABAB), tout en leur ajoutant une couche de sens. En effet, les mouvements d’ouverture de la fin de la deuxième strophe rappellent ceux de la fin de la première, tout comme les « mouvements d’agitation », d’hypnose et de « maquillage » de la seconde strophe rappellent ceux de « barbouillages » et d’« écriture » de la première. Outre le simple jeu formel, cette répétition du schéma de rimes gestuelles demeure porteuse d’un discours dramaturgique : l’être humain, puisqu’il se borne à répéter ses tragédies, transmet de génération en génération le terrible legs d’un cycle comportemental destructeur, et s’abuse lui-même à croire, à chaque occurrence, qu’il s’en affranchit, alors même qu’il le réitère. Ainsi va le petit poisson rouge qui, à tout instant, redécouvre la frontière vitrée de son propre bocal et, ce faisant, traverse sa courte vie dans cet état d’ahurissement continuel, désemparé jusqu’à sa mort, se butant incessamment à cette même paroi qui n’est invisible qu’à lui.
Panpan!, avec Thomas Langlois et Léa Ferland. Le Fils-poisson rouge (Thomas Langlois) est en crise et la Mère-poissonne rouge (Léa Ferland) lui offre son flanc. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Vers une mécanique dramaturgique
Dans l’effort de comprendre la forme du discours théâtral de Panpan! ainsi que ses rapports à la production du sens et des effets de théâtralité, il nous est apparu que le projet présentait une structure et un fonctionnement mécanistes. Nous avons vu la pertinence de développer, à partir de nos observations, le concept de « mécanique dramaturgique » (ibid. : 112-143) comme principe actif du slam-théâtre, soit une approche très spécifique du travail dramaturgique et de la mise en scène du slam-théâtre. Inspirée de la biomécanique (entendue ici en tant que branche de la biophysique qui étudie les mouvements du corps humain), la mécanique dramaturgique « invite le créateur à concevoir la création du slam-théâtre à la manière d’un système théâtral aux articulations complexes » (ibid. : 112) et vivantes (bio-). Il s’agit notamment des articulations entre les différentes expressions et de leurs interactions, de sorte à nourrir et faire fonctionner avec précision la dramaturgie scénique sous tous ses aspects : « La parole et le corps agissent comme des pistons parfaitement synchronisés, s’entraînant réciproquement et construisant de façon parfaitement intégrée l’action scénique[27] » (Dospinescu, 2018 : 37). Plus largement, ce travail de mécanisation des ressorts expressifs de l’acteur permet d’articuler les diverses réflexions sociétales contenues dans le texte. Dans Panpan!, la figure du Poisson rouge en constitue un bon exemple : en tant qu’image flamboyante et accrocheuse, à la fois poétique et scénique, mais aussi ironique, caricaturale et plutôt comique (le regard vide et bête, la bouche qui claque dans le vide et laisse entendre un son creux), elle porte un discours qui permet à l’ensemble du public de se rattacher d’un coup à l’image de l’être humain abruti, animalisé par son système. C’est en développant cette image connue du public, par l’articulation des idées au fil du texte, ou, au contraire, en la déconstruisant qu’il devient ensuite possible de la nuancer, de complexifier le rapport de l’ensemble de l’expression poétique avec celle-ci, de sorte à en « reconstruire » une signification plus riche que l’amorce initiale.
Nous avons donc pensé ce système à connexions multiples – où le jeu fonctionne dans une logique d’embranchements et d’articulations dramaturgiques fondées sur (et à partir des) mécanismes internes du texte et surtout de la parole slamée – comme une mécanique fine avec un fonctionnement de haute précision. Dans le cas du spectacle Panpan!, la métaphore du Poisson rouge, présente dans le poème d’origine, s’est vue développée en « figure articulatoire primaire » (Langlois, 2016 : 121-123), c’est-à-dire en figure dramaturgique de la candeur, de la naïveté, du déni et de l’oubli perpétuel, dont l’évolution dans son bocal (sa télévision!), aux côtés de la Poissonne rouge et du Poissonnet rouge, constitue désormais la trame de fond de la création. C’est également à partir de cet archétype métaphorique, zoomorphique et polymorphe, que la création a pu décliner les « figures articulatoires secondaires » (ibid. : 123-124) et « tertiaires » (ibid. : 124-126), qui se rapprochent davantage du stéréotype, du cliché. Les figures ainsi développées, soit à partir de celle du Poisson rouge, soit directement ou par extrapolation de l’univers dramaturgique du texte original, consistent, pour les figures articulatoires secondaires, en le Père-poisson rouge, la Mère-poissonne rouge et le Fils-poisson rouge (ibid. : 124) et, pour les figures articulatoires tertiaires, en le Tueur médiatisé, le Professeur d’école, le Soldat, la Femme-objet, le Macho, le Fils-macho et la Mère-objet – même le cliché du Slameur s’y retrouve, Langlois s’imitant lui-même en prenant la posture de poète scénique (ibid. : 126). Ainsi, le traitement appliqué à la figure poétique initiale du Poisson rouge tient du constructivisme inhérent à la biomécanique meyerholdienne, qui en implique la décomposition en sous-figures poétiques, pour ensuite les assembler jusqu’à les re-composer en poème corporel se superposant au texte original.
