Number 30, Fall 2016 Patrimoine oral et valorisation à l’ère du numérique (1ère partie) Guest-edited by Marlène Belly and André Magord
Table of contents (8 articles)
Avant-propos
Études
Volet : Patrimoine oral et sociétés
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Construire la mémoire d’une communauté : le cas de la francophonie ontarienne
Lucie Hotte
pp. 15–31
AbstractFR:
Cet article explore certaines pistes de réflexion au sujet des rapports entre la valorisation du patrimoine culturel, la préservation de la mémoire collective et la constitution de fonds d’archives, leur numérisation et leur diffusion en ligne à partir de l’expérience acquise lors d’un projet de recherche financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada intitulé « Construction d’une mémoire française à Ottawa » (projet dirigé par Anne Gilbert). Après une brève présentation du projet, l’article se penche sur les rôles que jouent la mémoire et, conséquemment, les archives pour les communautés minoritaires, puis réfléchit à l’apport des outils numériques pour la préservation du patrimoine culturel et sa diffusion.
EN:
This article explores the relationship between the valorization of cultural heritage, the preservation of collective memory and the constitution of archives as well as their digitization and their online distribution, based on the experience gained during a research project funded by the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada entitled “Construction d’une mémoire française à Ottawa” (a project led by Anne Gilbert). After a brief presentation of the project, the article examines the roles of memory and, consequently, archives for minority communities, and then considers the contribution of digital tools for the preservation and dissemination of cultural heritage.
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Réévaluer la place de l’Aquitaine dans le tourisme de mémoire transatlantique (France, Québec, Acadie) : des voyages des associations de familles-souches aux circuits patrimoniaux
Bernard Cherubini
pp. 33–53
AbstractFR:
L’Aquitaine est restée en retrait de la dynamique des échanges entre la France et le Québec, et avec l’Acadie, lors des commémorations de la fondation de l’Acadie en 2004 et de Québec en 2008, tandis que la région Poitou-Charentes impulsait de nouveaux projets patrimoniaux et de mise en valeur touristique des lieux de mémoire. Concevoir un circuit touristique rural ou urbain au-delà d’une ligne Royan-Angoulême présente toutefois l’avantage d’ouvrir un débat riche d’échanges, d’idées et de confrontations au sein des milieux professionnels du tourisme, du patrimoine et de l’inventaire des lieux de mémoire, peu concernés jusqu’à présent par les migrations des familles souches vers la Nouvelle-France. La ville de Bordeaux vient toutefois de créer les « Chemins du Québec à Bordeaux ». De possibles extensions de ces circuits patrimoniaux en direction du Blayais et de la vallée de la Dordogne sont aussi envisagées, à l’image de ceux du Béarn, autour du baron de Saint-Castin. L’ingénierie des chemins de mémoire doit pouvoir profiter de l’impulsion apportée par les rassemblements de familles-souches, par le développement d’un tourisme domestique intéressé par les collectes de mémoire, du patrimoine culturel immatériel.
EN:
Aquitaine remained marginal to the dynamics of exchanges between France and Quebec, and with Acadia, during the commemorations of the founding of Acadia in 2004 and Quebec in 2008, while the Poitou-Charentes region organized new heritage projects and touristic enhancement of places of memory. However, designing a rural or urban tourist circuit beyond a Royan-Angoulême line has the advantage of opening up a rich debate of exchanges, ideas and confrontations within the professional circles of tourism, heritage and tourism, the inventory of places of memory, little concerned until now by the migrations of families to New France. The city of Bordeaux, however, has just created the “Chemins du Québec à Bordeaux.” Possible extensions of these heritage-focused circuits towards Blayais and the Dordogne valley are also envisioned, like those of Béarn, around the baron of Saint-Castin. The engineering of memory trails must be able to take advantage of the impetus provided by family-oriented gatherings, by the development a domestic tourism that taps into memory collection and intangible cultural heritage.
