Abstracts
Résumé
Si les recueils de littérature orale dont j’ai assuré l’édition n’ont pas posé de problème majeur — il s’agissait de textes clos, repris de l’imprimé —, le retour aux manuscrits en vue de publier les contes que Perbosc a recueillis au début du xxe siècle pose la question de la rupture avec l’oralité qu’opère chaque passage à l’écrit d’une narration orale (transcription, reconstruction, adaptation, traduction), selon des critères liés à l’époque et à l’optique de l’éditeur. Or la conservation de la performance orale sur bandes magnétiques et les enregistrements en continu des discussions qui l’entourent donnent accès à des pans entiers de l’art du conte que les notes des ethnographes les plus vigilants ne nous permettaient pas d’envisager. Ainsi de la collecte inédite, conduite par Marie-Louise Tenèze, dans une région proche, un siècle plus tard, dont j’examine la possibilité d’une édition. L’examen de tels documents fondera ma contribution à l’atelier.
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Appendices
Note biographique
Josiane Bru
Ingénieur à l’École des hautes études en sciences sociales (Lisst-Centre d’anthropologie, Université de Toulouse ii), Josiane Bru est ethnologue et responsable du chantier du Catalogue du conte populaire français, précédemment conduit à Paris par Paul Delarue et Marie-Louise Tenèze : Le conte populaire français – Contes-nouvelles (t. iv, vol. 2, en coll. avec M.-L. Tenèze, 2000). Elle intervient sur des questions de littérature orale auprès de divers publics et praticiens du conte (bibliothécaires, conteurs, animateurs…). Plus particulièrement attentive à la tradition narrative d’expression occitane, elle assure régulièrement des travaux d’édition de contes provenant de fonds inédits, notamment les collectes des contes occitans d’Antonin Perbosc (4 vol., 1982–1994) et d’André Lagarde (2 vol., 2003–2005), et, récemment, la collecte du linguiste Jacques Boisgontier en Gascogne (2009).
Notes
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[1]
Marie-Louise Tenèze et Georges Delarue (dir.), Nannette Lévesque, conteuse et chanteuse du pays des sources de la Loire, Paris, Gallimard, « Le langage des contes », 2000, p. 8.
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[2]
Vivian Labrie, Précis de transcription de documents d’archives orales, Québec, Iqrc, « Instruments de travail » n˚ 4, 1979, p. 25.
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[3]
Nicole Belmont, « Lacunes, altérations, lapsus dans le récit oral », Topique, n˚ 75, 2001, p. 181.
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[4]
Nicole Belmont, Poétique du Conte, Paris, Gallimard, « Le langage des contes », 1999, chapitre 4. Cf. aussi la distinction entre les deux catégories de création établie par André Jolles, Formes simples, Paris, Le Seuil, 1972 [1930].
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[5]
Si le conteur oublie de dire que le roi qui cherche à marier sa fille a aussi un fils, c’est peut-être que cela n’a qu’une importance relative à ce moment du récit. L’histoire du fils du roi pourra toujours se greffer plus tard sur la partie du conte qui concerne la fille. Dans le récit oral, il n’y a pas besoin de signaler dès le départ tous les éléments qui interviendront plus tard. Peut-être d’ailleurs les auditeurs les oublieraient-ils?
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[6]
Vivian Labrie, op. cit., p. 13.
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[7]
Selon l’expression du poète occitan Yves Rouquette.
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[8]
Comme les documents de travail qui ont servi de support à cette rencontre ou les plus anciennes tentatives de normalisation en vue de la transcription des ethnotextes, l’ouvrage de Vivian Labrie en donne des exemples frappants.
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[9]
Vivian Labrie, op.cit., p. 106.
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[10]
La traduction des imparfaits du subjonctif et des temps surcomposés de l’occitan populaire produit un décalage, car, en français par exemple, ces modes de conjugaison relèvent du langage châtié des catégories sociales lettrées.
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[11]
Par exemple quand le conteur a des difficultés avec le déroulement de l’histoire ou qu’il effectue des associations inhabituelles. On avait l’habitude de considérer que toute version manquant de cohérence est le résultat d’une perte. Marie-Louise Tenèze en propose une lecture plus nuancée en voyant, dans une version de Nannette Lévesque notée par Victor Smith, la manifestation « d’un conte qui se cherche, d’une “création” en cours, non achevée, non encore suffisamment limée » (Marie-Louise Tenèze et Georges Delarue, op. cit., p. 231).