Chacune des figures articulatoires transparaît dans une attitude corporelle qui, souvent, lui est propre. Par exemple, le Poisson rouge (figure primaire) se présente dans une attitude corporelle dynamique[28], ses mains ondulant au rythme de sa nage et ses jambes se pliant, comme prêtes à bondir, tandis que le Père-poisson rouge (figure secondaire), présente un dos et des épaules voûtés, et que le Professeur affiche une corporalité rigide, droite, sévère (figure tertiaire). Dans cette logique de mécanique dramaturgique, le slam-théâtre est conçu par la construction d’une partition de jeu fondée sur un système de figures typées (archétypes et stéréotypes) tirées du texte poétique, interconnectées et convoquées à volonté, empruntées l’une après l’autre à la manière d’embranchements, servant à déployer rapidement l’univers dramaturgique de la poésie. En plus de s’inscrire dans l’univers même de Panpan! (par le biais de l’image du zapping devant l’écran), cette logique répond aux conditions qu’impose parfois le format compétitif et réglementé du slam de poésie, où les poètes disposent rarement du temps et du décorum nécessaires pour élaborer des transitions dramatiques dans la durée. Comme le suggère Langlois dans son mémoire, l’emploi de figures typées paraît approprié à la dramaturgie des textes de la poésie orale écrite pour le slam (ibid. : 30), laquelle, afin de rejoindre le plus efficacement possible un public souvent hétéroclite dans un temps donné (ibid. : 29), convoque certaines « références populaires » (ibid. : 30) – par exemple, des références souvent éphémères liées à l’actualité, aux faits divers, clichés, lieux communs et tendances de la culture populaire, etc. Par ailleurs, en raison de la contrainte des trois minutes marquant le slam, il est parfois plus simple de partir d’un lieu commun (auquel tout le monde peut se raccrocher) que l’inverse, pour ensuite le déconstruire et le reconstruire en fonction des conventions posées en scène par l’acteur-slameur tel que le fait Langlois.
Panpan!, avec Thomas Langlois. Le Tueur médiatisé (Thomas Langlois) pointe une arme à feu (mimée) en direction du public. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Panpan!, avec Thomas Langlois et Léa Ferland. Le Soldat (Thomas Langlois) grimace derrière la Femme-objet (Léa Ferland), alors que celle-ci sourit en portant une arme à feu (mimée) dans ses mains, en référence aux vieilles publicités d’enrôlement pour la guerre. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
De la performativité dans le slam-théâtre
Les composantes de la partition de jeu de Panpan!, influencées par la biomécanique et, de la sorte, mécanistes et formalistes, ont généré une forme de distanciation dans le jeu de Langlois, laquelle a donné lieu à une manifestation plus affirmée de sa propre figure de poète en scène. Comme l’explique Lesley Wheeler, « [l]a présence nécessaire du corps de l’auteur sur scène semble garantir une esthétique de l’expression personnelle, et pourtant la prévalence des pièces de groupe souligne qu’aucune voix n’est originale et que ce qui peut prétendre être expression est toujours, en fait, performance[29] » (Wheeler, 2008 : 143). Cette « esthétique de l’expression personnelle » constitue une exacerbation de la tendance à l’autofiction de Langlois, à partir de laquelle il apparaît moins dans la dimension intime et authentique propre à sa personnalité que dans sa représentation scénique de poète, dans ce qu’il convient d’appeler un « personnage théâtral en soi et, par le fait même, de soi » (Langlois, 2016 : 29; souligné dans le texte). Celui-ci se confond finalement avec une persona. Chez Langlois, ce recentrement autour de sa persona de scène l’a amené à procéder à l’intégration de la performativité dans son approche du slam-théâtre. Cette évolution s’est faite en raison, notamment, de l’application trop programmatique que Langlois faisait, dans le contexte universitaire de la recherche, des principes d’entraînement et de l’esthétique de la biomécanique meyerholdienne à sa poésie. Dans Panpan!, cette application de la biomécanique donnait lieu à un jeu empreint d’une froideur trop mécaniste et témoignait parfois d’un creux formaliste. D’ailleurs, le théâtre de Meyerhold semblait par moments souffrir et se voir accuser des mêmes « défauts » par la critique théâtrale de son temps, bien que pour des raisons différentes, notamment politiques.