Volet : Numérique et valorisation du patrimoine oral
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Du canot à glace sur le Saint-Laurent au parapluie de berger des Pyrénées : les inventaires du patrimoine culturel immatériel au Québec et en Aquitaine
Patricia Heiniger-Castéret and Mathilde Lamothe
pp. 57–75
AbstractFR:
Avec le projet d’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel (IREPI) débuté en 2003-2004, le Québec figure parmi les pionniers à mener un inventaire du patrimoine culturel immatériel sur son territoire. Sélectionnant des personnes-ressources ou « porteurs de patrimoine », la Chaire de recherche du Canada du patrimoine ethnologique de l’Université Laval a développé une méthodologie alliant des techniques d’entretien et des techniques audiovisuelles pour mener des enquêtes de terrain. Ces données collectées sont valorisées par le biais des nouvelles technologies en créant un inventaire multimédia sur internet, et non par la méthode « classique » d’un simple inventaire papier ou par fiche. En 2006, la France se lance dans cette entreprise en s’inspirant de la méthodologie utilisée au Québec. L’une des opérations-pilotes, menée en Aquitaine, se tourne également vers les outils audiovisuels pour mettre en image l’inventaire du patrimoine culturel immatériel, en suivant une méthode de recherche alliant démarche empirique, fiches d’inventaire (description textuelle et réalisation de court-métrages) et valorisation sous forme d’exposition physique et virtuelle. Si les méthodes d’investigation pensées sur le mode ethnologique semblent similaires, ces inventaires émergent dans un contexte historique, social et politique particulier qui les façonne et les modèle en fonction de la rhétorique patrimoniale ou du cadre institutionnel et juridique en vigueur de chaque côté de l’Atlantique. Les problèmes de temporalités du travail d’enquête, de conservation et d’exploitation des données collectées, de « regard patrimonial » et de sa construction sont également inhérents à ces projets de recherche appliquée.
EN:
Owing to the Inventory of Ethnological Resources for Intangible Heritage (IREPI), begun in 2003-2004, Québec became a pioneer in the creation of an inventory of intangible cultural heritage on its territory. In selecting resource persons or “heritage bearers,” Université Laval's Canada Research Chair in Ethnological Heritage has developed a methodology combining interview techniques and audio-visual techniques to conduct field surveys. These collected data are valorized by means of new technologies by creating a multimedia inventory on the Internet, rather than by the “classical” method of a simple paper inventory or by card. In 2006, France embarked on this trend based on the methodology used in Quebec. One of the pilot operations, conducted in Aquitaine, also turns to audiovisual tools to image the inventory of intangible cultural heritage, following a research method combining an empirical approach, inventory sheets (text description and short films), and dissemination in the form of physical and virtual exposure. If these ethnological-style methods of investigation seem similar, these inventories emerge in a particular historical, social, and political context that shapes and models them according to the rhetoric of heritage or the institutional and legal frameworks in place on either side of the Atlantic. The temporal problems of survey work, of the conservation and use of collected data, and of the “heritage gaze” and its construction are also inherent to these applied research projects.
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Les sources ethnomusicologiques des Arts et Traditions Populaires aux Archives nationales, valorisation numérique d’un patrimoine unique
Martine Sin Blima-Barru and Pascal Riviale
pp. 77–89
AbstractFR:
Pendant cinq décennies Claudie Marcel-Dubois et Maguy Andral, figures incontournables de l’ethnomusicologie au Musée des Arts et Traditions populaires, collectent un matériel d’étude d’une grande richesse et d’une grande diversité, abordant les pratiques musicales, la facture et l’organologie sur la presque totalité du territoire métropolitain français et dans certaines terres d’outre-mer. À la veille de redéployer ses collections à Marseille, le Musée des Arts et Traditions populaires (devenu MuCEM en 2005) lance une vaste opération de sauvegarde des archives. L’article apporte un éclairage particulier sur les archives ethnomusicologiques qui tiennent, dans cet ensemble, une place éminente. Dans le cadre d’un partenariat entre les Archives nationales, une équipe du IIAC (laboratoire d’anthropologie CNRS-EHESS) et MuCEM, la numérisation des archives écrites, des photographies et des enregistrements sonores, est en voie d’achèvement, prochainement accessibles sur Internet. L’éventail des possibilités d’interrogation et d’exploitation qu’ouvrira la dématérialisation d’un fonds sans équivalent pour l’ethnomusicologie en France est très vaste.
EN:
For five decades, Claudie Marcel-Dubois and Maguy Andral, key figures in ethnomusicology at the Museum of Popular Arts and Traditions, collected study material of great diversity, addressing musical practices and organology on almost all French territory, including some overseas territories. On the eve of reopening its collections in Marseille, the Museum of Popular Arts and Traditions (renamed MuCEM in 2005) launched a vast operation to safeguard the archives. The article sheds a particular light on the ethnomusicological archives which figure prominently in these collections. Thanks to a partnership between the National Archives, a team from the IIAC (CNRS-EHESS Anthropology Laboratory) and MuCEM, the digitization of the written archives, photographs and sound recordings is nearing completion and will soon be accessible on the Internet. The dematerialization of an unrivaled collection for ethnomusicology in France opens a broad range of new possibilities for examination and interpretation.
