Documents

Extrait de Faust augmenté. Partie n° 1, « Forêt et tempête »[Record]

  • Pauline Peyrade

Elle se lève. Un jardin. Ordure. Margot. Enlève tes mains, sale merde. Tu vas le laisser comme ça? Le pauvre homme. Il ne m’aime pas. Il veut te sauver la vie. Il veut prouver qu’il peut être plus fort que la mort, ce n’est pas pareil. Tu penses trop. Est-ce qu’il m’entend? D’après toi? Laisse-moi lui parler. Pourquoi faire? S’il m’aime, il me laissera partir. Et toi? Tu l’aimes? Moi? Et tu vas le laisser échouer? Laisse-moi lui parler. Margot. Laisse-moi lui expliquer. Tu meurs, Margot. Ton sang te rend folle. Mon corps, je veux le sentir en mille morceaux. Je veux le sentir cendre et gaz dans ma bouche. Je veux sentir mes graisses fondre sur mes muscles, mes cellules se dissoudre. Je veux sentir mon sang déborder de mes veines, les cellules malignes, malades, immatures se répandre et tout prendre, tout squatter, qu’elles se collent partout et qu’elles transpirent et qu’elles fécondent tout ce qui reste de leur poison. Que mon corps devienne du poison. Ma sueur se colle à ta peau et féconde tes cellules saines et te tue. Ma sueur te tue. Ton sang génétiquement modifié, ton sang de bien-portant, je n’en veux pas, il m’écoeure, il me brûle, ma peau s’effrite. C’est quoi, ton amour? On refuse sa vie à une femme, on refuse sa mort à une femme, il est où, ton amour? Arrache tes aiguilles de mon sang, tes aiguilles n’ont rien à faire dans mon sang. Ça suffit. Lève-toi, Margot, viens, tu veux voir la nuit, Margot? Danse, par ici. Sois forte et rouge, Margot, fracasse, brise tes os, pique-toi au rouet de la sorcière, dors cent ans, ça grimpe, température, ça chute, froid. Margot danse avec le diable. Elle s’enfonce sur sa queue à piques. La queue du diable a des épines, tu le savais, Margot? Le diable bande dur comme la mort, ses épines se gonflent de poison pour toi, Margot, lèche, Margot. La vie et la mort sont une seule et même chose. Une seule et même chose. Danse. Viens prendre la mort, ça va être une fête. Danse, viens plonger dans la nuit, Margot se liquéfie, Margot se délite, globules, cellules, elle chasse les chimères de son corps, sa peau pousse, ses muscles fondent. Bats à mes tempes, mon sang, gonfle mon coeur, remplis ma bouche et mes yeux que je leur fasse peur, Margot se transforme, Margot prend l’eau, Margot fuit de toutes parts, Margot crache des épines, ses veines sont énormes, elles gonflent, elles déchirent sa peau, Margot? Lève-toi, Margot, viens. Toi. Margot. Coupe ta langue. Toi aussi, tu résistes. Bouffe ta langue et crève avec. Toi, ta langue, tes mots, tout ce qui sort de toi, du poison. Tu l’abandonnes. Tu me fais horreur. Tu es lâche. Tu lui empoisonnes le bon sens. Pas le courage de rester en vie pour l’amour, toi non plus tu ne vaux rien, pas la peine qu’on se batte. Crève. C’est toi qui vas crever, c’est toi qui crèves en ce moment. Je me vide. Mon sang malade et impur et immature, il est chaud, un jardin tropical. Margot s’en va. Margot est un tas de feuilles et de sève et de dents et de racines, sa langue est une fleur vénéneuse, un pétale empoisonné. Elle a des ronces dans les cheveux et sur les dents. Margot pousse dans la main du diable. Le diable a la main verte. Regarde-moi. Elle cueille une fleur de laurier rose. En arrache les pétales, un par un. Il m’aime. Non, il ne m’aime pas. Elle met dans sa bouche les pétales de …

Appendices