L’approche performative du slam-théâtre a amené Langlois à réaffirmer la posture scénique de sa persona en intégrant l’improvisation dans ses créations ultérieures, en ouvrant sa partition de jeu à une certaine rétroactivité avec le public. De plus, en développant une partition de jeu moins rigide que celle de Panpan!, c’est-à-dire davantage ouverte et flexible, soumise aux aléas de l’improvisation et de la réponse du public, Langlois en est progressivement venu à intégrer l’« accident » scénique comme élément constitutif de la dramaturgie plus large de son slam-théâtre performatif. D’ailleurs, c’est parfois le performeur lui-même qui cherche à bousculer son auditoire et à le pousser à se manifester, à adapter une posture performative pour ainsi l’attirer dans le jeu, et pour nourrir le jeu et sa théâtralité en temps réel.
C’est notamment le cas dans Je suis Poisson (2021), une performance qui reprend l’univers de Panpan!, diffusée dans le cadre de Ton local, mon bocal, une présentation du Tremplin d’actualisation de poésie (TAP), dirigé par André Marceau . En effet, tandis que Langlois performe dans une vitrine donnant sur une rue passante, il joue au gré de ses inspirations : même si un canevas de base a été préparé, le performeur se permet de choisir aussi des segments de Panpan! suivant son instinct ou la disponibilité du public à interagir avec lui. Ensuite, les segments choisis sont modulés en fonction des interactions avec ceux et celles qui passent. Je suis Poisson s’inscrit dans une volonté de Langlois à travailler de plus en plus des tâches performatives[30] appliquées à l’appareil expressif de la personne de l’artiste. Pensons, par exemple, à l’épuisement qui s’installe progressivement dans la performance et qui peut mener à une confusion mentale en partie recherchée par l’artiste, qui le rend disponible à des réactions ou à des comportements inattendus de la part du public, en stimulant ainsi le côté performatif. Cette approche casse la rigidité ou le formalisme d’une partition gestuelle fixe de slam-théâtre méthodique. Ultimement, la liberté d’expression que procure la performativité dans Je suis Poisson, si développée à son plein potentiel, permettrait également de jouer avec la logique d’embranchements dramaturgiques des figures typées de la mécanique dramaturgique. En effet, les changements en temps réel qu’opère le performeur, notamment lorsqu’il alterne d’une figure typée à l’autre et d’un segment de texte à l’autre, ne s’effectuent non plus en fonction d’une partition de jeu fixe, mais en fonction de ses interactions avec le public. On voit donc, à travers le discours de la persona scénique en situation de performance, poindre la vulnérabilité de la propre personne de l’artiste, ou du moins du poète-acteur que porte celle-ci. C’est cette présence soudainement intime qui vient insuffler une vie, un caractère imprévisible à la tendance parfois mécaniste et trop réglée de la biomécanique.
Je suis Poisson (pour Ton local, mon bocal), avec Thomas Langlois. Le Père-poisson rouge (Thomas Langlois) assis sur une chaise de bureau, « zappe » après les passants et les passantes dans la rue, dans un micro sur pied. Vitrine d’un local de la rue St-Joseph, Québec (Canada), 2021.
Je suis Poisson (pour Ton local, mon bocal), avec Thomas Langlois. Le Fils-poisson rouge (Thomas Langlois), vêtu d’un pyjama une pièce de requin, joue d’une guitare électrique à l’aide de ses dents. Vitrine d’un local de la rue St-Joseph, Québec (Canada), 2021.