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Cantu in paghjella : Patrimoine Culturel Immatériel et nouvelles technologies dans le projet I-Treasures
Catherine Herrgott
pp. 91–113
AbstractFR:
Le Cantu in paghjella est une pratique traditionnelle corse de chants polyphoniques, qui a été reconnue par l’UNESCO comme Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) et inscrit en 2009 sur la Liste de Sauvegarde d’urgence. Le Cantu in paghjella, combinant trois registres vocaux masculins, représente un pilier de la culture corse et se chante a cappella dans diverses occasions festives, sociales et religieuses. Le principal objectif du projet I-Treasures est de développer une plate-forme ouverte et extensible pour fournir un accès aux ressources du PCI, permettre l’échange de connaissances entre chercheurs et contribuer à la transmission des savoir-faire rares des trésors humains vivants, par l’apprentissage de chants traditionnels, comme le Cantu in paghjella. Nous présentons dans cet article, le travail effectué avec les chanteurs sur la capture et la transmission de ce type de chant à plusieurs voix. Nous aborderons les technologies permettant de sauvegarder et de transmettre le chant polyphonique corse et comprenant une étude préalable à la mission de collectage afin de recueillir des témoignages pertinents des chanteurs traditionnels sur les différents aspects de leurs pratiques et techniques vocales. Il y sera fait une présentation sur l’utilisation de notre nouveau système de capture de données à l’aide d’un casque multi-capteurs qui permet l’enregistrement simultané de voix multiples et la synchronisation de données acoustiques et articulatoires. Nous verrons comment ce travail peut contribuer aux initiatives locales visant l’amélioration de l’accès aux données sonores, mais aussi aux mesures de sauvegarde d’urgence de l’UNESCO.
EN:
Cantu in Paghjella is a traditional Corsican practice of polyphonic chants, which has been recognized by UNESCO as Intangible Cultural Heritage (ICH) and registered in 2009 on the Emergency Safeguarding List. Cantu in Paghjella, combining three male vocal registers, represents a pillar of Corsican culture and is performed a cappella on various festive, social and, religious occasions. The main objective of the I-Treasures project is to develop an open and scalable platform to provide access to ICH resources in order to enable the exchange of knowledge between researchers to contribute to the transmission of rare know-how of living human treasures, by learning traditional songs, such as Cantu in Paghjella. This article presents the work done with the singers on the recording and transmission of this type of song with several voices. We will discuss technologies to save and transmit Corsican polyphonic singing, including a study prior to the collection mission to gather relevant testimonies of traditional singers on the different aspects of their vocal practices and techniques. We will then present the use of our new data capture system using a multi-sensor headset that allows simultaneous recording of multiple voices and synchronization of acoustic and articulatory data. We will see how this work can not only contribute to local initiatives aimed at improving access to sound data, but also to safeguarding measures of UNESCO.
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Patrimoine oral et transcription – exemple de deux variétés de français canadiens : acadien vs laurentien (Est et Ouest)
Pierre-Don Giancarli
pp. 115–135
AbstractFR:
Le patrimoine immatériel que constituent les témoignages enregistrés ont ceci de particulier qu’ils sont souvent exploités à partir de leur transcription écrite. C’est cette étape de la transcription que, à partir de treize corpus acadiens et laurentiens de l’Est et de l’Ouest, nous souhaitons mettre ici en relief, en montrant qu’elle n’est pas le rendu à l’identique d’une tranche de « réel » mais un construit à la fois plus ou moins appauvri et éventuellement enrichi, qui est le résultat d’une succession de choix motivés et de résolution de problèmes qui ne sont pas sans conséquence sur le travail interprétatif du chercheur.
EN:
Paradoxically, intangible heritage made up of (audio-/video) recorded testimony is often accessed through its written transcript. The importance of the stage of transcription is what we would like to focus on here. Drawing from thirteen Acadian and Laurentian French corpora, we aim to demonstrate that a transcript is not the faithful rendering of a segment of reality but a construct. This construct, both more or less impoverished and sometimes supplemented, results from a chain of motivated choices and resolution of problems which may have a far-reaching impact upon the interpretative work of the researcher.