Abstracts
Mots-clés :
- politique,
- engagement,
- chimère,
- jouer,
- attention
Le théâtre est politique. C’est du moins ce qu’affirment les contributeur·trices des numéros dont ce compte-rendu se propose de faire l’exploration. Qu’il s’agisse de critiquer ou de repenser notre monde, de représenter ou de combattre une menace (dans bien des cas, rendue beaucoup plus tangible par la crise sanitaire), les arts de la scène apparaissent comme le lieu de toutes les luttes. Les publications 176 et 177 de la revue Jeu l’illustrent tour à tour : la première, « Engagement et éc(h)o », cherche à faire briller des pratiques centrées autour de la conscience écologique; la deuxième, « Chimères et autres bêtes de scène », s’efforce de tirer de l’ombre des identités et des démarches dramatiques qui s’engagent à contre-courant. Théâtre/Public propose, de son côté, un dossier intitulé « Jouer » et explore diverses manières de s’engager par le jeu. Enfin, le numéro 4 de Corps-objet-image, titré « Théâtres de l’attention », prospecte de nouvelles voies artistiques pour entraîner les sens dans la redécouverte du monde. Dans son éditorial du dossier 176, Raymond Bertin témoigne de la volonté de l’équipe de Jeu de « se tourner résolument vers l’avenir », tout en soulignant la sérendipité de ce numéro autour de l’écologie à l’heure où la pandémie et d’autres catastrophes bouleversent le monde tel qu’on le connaît. Les articles qui y sont réunis, nous dit-il, font la preuve que l’engagement artistique est un engagement citoyen, et que l’inverse, souvent, est aussi vrai. D’entrée de jeu, Anne-Marie Cousineau observe les spectacles Bande de bouffons (Théâtre du Tandem) et Hidden Paradise (Alix Dufresne et Marc Béland) qui, bien qu’ils traitent de thèmes différents, dénoncent tous deux le système capitaliste fondé sur un cycle infini de production et de consommation. Inspirés de conférences tenues par Alain Denault, ces essais scéniques induisent l’inconfort général en désarticulant le discours comme les corps pour mieux insuffler la révolte. Pour sa part, Ralph Elawani s’enquiert de nouvelles perspectives dans les coulisses des arts vivants et explore les pratiques durables et responsables, notamment celles de l’organisme à but non lucratif Écoscéno, qui oeuvre dans le recyclage des décors. Dans leur article intitulé « Faire Ondinnok, l’enseignement d’une vie », Anaïs Gachet et Dave Jenniss retracent l’histoire des productions Ondinnok qui, à travers une démarche caractérisée par la quête identitaire et la guérison, s’emploient à « réautochtoniser le milieu des arts » au Québec depuis trente-cinq ans. Esther Thomas, quant à elle, invite avec son plaidoyer pour la subversion au théâtre à prendre conscience du système dans lequel l’art dramatique québécois, certes politisé, est intriqué. Elle met le public en garde contre une certaine « jurisprudence » artistique qui conditionne implicitement les discours du côté de la scène comme de la réception. À sa suite, Marie Labrecque souligne à sa manière l’uniformité du paysage théâtral québécois en tournant son regard vers la thématique environnementale dont de multiples productions s’emparent, semble-t-il, sans relâche depuis quelques années. Les exemples sont nombreux : Les Hardings, J’aime Hydro, La cartomancie du territoire en passant par Pétrole, et d’autres encore sont cités à l’appui. C’est toutefois cette dernière pièce de François Archambault qui fait l’objet d’une attention plus pointue de Labrecque, l’amenant à affirmer le pouvoir de projection de la fiction qui, même en relevant l’absence de consensus, demeure un observatoire privilégié des impacts de ces crises sur l’être humain. La contribution « Écrire le climat », signée Chantal Bilodeau, nous transporte au coeur de la démarche professionnelle de la dramaturge liée depuis plusieurs années aux enjeux climatiques. Elle s’est d’abord démarquée par l’écriture de son cycle de huit pièces intitulé …