Abstracts
Résumé
À partir des trois types de résistances et de luttes définies par Michel Foucault (contre les formes de domination, d’exploitation et d’assujettissement), je propose une analyse des revendications identitaires récentes des Métis canadiens, en mettant l’accent sur les relations de pouvoir entre les Métis et les gouvernements provinciaux et fédéral, entre les Métis francophones et anglophones du Manitoba et entre les associations métisses de l’Ouest et les représentants des Métis de l’Est (Québec, Labrador, Maritimes). Cinq points nous permettent d’analyser ces relations de pouvoir : 1) le système des différenciations qui permettent d’agir sur l’action des autres; 2) le type d’objectifs poursuivis par ceux qui agissent sur l’action des autres; 3) les modalités instrumentales; 4) les formes d’institutionnalisation; et 5) les degrés de rationalisation. Cette grille analytique foucaldienne nous permet de mieux comprendre les luttes identitaires à l’oeuvre dans les communautés métisses canadiennes et les dangers inhérents à la définition de l’identité métisse par l’imposition de critères d’authentification, entre autres, celui de l’extinction à moyen terme du statut métis.
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Appendices
Note biographique
Spécialiste des religions autochtones (anthropologie symbolique et anthropologie du pèlerinage), Denis Gagnon est professeur au Collège universitaire de Saint-Boniface et il est l’un des premiers anthropologues francophones à s’intéresser aux Métis. Il se consacre à l’étude des Métis manitobains et nord-américains et, depuis 2004, il est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse. Chercheur associé au Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (Ciéra) de l’Université Laval et au Laboratoire d’analyse cognitive de l’information (Lanci) de l’Université du Québec à Montréal, il vient de coordonner un numéro spécial sur les Métis pour la revue Anthropologie et sociétés (Université Laval).
Notes
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[1]
Fondée en 1887, deux ans après la pendaison de Louis Riel, l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNM) est la plus ancienne association métisse au Canada. Sa mission vise à protéger les traditions des Métis d’origine canadienne-française et catholique par l’entremise de programmes éducatifs et d’oeuvres de charité et à rendre sa fierté au peuple métis manitobain. Pour être membre, il fallait être Métis francophone ou Canadien français établi à la rivière Rouge avant 1890 et catholique pratiquant. En 1921, l’UNM publie Riel et la naissance du Manitoba (Winnipeg, Union nationale métisse Saint-Joseph), de l’historien français Auguste Henri de Trémaudan et, en 1927, elle le mandate pour écrire l’Histoire de la nation métisse dans l’Ouest canadien, qui sera publiée en 1936 (Montréal, Albert Lévesque). Isolés dans une province où les Métis s’anglicisent, s’assimilent ou cachent leur origine, l’UNM vit une période de repli des années 1940 à 2000.
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[2]
Reconnue comme nation autochtone distincte depuis 1982 par la Constitution canadienne, la nation métisse s’est jointe au Conseil national des autochtones du Canada (l’actuel Congrès des peuples autochtones). Déçus de leur faible visibilité dans cette alliance, les Métis se séparent en 1983 pour fonder le Ralliement national des Métis (RNM) qui les représente aux niveaux national et international. Le RNM est formé de représentants des associations provinciales métisses de l’ouest : Métis Nation of Alberta, Métis Nation of Ontario, Manitoba Métis Federation, Métis Provincial Council of British Columbia, et Métis Nation – Saskatchewan (Ralliement national des Métis, 2004).
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[3]
Denis Gagnon, « Le métissage et les Métis : exploration de l’interface entre la notion et la nation », dans Dominique Laporte (dir.), L’autre en mémoire, Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, p. 313–328.
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[4]
Cour suprême du Canada, Jugement rendu le 19 septembre 2003 dans la cause de Sa Majesté la Reine contre Steve Powley et Roddy Charles Powley, Ottawa, Cour Suprême du Canada, 2003, n˚ du greffe 28533.27, paragraphes 10 et 12.
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[5]
Denis Gagnon, « [Chronique juridique] Les impacts potentiels des enquêtes du ministère de la Justice sur l’identité métisse », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 36, n˚ 1, 2006, p. 95–96.
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[6]
Lawrence Barkwell, Leah Dorion et Darren R. Préfontaine (dir.), Métis Legacy – A Métis Historiography and Annotated Bibliography, Saskatoon, Gabriel Dumont Institute of Native Studies and Applied Research, et Winnipeg, Louis Riel Institute of the Manitoba Métis Federation, 2001.
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[7]
Les scrips, ou certificats, ont été offerts en 1885 aux descendants des familles métisses pour compenser la perte de leurs droits autochtones suite à un amendement de la Loi de 1870 sur le Manitoba. Les scrips donnaient droit à la possession de 240 acres de terre. Malheureusement, en raison du retard de plusieurs dizaines d’années dans la distribution des terres et dans la confirmation des titres fonciers existants, les meilleures terres furent données aux immigrants. Fraudes, pots-de-vin, extorsion par les autorités et le secteur privé, car les réserves pour les Métis étaient vues comme un fléau pour le pays. En fin de compte, un tout petit pourcentage des terres prévues (1,4 million d’arpents) a été donné aux Métis et plusieurs ont vendu leurs droits pour une bouchée de pain dans l’attente interminable des lettres patentes (Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 4, 1996, p. 252–253).
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[8]
Denis Gagnon, « La Nation métisse, les autres Métis et le métissage – Les paradoxes de la contingence identitaire », Anthropologie et sociétés, vol. 30, n˚ 1, 2006, p. 180–186.
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[9]
Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir » [1982], Dits et écrits 1954–1988, tome iv, Paris, Gallimard, 1994, p. 222–243.
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[10]
Denis Gagnon et Suzanne Gagné, « L’étude des langues métisses et les programmes de revitalisation du mitchif : un état de la situation », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 37, n˚ 2, [2008, à paraître].
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[11]
Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 4 (« Perspectives et réalités »), Ottawa, ministère des Approvisionnements et services, 1996, p. 250.
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[12]
L’Ordre d’Orange, fondé en Irlande en 1795, commémore la victoire du roi d’Angleterre, Guillaume d’Orange, sur les catholiques lors de la bataille de Boyne en 1690. L’ordre est fondé au Canada en 1830 et s’installe principalement en Ontario.
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[13]
Fred J. Shore, « The Emergence of the Métis Nation in Manitoba », dans L. Backwell, L. Dorion et D. Prefontaine (dir.), op. cit., p. 75.
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[14]
Métis National Council, Snapshot of the Nation – An Overview of the Métis Nation’s Governance Structures and Institutions, Regina, Métis National Council, 2004, p. 10.
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[15]
La loi C-31 a été adoptée en 1985 en raison du caractère discriminatoire de la Loi sur les Indiens, qui enlevait leur statut aux femmes indiennes et à leurs enfants si elles épousaient un non-Indien, ce qui n’était pas le cas pour un Indien qui épousait une non-Indienne. Cette loi redonne donc le statut indien à ces femmes et à leurs enfants (Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 4, 1996).