En guise de conclusion : un enjeu de tension entre théâtralité et performativité
Pour conclure, la création du slam-théâtre par Langlois participe à une recherche plus large dont l’objectif est d’augmenter et d’exploiter le potentiel d’expressivité scénique, tant corporelle que vocale, de la poésie orale. Ce travail s’opère par la construction d’un jeu inspiré de la biomécanique de Meyerhold et conçu à la manière d’une partition à la fois théâtrale, chorégraphique et musicale, à laquelle se surajoute désormais une partition supplémentaire que nous pourrions qualifier de canevas performatif. Celui-ci, outre le fait qu’il permet de développer et de concrétiser dans l’ici et le maintenant la relation de coconstruction du sens et des effets de théâtralité du poète-acteur avec le public, favorise aussi la mise en place, dans la partition du slam-théâtre, d’un jeu de tensions entre théâtralité et performativité. L’apparente rigidité et la précision du jeu stylisé, souvent inspirées de la biomécanique, subissent par moments une désorganisation générée par les « accidents » scéniques que provoquent les dynamiques performatives de la partition et la réponse, voire l’interaction avec l’auditoire. Ce phénomène a pour effet d’ébranler et en même temps de revigorer la partition initiale de jeu stylisé en l’investissant d’une spontanéité performative qui, tout en confrontant et en mettant à l’épreuve la démonstration de la maîtrise de son exécution, renforce le côté vivant de la performance. Finalement, ce processus de théâtralisation du slam, puis d’intégration de dynamiques performatives, permet de redéfinir et d’ancrer dans le concret le discours initialement contenu dans le texte poétique.
Je suis Poisson (pour Ton local, mon bocal), avec Thomas Langlois. La Femme-objet / Juliette de Shakespeare (Thomas Langlois avec une perruque blonde) debout, un fusil pointé vers sa tempe. Vitrine d’un local de la rue St-Joseph, Québec (Canada), 2021.
Appendices
Notes biographiques
Créateur tant multidisciplinaire qu’indiscipliné, Thomas Langlois pratique la poésie orale (slam), l’art multidisciplinaire et le théâtre. Il est titulaire d’un baccalauréat en théâtre de l’Université Laval et d’une maîtrise en littérature, arts de la scène et de l’écran, où il a développé la théâtralisation du slam de poésie (slam-théâtre) par l’intégration de la biomécanique de Meyerhold, sous la direction de recherche de Liviu Dospinescu et en étant soutenu par une bourse du CRSH. Il y poursuit actuellement des études doctorales sur le jeu cabotin, pour lesquelles il a été soutenu par une bourse de doctorat en recherche du FRQSC.
Professeur titulaire au Département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval, Liviu Dospinescu s’intéresse aux stratégies dramaturgiques menant à l’expérience immersive dans le théâtre phénoménologique de Samuel Beckett, aux métissages disciplinaires, dont la danse-théâtre, et aux études culturelles en arts de la scène. Sa pratique théâtrale, à titre de metteur en scène et d’acteur, s’inscrit dans un théâtre de recherche. Il est membre de l’Institut du patrimoine culturel (IPAC) de l’Université Laval, de la Communauté de recherche interdisciplinaire sur la vulnérabilité (CRIV), de l’Association internationale des critiques de théâtre (AICT), ainsi que membre correspondant de l’Académie du Var (France).
Notes
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[1]
L’article reprend en partie et développe les propos de Langlois dans une conférence-démonstration (Langlois, 2022).
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[2]
Cet aspect a déjà été signalé, de façon plus synthétique, dans un article de Langlois, en ce qui touche à la création Imanipulaton (2017), en collaboration avec Louis-Robert Bouchard : « Malgré que l’écriture du texte de Imanipulaton se montre grandement infusée de mon approche personnelle d’une écriture pour le slam de poésie, laquelle intègre des stratégies d’écriture favorisant les jeux d’oralité et l’emploi de la parole comme matériau sonore (rimes, assonances et allitérations, rythmicité), ce dernier se dégage au final de tout le contexte de compétition propre au slam » (Langlois, 2021). À ce sujet, Christine Hamon-Siréjols rapporte que « [t]out comme la musique, on vit en avril 1923, dans le cadre de la Première Olympiade Littéraire, apparaître un groupe de poètes constructivistes qui publia son premier manifeste : Nous Savons, (Construction serment des poètes constructivistes) (60). Les signataires étaient Zelinski, Selvinski et Tchitchérine qui définissaient le constructivisme comme “la distribution hiérarchique en centripète du matériau, accentué (focalisé) dans le lieu préétabli de la construction”, définition vague qui recouvrait un travail sur la langue poétique traitée comme un matériau sonore dont on pouvait modeler à loisir l’expressivité en jouant sur des effets d’accentuation, de durée des syllabes, de pause de la voix etc… (61). Ce type de recherche reprenait en compte les analyses de l’OPOIAZ sur le signifiant poétique et les premières définitions du constructivisme comme mise en oeuvre consciente d’un matériau » (Hamon-Siréjols, 2004 : 55).