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[12]
Beaucoup de jeunes enseignants des classes bilingues (occitan-français) ou des Calandretas (écoles d’enseignement immersif) n’ont pas fait d’apprentissage naturel de la langue qu’ils enseignent et qui se présente toujours sous forme dialectale. Leur parler s’appuie de plus en plus sur la lecture de textes dans la graphie de l’Institut d’études occitanes. Cette graphie, dont l’intérêt principal est de mettre en avant l’unité de la langue, estompe du même coup maintes variations dialectales. Il y a donc danger de passer d’une graphie normalisée à une langue normalisée si on ne retourne pas vers les locuteurs naturels n’ayant pas fait l’apprentissage de la langue écrite.
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[13]
Cf. Marie-Louise Tenèze, Littérature orale narrative, Paris, Cnrs, 1975. Extrait de L’Aubrac, tome v, p. 31–164 : « Le conte de la poulette », version n˚ 1 du T. 122F dans le catalogue français des contes d’animaux.
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[14]
Par exemple : « E amont abans d’arribar » (Et là haut avant d’arriver) devient « E amont, abans d’arribar ». De même, lorsque la poule dit au loup : « Ne me mange pas je serai plus grasse et plus tendre », des points de suspension montrent son hésitation dans le choix des arguments pour le dissuader : « Me manges pas… … serai pus grasseta… … e pus mofleta » pour « Me manges pas serai pus grasseta e pus mofleta ».
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[15]
On remarque que les ajouts portent uniquement sur la ponctuation. Par exemple : « Lo rainal : / A, a, a! A, cossí me vau carrar de te manjar! / – Piu! Piu, piu, piu, piu! / A! Aquel rainal! Mon vièlh, coma un fat! Qual sap de qu’arriba? Agacha se anèt luènh! Venguèt jusca al forn dels Botigas, aicí, a Bèç. E se fotèt dedins ». Pour « Mon vièlh, coma un fat! », on aurait la tentation de compléter : « Mon vieux! [Il s’en va] comme un fou! ».
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[16]
Vivian Labrie, op. cit., p. 34.
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[17]
Après des tentatives multiples qui l’ont différé de nombreuses années, c’est à la ténacité de Nicole Belmont et à la création de sa collection « Le langage des contes » aux éditions Gallimard que l’on doit la parution, en un même ouvrage, du répertoire parlé et du répertoire chanté recueillis de Nannette Lévesque.
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[18]
Jean-Luc Domenge, Contes merveilleux de Provence et Contes du diable et de l’ogre en Provence, Éditions Tac Motifs, 06-Grasse, collection « Contes et chansons populaires de la Provence », vol. 3 et 4, 2003 et 2005.
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[19]
De même, si l’on veut donner par écrit une idée de l’accent et de la prononciation du conteur, on pourra donner un échantillon de transcription quasi phonétique.
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[20]
La phonothèque de l’ex-Musée national des arts et traditions populaires (devenu Mucem) conserve à Paris des collectes conduites dans le cadre de l’ancien Centre d’ethnologie française du Cnrs, et s’emploie depuis la fermeture du musée parisien à déposer des doubles dans les phonothèques des régions concernées (associatives ou liées aux Archives départementales). Mais ce sont presque exclusivement les organismes associatifs qui ont mis en place la conservation, le traitement et la consultation des nombreuses collectes réalisées sur tout le territoire depuis les années soixante-dix.
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[21]
La Bibliothèque Nationale de France (Bnf) a passé une convention avec ces phonothèques en créant un pôle associé dans le domaine du traitement des archives sonores portant sur les traditions orales et musicales.
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[22]
B. Bonnemason, V. Ginouvès, V. Pérennou, Guide d’analyse documentaire du son inédit pour la mise en place de banques de données, Parthenay, Modal-Afas, 2001.
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[23]
Les romans ou la poésie, dits par des comédiens, ont bien pris place dans les rayons des disquaires et la formule connaît un réel succès.