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[3]
« Le slam en tant que phénomène répudie la dominance académique sur la poésie, bien que le conflit entre performance et poésie académique puisse ne pas être une situation permanente » (« Slam as phenomenon repudiates academic dominance over poetry, although the conflict between performance and poetry may not be a permanent state of affairs »; Wheeler, 2008 : 144). Toutes les citations en anglais et en roumain de cet article ont été traduites par nos soins.
-
[4]
« […] rămâne unul dintre principiile active pe care Tzara și mișcarea Dada și le doreau resuscitate, aceasta fiind calea către dezrobirea culturală și reînnoire, dar și către o autentică trăire a creației, atât de către creator, cât și de către receptor ».
-
[5]
« Slam-ul este o practică spectaculară și populară a oralității, dar mai ales […] ce căuta astfel să stabilească un contact direct cu ascultătorul, în sfârșit prezent în carne și oase în fața poetului, el însuși prezent, făcând corp comun cu poezia sa ».
-
[6]
« În slam, poezia se încarnează în corpul poetului și se manifestă ca artă vie. Acesta este un principiu pe care Langlois îl urmărește îndeaproape, mai întâi prin proiectul său original de slam-teatru, în care caută să îmbine expresia verbală și expresia corporală ».
-
[7]
« Caracterul popular al poeziei slam se regăsește și în eliberarea sa de sub cămașa de forță a elitismului, fie el academic sau artistic, în speță literar ».
-
[8]
Nous y reviendrons dans la section « Vers une mécanique dramaturgique » du présent article.
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[9]
Afin d’observer la partition musicale, consulter l’« Annexe 4 : Panpan! [Partition dramaturgique, version finale et complète] » (Langlois, 2016 : 181-278) dans le mémoire de Langlois. De plus, voir le « Chapitre 4 : les apports de la biomécanique à l’expression vocale dans le slam de poésie » (ibid. : 80-111), qui aborde principalement la question de la « partition vocale » dans le slam-théâtre, laquelle se rapporte à la « partition musicale ». Toutefois, plus tôt, Langlois précise reprendre du travail meyerholdien l’« appellation “partition” afin de définir les différentes séquences d’actions scéniques, étant donné que l’exécution de chacune (ici, la partition gestuelle) était déterminée avec une précision telle que l’opération relevait pratiquement d’une interprétation musicale » (ibid. : 51). Il se réfère notamment à ceci : « Trétiakov espérait fixer, pour chaque rôle, une partition vocale, exprimée par un graphique qui aurait permis de préciser le rythme du débit, les coupures, les intonations, le volume de la voix » (Hamon-Siréjols, 2004 : 190).
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[10]
« […] complicated system of relations between the individual consciousness and society, […] a kind of mask, designed on the one hand to make a definite impression upon others, and, on the other, to conceal the true nature of the individual ».
-
[11]
Le mémoire parle plus précisément de « partition gestuelle » : « 3.2 Création d’une partition gestuelle » (Langlois, 2016 : 51-64). Nous reviendrons sur la partition théâtrale dans la section « Des rimes gestuelles et des gestualités vocales » du présent article. Elle peut elle aussi être observée à l’« Annexe 4 : Panpan! [Partition dramaturgique, version finale et complète] » dans le mémoire de Langlois.
-
[12]
« De altfel, Thomas Langlois își înscrie creativitatea în aceeași formă de libertate din vremea Cabaretului Voltaire, căutând să dezvolte poezia prin diverse forme de transgresiuni, imprimându-i o largă paleta de senzorialități și alte efecte inedite ».
-
[13]
« The term biomechanics combines the prefix bio, meaning “life,” with the field of mechanics, which is the study of the actions of forces. The international community of scientists adopted the term biomechanics during the early 1970s to describe the science involving the study of mechanical aspects of living organisms ».
-
[14]
« Biomechanists use the tools of mechanics, the branch of physics involving analysis of the actions of forces, to study the anatomical and functional aspects of living organisms ».
-
[15]
Langlois doit la notion de « densité » poétique à André Marceau, présentée lors d’une discussion conviviale et informelle.
-
[16]
En témoigne l’idée au fondement même du slam-théâtre de Langlois, soit celle de saisir l’opportunité d’une hybridation entre slam et biomécanique meyerholdienne : il s’en dégage une volonté forte d’exploration, de renouvellement de sa propre discipline artistique.
-
[17]
Voir également, à ce sujet, Petit organon pour le théâtre (1978 [1949]) de Brecht pour la discussion approfondie de cette notion.
-
[18]
La poésie de Langlois performe une sorte d’explosion des structures langagières, provoquant une déconstruction du lyrisme classique et une reconstruction à partir de ses débris recollés dans des mosaïques poétiques inattendues. Reposant sur des qualités phonétiques souvent bruitistes (assonances et allitérations inédites), cette poésie cherche à traduire dans une forme de musicalité ou d’ordre sensorisonore le chaos du monde contemporain tel que ressenti par le poète.
-
[19]
S’il ne s’agit pas ici d’une distanciation « brechtienne » à proprement parler, ce travail chorégraphique du mouvement chez Langlois s’attarde à faire ressortir l’excentricité de l’expression corporelle du slam et c’est cette stylisation de la corporalité qui constitue, en soi, une forme de décalage esthétique face au réel et à l’attendu.
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[20]
Dans son mémoire de maîtrise, Langlois soutient que sa « recherche-création […] s’intéresse non seulement à l’hybridation des genres, mais, surtout, à la création d’un nouveau genre d’expression artistique, à la croisée esthétique entre la poésie sonore inspirée du rap et le mouvement biomécanique tiré du constructivisme et du grotesque meyerholdiens » (Langlois, 2016 : 22).
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[21]
Ici, l’emploi de la barre oblique sert à segmenter le vers, de manière à le décomposer en ses parties rimées et rythmiques.
-
[22]
Ce système expressif propre aux poètes touche à la question de l’« esthétique de l’expression personnelle » (« aesthetic of personal expression »; Wheeler, 2008 : 143), que nous aborderons plus loin.
-
[23]
Voir « Chapitre 4 : les apports de la biomécanique à l’expression vocale dans le slam de poésie » (Langlois, 2016 : 80-111).
-
[24]
« In hip-hop slang, bars refer to a rapper’s lyrics, especially when considered extremely good ».
-
[25]
Dans son mémoire, Langlois parle de « poème gestuel » et de « poème visuel » (Langlois, 2016 : 52).
-
[26]
Cette indication comme celle quelques lignes plus bas ne correspondent pas avec le segment correspondant de l’archive vidéo de Panpan! (il est possible qu’une erreur dans la transcription de l’action se soit glissée); nous les avons corrigées et c’est la présente formulation qui en constitue la bonne version.
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[27]
« Vorba și corpul acționează ca niște pistoane perfect sincronizate, stimulându-se reciproc și construind în mod perfect integrat acțiunea scenică ».
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[28]
Sa position reprend celle que l’on retrouve souvent dans les études biomécaniques de Meyerhold, où le corps est disponible au mouvement, à la prise d’élan (ou « otkaz », le terme russe utilisé par Meyerhold).
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[29]
« The necessary presence of the author’s body seems to guarantee an aesthetic of personal expression, and yet the prevalence of group pieces emphasizes that no voice is original and that what may purport to be expression is always, in fact, performance ».
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[30]
C’est-à-dire liées à la « performance (per- + -formance) [qui] peut être entendue comme le processus même de “production d’une forme” ou comme action ou processus conduisant à une forme. Il s’agit donc de la mise en forme de certaines qualités » (Dospinescu, cité dans La Chance et Martel, 2013 : 23), selon Dospinescu; pour une discussion plus large de la notion, voir aussi son article « Aspects généraux de la performativité » (2011).
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- PICON-VALLIN, Béatrice (2004), Meyerhold : les voies de la création théâtrale, Paris, CNRS Éditions, « Arts du spectacle ».
- WHEELER, Lesley (2008), Voicing American Poetry: Sound and Performance from the 1920s to the Present, Ithaca, Cornell University Press.
List of figures
Panpan!, avec Thomas Langlois et Léa Ferland. Le Soldat (Thomas Langlois) grimace derrière la Femme-objet (Léa Ferland), alors que celle-ci sourit en portant une arme à feu (mimée) dans ses mains, en référence aux vieilles publicités d’enrôlement pour la guerre. Studio 1 du LANTISS (Université Laval), Québec (Canada), 2015.
Je suis Poisson (pour Ton local, mon bocal), avec Thomas Langlois. Le Père-poisson rouge (Thomas Langlois) assis sur une chaise de bureau, « zappe » après les passants et les passantes dans la rue, dans un micro sur pied. Vitrine d’un local de la rue St-Joseph, Québec (Canada), 2021.